lundi 25 mai 2009

Cannes, premier bilan

Allez, hop, deux messages sur Cannes. Ce soir, je consacre logiquement le premier au palmarès du 62ème Festival, annoncé hier. Demain ou mercredi... surprise ! Commençons donc par parler de la petite polémique Haneke. Jusqu'à ce matin, je me suis "amusé" à lire mes confrères disserter sur un favoritisme (auto-)supposé d'Isabelle Huppert. La comédienne française, prix d'interprétation féminine à Cannes en 2001 pour son rôle dans un film du réalisateur autrichien, a-t-elle renvoyé l'ascenseur en lui attribuant la Palme d'or ? Ce serait oublier un peu vite que le jury complet comptait encore huit autres membres pour décider de qui serait cette année roi de la Croisette ! Remarquez, dans la presse, on glose aussi - mais pas partout - sur le fait que les jurés n'ont pas vraiment sympathisé. Soulignant que sa femme lui posait souvent la question, Haneke, lui, a en tout cas affirmé qu'il était très heureux de repartir ainsi palmé. Après tout, pour lui, c'est le principal, vous ne croyez pas ?

Son film, Le ruban blanc, sortira en France le... 21 octobre seulement ! On a le temps d'en voir d'autres d'ici là. Les festivaliers n'ont pas dû rigoler tous les jours cette année. La Palme semble récompenser une oeuvre austère, tournée en noir et blanc, et décryptant les mécanismes de la haine dans un village de l'Allemagne du Nord un peu avant la première guerre mondiale. Michael Haneke a parait-il voulu donner une dimension universelle à son travail. Comme un nouvel avertissement sur la manière dont tout bascule parfois vers le chaos. Je demande à voir. Ce que je regrette une fois de plus après Cannes, c'est que le Festival bruisse plus des cancans de la coulisse que d'avis pertinents sur les films.

Pour être honnête, il faut admettre qu'on a tout de même beaucoup parlé de Un prophète, le film de Jacques Audiard, Palme imaginaire et finalement récompensé du Grand Prix. Le réalisateur français l'a joué modeste, s'affirmant saisi d'un sentiment d'imposture. Est-ce une posture ? Peut-être. Ce qui est certain ou presque, c'est que j'irai apprécier le résultat moi-même. Les bonnes critiques lues ça et là n'ont fait qu'accroître ma relative impatience. Comme je l'expliquais avant Cannes, j'ai un a priori positif par rapport à ce que je connais déjà d'Audiard fils. Et je salue son courage d'avoir cette fois confié son premier rôle à un illustre inconnu. Démarche à suivre...

Inconnu, Alain Resnais ne l'est plus du tout. Le papy du cinéma français - 87 ans en juin - a reçu un Prix exceptionnel du Festival, spécialement conçu pour lui. Comme on pouvait l'imaginer, il a également eu une ovation, avant, très ému qu'il était, de demander à ce qu'on applaudisse aussi son équipe et ses comédiens. Que valent Les herbes folles, son nouveau long métrage ? Je ne sais. Détail amusant: les habitués dont je parlais dernièrement ici même, le duo Sabine Azéma et André Dussolier, sont une nouvelle fois de la partie. Et le réalisateur a indiqué qu'il ne comptait pas s'arrêter là: il serait même déjà en train de préparer un nouveau film !

Irai-je voir Antichrist, celui de Lars von Trier ? Honnêtement, rien n'est moins sûr. Là aussi, j'aime ce que j'ai vu du réalisateur danois, mais j'ai une petite appréhension à l'idée de l'affronter dans une salle obscure. Remarquez, je m'en sors bien: l'intéressé, lui, souffre surtout d'une dépression et, d'après mon amie Céline, d'une phobie telle de l'avion qu'il ne s'est même pas déplacé jusqu'à la Croisette cette année, malgré la sélection de son film en compétition officielle. Pas de Palme cette fois-ci pour le Nordique, mais un Prix d'interprétation féminine pour Charlotte Gainsbourg. La chronique festivalière dit déjà qu'elle le mérite bien. J'ai apprécié son message de remerciement: "J'espère que mon père est fière de moi... et aussi très choqué !". Pas de quoi me rassurer, en fait...

Autre incertitude pour moi: vais-je oser accorder une chance supplémentaire à Quentin Tarantino ? Le réalisateur américain titille ma curiosité avec son Inglourious Basterds - double faute d'orthographe comprise. Je crains toutefois de m'agacer une fois encore de ce que j'appelle ses systématismes. Un véritable dilemme. To watch or not to watch, that is the question. En attendant d'avoir pris ma décision, je remarque que le cinéma autrichien me poursuit un peu depuis que je suis revenu des bords du Danube, puisque, dans le Tarantino, c'est le Viennois Christoph Waltz qui semble crever l'écran. Ce qui lui vaut, je pense que vous l'aurez compris, le Prix d'interprétation masculine. Et ce pour un rôle d'officier nazi !

En bref, maintenant. Le Prix de la mise en scène ? Brillante Mendoza l'obtient pour son Kinatay, un polar très noir, d'après ce que j'ai lu. C'est le sixième long-métrage de son auteur, qui a de nouveau su séduire Cannes un an seulement après sa précédente apparition.

Le Prix du scénario, lui, consacre Mei Feing, la scénariste de Nuits d'ivresse printanière. Sur un plan politique, il sera intéressant d'observer comment les autorités chinoises accueilleront dorénavant le retour au pays (possible ?) du réalisateur Lou Ye, qui a dû tourner clandestinement, interdit qu'il était de faire son travail après avoir présenté un autre de ses films... au Festival de Cannes ! Je crains qu'il n'ait pas arrangé son cas avec ce qui semble être une histoire d'amour homosexuelle. Pas très recommandable, le camarade ?

Un double Prix du jury, cette année ! Ex-aequo, donc, la Britannique Andrea Arnold pour Fish tank, l'histoire d'une ado qui tombe amoureuse de l'amant de sa mère, et Park Chan-wook, dont le Thirst est une histoire de vampires assez sanglante. Sans rien savoir vraiment quant aux films eux-mêmes, je suis a priori plutôt attiré par le premier, porté paraît-t-il par une excellente comédienne amateur. Un détail dont il faudra tâcher de se souvenir en salles.

Les deux derniers Prix sont particuliers et pourraient bien encourager leurs récipiendaires dans leur démarche cinématographique. Espérons-là, en tout cas ! La Caméra d'or, qui récompense traditionnellement un premier film, a été attribuée à l'Australien Warwick Thornton, auteur, avec Samson et Delilah, d'un film aborigène. Je n'ai pas trouvé de détails sur Arena, si ce n'est donc que son réalisateur, le Portugais Joao Salaviza, obtient un Prix aussi: celui du court-métrage. Thornton et Salaviza: deux artistes pour moi inconnus, que je n'avais même pas évoqués dans mon message double sur la sélection officielle. Allez savoir... peut-être réapparaîtront-ils à Cannes un jour, pour y gagner la Palme d'or.

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