lundi 17 avril 2023

Le grand silence

Il y a un concept que j'aime bien dans le cinéma: celui de suspension d'incrédulité. Le temps d'un film, le septième art nous invite à croire en l'improbable ou même, parfois, en l'impossible. Beaucoup de polars reposent ainsi sur cette négation de ce que nous pouvons concevoir. C'est notamment le cas de Trois jours et une vie (à voir sur Arte.tv).

Cette adaptation d'un roman de Pierre Lemaître nous entraîne droit vers les secrets d'un petit village des Ardennes belges, au moment des fêtes de Noël 1999. Comme l'indique Olivier Père, programmateur d'Arte, l'atmosphère rappelle celles de Clouzot, Chabrol ou Simenon. Antoine, un garçon d'une douzaine d'années, profite des vacances avec Rémy, un enfant un peu plus jeune, et aime sa soeur, Émilie. Soudain, le petit disparaît... et le grand, qui sait pourquoi, se tait. Quinze ans plus tard, devenu médecin, il dissimule toujours la vérité !

Cette vérité, nous spectateurs, nous la connaissons dès le début. L'intérêt du long-métrage est lié à cette question: les personnages finiront-ils par la découvrir ? Et qu'adviendra-t-il alors d'Antoine ? Trois jours et une vie sert avant tout de révélateur à la psychologie des différents protagonistes, petit à petit consumés par l'absence inexpliquée d'un membre de la communauté. L'implication des acteurs permet alors d'y croire: même si la prestation retenue de Pablo Pauly semble un peu froide, celles de Sandrine Bonnaire, Philippe Torreton et Charles Berling font - beaucoup - mieux que "sauver les meubles". Le décor humide et brouillardeux d'Olloy-sur-Viroin, bourgade wallonne d'un petit millier d'habitants, offre par ailleurs au récit le parfait écrin pour déployer toute sa noirceur (c'est aussi celle du livre, j'imagine).
Surprise: le film n'a même pas atteint les 100.000 entrées en salles. Lui accorder une séance de rattrapage pourrait être une bonne idée...

Trois jours et une vie
Film français de Nicolas Boukhrief (2019)

Entendons-nous bien, les ami(e)s: je ne recommanderai pas ce polar poisseux aux enfants, ni même aux jeunes adolescents, d'ailleurs. L'air vicié du village pourra vaguement vous rappeler Le corbeau. Plus profondément enfoui dans le glauque, un film comme Prisoners fait lui aussi forte impression, sur un sujet assez proche. Et je crois pouvoir filer jusqu'à Ardennes pour (re)trouver cet oppressant cadre !

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Est-il passé inaperçu sur la blogosphère ?

Non ! Il fait notamment l'objet d'une chronique positive chez Pascale.

2 commentaires:

Pascale a dit…

Un polar bien poisseux dans un environnement "ordinaire". Une réussite.
On partage notre avis sur Pablo... plutôt transparent. Dommage.

Martin a dit…

La "performance" de Pablo Pauly n'entache pas vraiment la qualité du film. Ouf !
Je l'avais trouvé plutôt bien dans "Patients", cet acteur. Il n'est peut-être pas à l'aise partout.