mardi 27 janvier 2009

Toiles blanches, corps noirs

Une semaine déjà que Barack Obama a officiellement été investi président des Etats-Unis. Pendant la campagne et même encore après l'élection, on a beaucoup parlé du fait qu'il soit noir - ou simplement métis, en fait. C'est ce qui m'a donné envie d'écrire aujourd'hui une chronique originale, sur les acteurs noirs au cinéma. Juste sous ce premier paragraphe, j'ai choisi de mettre une photo d'Hattie McDaniel. S'il y a parmi vous des cinéphiles qui connaissent cette comédienne américaine, je dis bravo ! L'image que j'ai retenue vous la montre en pleine gloire, alors qu'elle vient de recevoir l'Oscar du meilleur second rôle féminin. Une performance d'autant plus remarquable que c'est la toute première fois que l'Académie distingue une artiste "de couleur". Ironie du sort, le film qui lui vaut d'être distinguée est une fresque sur l'Amérique de la période esclavagiste, le célèbre Autant en emporte le vent. Je ne sais pas comment Hattie McDaniel a vécu cet état de fait. Peut-être avec un sentiment de revanche car, l'année précédente, elle s'était vue refuser l'entrée pour la projection de la première mondiale. C'était hier, en 1940...

Quelques années plus tard, le premier acteur noir couronné de l'Oscar de la meilleure interprétation est Sidney Poitier. Déjà en lice en 1958 pour La chaîne, le comédien s'incline alors devant David Niven. Finalement, il est récompensé courant 1963, grâce à sa prestation dans Le lys des champs. Je n'ai vu aucun de ces deux films, lacune que j'essayerais de rattraper si l'occasion se présente. Sidney Poitier est sans doute beaucoup plus connu pour un troisième (que je n'ai pas vu non plus): Dans la chaleur de la nuit. On est là pleinement dans notre sujet, puisqu'il y joue un détective chargé d'enquêter sur un meurtre dans une petite ville du sud américain, dans un contexte de racisme et de lutte pour l'obtention des droits civiques. L'oeuvre a du succès et remporte l'Oscar du meilleur film de l'année 1967, ainsi que ceux du meilleur son et du meilleur montage. La grande histoire est en marche vers (un peu) plus de tolérance à l'égard des minorités.

Il y aurait de quoi écrire une thèse. Plus modestement, et c'est d'ailleurs ce qui a éveillé mon intérêt pour la question, deux critiques américains - Manohla Dargis et A.O. Scott - ont publié une enquête dans le New York Times du 16 janvier pour expliquer comment, selon eux, les films ont "fait" un président. D'un certain point de vue, il est en effet probable que la fiction et l'importance chaque jour croissante de l'image dans la société actuelle ont favorisé l'émergence d'un candidat noir, puis l'élection de ce dernier, malgré tout convaincant pour les électeurs blancs. Il sera intéressant de voir comment les choses évoluent dans une Amérique qui voit aussi grandir le nombre d'Hispaniques. Une chose est sûre: Hollywood pourrait inventer le retour d'ascenseur, en racontant à son tour - et dès lors "à sa sauce" - l'exceptionnel parcours de Barack Obama. Pourquoi pas ? Interrogé sur ce point, Will Smith s'est en tout cas dit disposé à le faire: "Si je suis désigné par le commandeur en chef pour remplir cette mission, je l'honorerai tel un Américain !". Evidemment, on peut trouver un peu grotesque cette grandiloquence. Pour ma part, quand je regarde les écrans français, je me dis aussi qu'au fond, et à l'exception de films comme Indigènes, nous n'avons pas forcément de grandes leçons à donner...

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