samedi 25 juin 2011

L'autre enfant sauvage

Une chronique de Martin

Le moins que l'on puisse dire, c'est que mon envie d'appréhender enfin le cinéma des frères Dardenne ne date pas franchement d'hier. Plusieurs raisons m'ont en fait poussé à découvrir Le gamin au vélo. D'abord le fait d'en avoir entendu parler lors du Festival de Cannes, ensuite celui de l'avoir vu couronné d'un Grand Prix du jury et enfin l'idée évoquée ici et là qu'il était leur oeuvre la plus lumineuse. J'espérais éviter un propos trop pessimiste, au moins pour débuter.

Pour ce que j'ai pu en lire par ailleurs, Le gamin au vélo reprend beaucoup des codes "dardenniens". Sans que cela saute forcément aux yeux, l'histoire se déroule dans leur pays: la Belgique. Il est question de gens ordinaires à qui la vie ne sourit guère. Rencontre avec Cyril, marmot sans mère et que son père abandonne en foyer. Têtu, le gosse refuse d'admettre qu'il ne reverra pas nécessairement son géniteur, se présente à son domicile, ne comprend pas qu'il soit parti et voudrait au moins récupérer sa bicyclette. Autant de raisons qui l'incitent à faire le mur au nez et à la barbe des éducateurs s'occupant de lui. C'est au cours d'une de ces nombreuses fugues que, rattrapé dans le cabinet d'un médecin, Cyril s'accroche à Samantha. Cette rencontre de hasard détermine la suite du métrage: l'enfant supplie la jeune femme de l'accueillir chez elle les dimanches et, contre toute attente, cette dernière accepte. Non sans, au préalable, l'avoir aidé à récupérer son moyen de transport à pédales...

Je n'ai pas l'intention de raconter toutes les petites histoires qui font la grande. Le gamin au vélo est un film simple, une tranche de vie portée par un formidable jeune comédien, Thomas Doret. Je ne sais finalement pas grand-chose de lui. J'ai simplement cru comprendre que les Dardenne lui ont offert son premier film et qu'il doit bien avoir le même âge que son personnage: 12 ans tout juste. Il est parfait dans son jeu: comme souvent les enfants, il ne semble en fait pas jouer, mais vivre, tout simplement. L'une des qualités premières de ce film, c'est justement de donner à ce petit inconnu l'opportunité d'exprimer des choses extrêmement différentes. L'intéressé s'en sort à merveille et incarne Cyril dans sa frénésie, son besoin de tendresse et ses inquiétudes. Face aux acteurs confirmés, il ne dépareille pas une seconde et il ne serait pas forcément exagéré de dire qu'il porte presque le film sur ses épaules. Encore convient-il d'ajouter qu'il est formidablement filmé, avec une caméra qui capte son mouvement comme s'il était réel. Ce n'est peut-être pas du grand cinéma, non. Mais, de manière incontestable, c'est du très bon cinéma.

Quelques mots maintenant sur les autres interprètes. Mention spéciale à Cécile de France, jolie comme toujours et touchante comme jamais. La jeune Namuroise a quelque chose qui la distingue de la fille de ciné lambda. Je trouve qu'elle mène vraiment admirablement sa carrière. Depuis ses débuts (2000) et sa révélation chez Cédric Klapisch, elle alterne avec beaucoup de justesse oeuvres "grand public" et films d'auteur: je pense - et j'espère bien - que nous n'avons pas fini d'en entendre parler. Il faut noter qu'elle est l'une des toutes premières vraies stars convoquées par les Dardenne. À ses côtés, les frangins ont choisi de rappeler un de leurs habitués, Jérémie Rénier qui, lui aussi, sait disposer son talent sur une palette d'émotions contrastées... à 30 ans seulement ! Enfin, dernier rôle fort, celui d'un petit caïd joué par Egon di Mateo, autre jeune Belge que j'ai découvert avec plaisir. Au-delà de tout ça, Le gamin au vélo, c'est aussi la mise en scène qui les met en valeur, d'une grande épure et scandée par quelques notes de musique, répétées de loin en loin comme pour marquer des chapitres. Une image écrite, une image sonore, aussi, et qui me donne d'ores et déjà envie d'en voir d'autres.

Le gamin au vélo
Film belge de Jean-Pierre et Luc Dardenne (2011)
Clin d'oeil à François Truffaut, le titre de ma chronique pourrait bien vous induire en erreur. La sauvagerie dont il est question n'est pas celle d'un gosse laissé à la nature, mais celle d'un enfant écorché vif, que la vie a blessé et qui a du mal à surmonter ses fragilités intimes. J'ai aimé ce premier regard sur le travail des Dardenne. Il faudra attendre avant que je vous livre une vision un peu plus exhaustive des autres pièces de leur filmographie. D'ici là, je n'ai pas d'idée d'autre film qui pourrait se comparer à celui-là. Peut-être bien La vie rêvée des anges, du Français Erick Zonca. Pour l'ambiance simplement, tournez-vous éventuellement vers un Ken Loach...

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