mercredi 2 mars 2011

Le roi ému

Une chronique de Martin

Si le destin ne s'en était mêlé, il ne serait jamais monté sur le trône. En 1936, George VI d'Angleterre n'hérite pas uniquement du pouvoir de son père: il "bénéficie" aussi de l'abdication de son frère. J'écris "bénéficie" entre guillemets car, ainsi que le montre parfaitement Le discours d'un roi, le jeune prince, en réalité prénommé Albert, n'est alors vraisemblablement pas un homme d'ambition. Son aîné ayant préféré l'amour d'une femme - américaine et divorcée - à la couronne, il doit juste faire face. Et donc assumer son inattendue responsabilité, tâche difficile et d'autant plus ingrate qu'il souffre de longue date d'un lourd handicap: le bégaiement.

Ce qui était déjà la plaie d'un homme de cour devient le cauchemar d'un chef d'État, l'obstacle à l'exercice serein de ses hautes fonctions. Autre souffrance: ailleurs en Europe, la paix est menacée par Hitler, Mussolini ou Staline, trois hommes politiques parfaitement à l'aise avec le verbe. Pour le coup, Le discours d'un roi ne s'appesantit guère sur ce contexte - il est évoqué pour mémoire, mais pas davantage. Le film se concentre sur ce monarque que les mots contrarient et sur son long chemin vers le mieux-être et la libération de phrases trop longtemps contenues. Ce qui s'avère captivant. J'insiste là-dessus: même quand on est aussi républicain que moi...

Plus encore qu'encouragé, Albert/George VI est poussé par sa femme à tout faire pour venir à bout de sa faiblesse langagière. C'est ainsi qu'il rencontre Lionel Logue, un drôle d'Australien, aux méthodes quelque peu "rentre-dedans", qui va accepter de l'aider. Vous l'aurez compris: Le discours d'un roi s'appuie d'abord sur un trio, constitué d'un royal sujet, d'une épouse aussi dévouée que déterminée et donc d'un curieux thérapeute. Dans chacun de ces rôles, Colin Firth, Helena Bonham Carter et Geoffrey Rush sont parfaits. Loin d'affadir le propos, le fait que, même romancée, cette histoire repose en fait sur la vérité rend le scénario plus étonnant encore. Ajoutez-y également une très belle reconstitution d'époque et vous aurez alors compris que je parle de l'un des très bons films de ce début 2011 !

Le discours d'un roi
Film anglo-américain de Tom Hooper (2010)
Le chic de ce long-métrage, c'est de jouer sur toute une palette d'émotions. J'ajoute qu'au-delà même de son intrigue, il m'a plu aussi sur le plan purement cinématographique. Il contient quelques plans d'une beauté à couper le souffle: je pense par exemple à la manière dont est filmée une promenade dans un parc londonien empli de soleil et de brume. Cette oeuvre touchante m'a fait songer au The queen de Stephen Frears, lui aussi largement consacré à la monarchie britannique - et en l'occurrence à la reine actuelle, Elizabeth II, la fille de George VI ! L'un et l'autre sont à voir de préférence en version originale. Après quoi, une petite recherche historique pourrait prolonger votre plaisir, quand vous noterez que le père de George VI n'aurait pas dû régner non plus, puisqu'il était lui aussi un cadet.

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