samedi 4 décembre 2010

La mutation de Suzanne

Un pavillon bourgeois dans une ville de province, un mari cadre stressé qui est le seul à avoir un salaire, deux grands enfants blonds qui ne savent pas bien quoi faire de leur vie: dans sa tenue rouge cerise, Suzanne a toute la panoplie de la ménagère des années 70. Ce matin-là, quand elle rentre de son footing, elle ne sait pas encore que son destin va basculer. Le bon Robert parti dans l'idée de briser la grève de ses ouvriers ne revient qu'après une courte séquestration et subit une attaque cardiaque. Envolé en cure de repos forcé, il n'a d'autre choix que de confier les rênes de l'entreprise à sa femme. Suzanne à l'usine ou la révélation d'une Potiche. Où il est démontré que le plus cruche n'est pas nécessairement celui qu'on pense...

Pour peu que le septième art vous intéresse, j'ai du mal à imaginer que vous soyez passés à côté de la déferlante Potiche. On a dû parler de ce film dans tous les journaux, sur toutes les chaînes et les ondes diverses et variées. Je le fais moi-même avec plaisir, pour saluer non pas une oeuvre capitale, mais un vrai bon moment de cinéma. Ironie du sort, c'est aussi l'adaptation d'une pièce de théâtre, signée Barillet et Grédy. Catherine Deneuve y reprend le personnage créé par l'inénarrable Jacqueline Maillan. Une star du grand écran succède à un mythe des planches: sur ce premier point, essentiel, aucune fausse note à déplorer. Et le reste de la partition est à l'avenant. Derrière la caméra, il est vrai que le chef tient bien la baguette.

La grande qualité du film est en effet, non pas sa vraisemblance, mais son talent pour être caricatural et crédible à la fois, et donc franchement drôle. Potiche, c'est d'abord une incroyable brochette d'acteurs, tous justes et au service de dialogues ciselés: les rôles principaux sont en outre tenus par d'impeccables Fabrice Luchini, Gérard Depardieu, Karin Viard, Judith Godrèche et Jérémie Renier. C'est aussi - et j'allais dire surtout - une très chouette reconstitution de l'après-mai 68, tables formica, papiers peints fleuris et moumoute sur les téléphones à cadran. Quelques répliques savamment distillées rappellent au passage que, si elle n'est revenue en arrière, la France n'a pas forcément beaucoup changé non plus. Pas toujours rassurant. Bref, ce n'est jamais vraiment impertinent, mais c'est souvent malin. Bilan général: je n'ai pas ri aux éclats, j'ai même été un instant déçu par le dernier tiers du métrage, mais j'en suis sorti avec le sourire.

Potiche
Film français de François Ozon (2010)
La mutation du titre de cette chronique n'est pas qu'une promotion sociale, mais bel et bien une modification substantielle de la nature même de l'héroïne du film. Vous finirez par comprendre que Suzanne cache bien son jeu. Un mot encore sur le soin qu'Ozon et son équipe ont apporté aux plus petits détails. L'hommage à Jacques Demy paraît évident: le seul fait que l'époux de Suzanne gère une fabrique de pébroques ramène immédiatement vers cette merveille de film qu'est Les parapluies de Cherbourg, Catherine Deneuve reliant d'emblée les deux oeuvres et les deux époques. Second parallèle possible, avec Oscar, une autre pièce de théâtre de ce genre adaptée au cinéma. À voir surtout pour l'excitation de Louis de Funès et la roublardise de Claude Rich, l'humour y étant un peu moins fin.

2 commentaires:

Unknown a dit…

Coucou Martin,

Sympa ta critique surtout, tu ne racontes pas le film et ça c'est génial parce que ...je ne l'ai pas encore vue !

(pardon de jouer les SR, mais t'as pas oublié un l' devant inénarrable ?)

Sinon, à première vue le film s'inscrit dans une version un plus "mainstream" de l'oeuvre d'Ozon qui a quand même commis quelques belles pièces très gay friendly (gouttes d'eaux sur une pierre brûlante, un sacré hommage à Fassbinder).

En tout cas très envie de le voir...
T'abordes pas trop la parodie sociale ? Est-ce que c'est bon ? rapports hommes/femmes ? patron/syndicaliste ? Dans les années 70 la lutte des classes n'était pas encore devenue un gros mot !

Bon je reste un peu sur ma faim...
mais j'aime quand même beaucoup ton blog...éhé la preuve !

Bises.

Mémé

Pascale a dit…

Bon ça va, tant que personne ne dit de mal de MA Catherine, ça va...

J'ai un peu de mal à comprendre les nuances entre tes différents petits bonhomMES. Tu pourrais faire une explication de texte s'il te plaît ?