lundi 2 mars 2015

Domaine de la lutte

La négation du rêve américain est, je crois, un thème ultra-classique du cinéma... américain. Les cinéastes là-bas n'ont pas d'équivalent pour dire qu'il n'est pas forcément si facile de réussir aux États-Unis. De ce point de vue, les premières scènes de Foxcatcher m'ont paru presque parfaites. La caméra suit Mark Schultz, un lutteur qu'un titre olympique aux Jeux de Los Angeles 1984 n'a pas sorti de la précarité.

Après ce lancement, Foxcatcher ne lâche plus guère son héros imparfait. Basé sur une histoire vraie, le scénario lui accorde aussitôt une seconde chance d'aller de l'avant, quand un certain John du Pont le contacte lui offre sur un plateau d'excellentes conditions d'entraînement. Porté par une certaine idée de l'Amérique, le mécène veut voir l'athlète reconnu à sa juste valeur et, à terme, décrocher d'autres titres internationaux, dont celui des Jeux de Séoul, en 1988. L'obstacle qui subsiste est que le moral de Mark dépend énormément du soutien de Dave, son coach et frère aîné, comme lui déjà grimpé sur la plus haute marche d'un podium olympique. Or, ce complice naturel refuse quant à lui de répondre favorablement aux "avances" de John du Pont: dès le début, son jeune frangin est donc tiraillé entre des sentiments contraires, son ambition sportive et sa loyauté familiale. Une dramaturgie classique, c'est vrai, mais plutôt efficace.

Très américain dans l'esprit, le film a de très grandes qualités. Prix de la mise en scène lors du dernier Festival de Cannes, il s'inscrit dans des décors absolument somptueux, sans fausse note graphique. Puisqu'il s'agit bien de nous ramener en arrière d'une trentaine d'années, je dirais que Foxcatcher réussit son pari sur ce point. Autre aspect tout à fait réussi: l'interprétation du trio de comédiens principaux. Tout en muscle, Channing Tatum exprime à merveille l'ambigüité de Mark, en fait incapable de voler de ses propres ailes. Dans le rôle du milliardaire faussement généreux, Steve Carell brille, lui aussi, et à contre-emploi, me semble-t-il: il m'a vraiment bluffé ! Reste Dave / Mark Ruffalo, un acteur que j'apprécie de plus en plus et, ici, celui que j'ai préféré des trois. Je dois tout de même ajouter un bémol sur ce tableau idyllique: le film m'a semblé assez linéaire. Cela dit, c'est peut-être parce qu'une bien malencontreuse recherche Internet m'avait révélé la fin avant même mon après-midi cinéma. Soyez sûrs qu'à mes yeux, le long-métrage reste très recommandable.

Foxcatcher
Film américain de Bennett Miller (2014)

La lutte sert donc de décor à ce film. Le stratège, le long-métrage précédent du réalisateur, tournait autour du base-ball. Pas besoin toutefois d'être un fondu de sport pour apprécier ces histoires. Pendant la projo, j'ai repensé à deux autres frères: ceux du Fighter de David O. Russell. Le pessimisme froid de l'opus présenté ce lundi m'a aussi rappelé The master, par certains aspects. Dur, dur, oui...

----------
Serait-ce parce qu'il est finalement trop... masculin ?

Le film n'a pas pleinement convaincu mes camarades Pascale et Tina.

Précision tardive... lundi 2 mars, toujours, mais à 22h55...
David (de "L'impossible blog ciné") apprécie Mark Ruffalo, lui aussi.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Hélas, comme tu le sais (et merci pour le lien au passage), je n'ai pas été très convaincue. Je n'ai pas trouvé le film mauvais, il a ses qualités. J'ai aimé les trois acteurs principaux, la seconde partie est également intéressante car on sent plus la tension et la complexité des personnages mais la première partie est pour moi trop lente et inutile, la mise en scène n'est pas pour moi si exceptionnelle, le scénario un peu faible et je remets également en cause le montage.

Martin a dit…

Hello Tina. Je serai un peu moins sévère, mais je suis d'accord avec toi pour dire que ce sont les acteurs qui tirent le mieux leur épingle du jeu.

Le film est un peu trop austère, à mon goût, mais il a le mérite d'être tenu.