jeudi 7 juin 2018

Une déflagration

C'est sans doute impossible, mais je rêve que tous les films présentés au Festival de Cannes soient diffusés dans les cinémas le lendemain de leur passage sur la Croisette. C'est heureusement le cas du film d'ouverture: je me suis donc rué sur Everybody knows, cette année. Je n'ai pas résisté au couple glamour Penélope Cruz / Javier Bardem !

Que savais-je sur le scénario ? Presque rien. Je me sentais confiant grâce au réalisateur, Asghar Farhadi, que j'avais connu comme auteur de bons films dans son pays, l'Iran. Je l'imaginais capable de proposer quelque chose d'intéressant sur le sol espagnol. Bilan: j'ai plutôt gagné mon pari, car j'ai apprécié Everybody knows, et ce dès le début. Virevoltante, la caméra nous immerge au coeur de l'action, aux côtés de Laura, revenue dans son village d'enfance à l'occasion d'une fête familiale. Tout se passe alors à merveille et on oublie donc assez vite que le mari de la belle, Alejandro, est resté chez lui, en Argentine. Pourtant, le bonheur ne dure pas: un drame survient et le film bascule. Cela m'a d'autant plus frappé que, si la bande-annonce m'avait préparé à cette inflexion, j'ignorais tout de la nature exacte de ce qui allait arriver. À partir de là, en réalité, un autre récit commence: les couleurs vives de très belles scènes initiales s'effacent et une chape de plomb semble s'abattre sur chacun des personnages. Une énigme est posée, aussi, mais surprise ! C'est une fausse piste...

Je m'explique: je n'irai pas jusqu'à dire que la dimension "policière" de l'intrigue n'apporte rien au récit, mais, en fait, je l'ai trouvée presque reléguée au second plan. Ce que le film nous donne à voir relève beaucoup plus des conséquences des non-dits et rancoeurs entre les membres d'une même communauté que d'une situation conflictuelle "quelconque". On comprend donc que le jeu de massacre qui s'amorce sous nos yeux devrait causer une déflagration profonde au coeur d'un groupe de fait moins uni qu'il ne veut bien le montrer. Pareille intrigue suppose des acteurs ancrés dans leur rôle: c'est le cas de Javier Bardem, qui m'a véritablement fait très forte impression. Penélope Cruz est un peu en retrait, mais, à sa décharge, elle défend un personnage moins nuancé. J'ai d'ailleurs ressenti la même chose pour l'excellent Ricardo Darín, que j'ai trouvé un peu sous-exploité. Lire d'autres opinions devrait vous en convaincre: Everybody knows était très attendu, mais il reste loin de faire l'unanimité. Dommage. Pour ma part, j'en retiens les bons côtés pour finir sur un avis positif.

Everybody knows
Film espagnol d'Asghar Farhadi (2018)

C'est (presque) logique: le cinéaste nous avait mis une telle claque avec Une séparation que le niveau d'exigence des dingues de cinéma à son égard est particulièrement haut. De là à penser qu'il s'est égaré en quittant son pays, il y a un pas... que je ne veux pas franchir. Peut-être que le mieux est de voir ses autres films, Le passé, tourné en France, ou ceux qu'il a réalisés en Iran. Si l'occasion se présente...

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Vous seriez intéressés par d'autres avis ?

Je vous conseille donc d'aller lire les chroniques de Pascale et Strum. Vous pouvez aussi découvrir celle de Dasola, arrivée un peu plus tard.

6 commentaires:

Pascale a dit…

Un grande réussite pour moi à tous points de vue. Scénario réalisation interprétation.
Et un Javier magnifique.
J'avais beaucoup moins aimé Le passé je crois.

Martin a dit…

Je crois que tu as écrit la chronique la plus enthousiaste que j'ai lue.
Cela dit, comme tu peux le constater, nous sommes sur la même longueur d'ondes.

Strum a dit…

Merci pour le lien Martin. Comme tu le sais, je suis moins enthousiaste que toi.

Martin a dit…

Avec plaisir.
Ce n'est pas plus mal que tu sois d'un autre avis: cela permet d'alimenter le débat.

Pascale a dit…

Ah j'aime bien être la plus enthousiaste. Merci ça me fait plaisir.
Je crois avoir perdu tous les lecteurs qui n'aimaient que quand je dézinguais.

Martin a dit…

Certains de mes amis m'ont confié qu'ils aimeraient me voir dézinguer plus souvent.
Pour cela, il faudrait que je vois davantage de mauvais films. Mais j'arrive à en éviter pas mal.