À 82 ans, Hayao Miyazaki signe-t-il une oeuvre à visée testamentaire avec
Le garçon et le héron ? Certaines des critiques que j'ai lues après avoir découvert le film l'affirment. Il est vrai que le maître japonais renoue avec ses motifs, mais aussi avec quelques souvenirs très lointains: les bombardements de Tokyo, une mère hospitalisée...
Celle de Mahito, le jeune héros du film, est également la pensionnaire d'un établissement de soins, qu'un raid aérien dévaste soudainement. Sa mort conduit l'enfant et son père, ingénieur dans une usine d'armement, à quitter la capitale pour une maison à la campagne. D'abord meurtri par le deuil, Mahito y découvre une jeune femme souriante qui n'est autre que sa tante. Très vite, la gigantesque tour couverte de végétation qu'il repère à proximité l'intrigue fortement. Le gosse tient à comprendre ce qu'est devenu le majestueux oiseau entré par l'une des fenêtres, mais les lieux lui semblent inaccessibles. Préoccupées, de vieilles dames l'invitent à ne pas aller voir plus loin...
Le garçon et le héron s'ouvre donc sur un drame et des images saisissantes, aussitôt suivies d'autres, bucoliques et donc porteuses d'apaisement. Nous n'en sommes encore qu'au prélude: un univers imaginaire va bientôt se déployer devant nos yeux (émerveillés). Pélicans, grenouilles ou poissons parlants, d'autres animaux unissent leurs forces pour nous emmener ailleurs, en un lieu où une réponse pourrait bien être donnée aux délicates questions que Mahito se pose. Il lui faudra dès lors suivre un parcours initiatique, un thème habituel dans toute l'oeuvre du génie à l'origine de ce superbe dessin animé. Mais il ne faut pas priver les adultes de ce voyage à nul autre pareil...
J'insiste sur un point: l'animation s'apparente ici à de l'orfèvrerie. Habitués que nous sommes à une telle prouesse, il peut nous arriver d'oublier à quel point ce style est même emblématique de son auteur. Actif depuis les années 60 et découvert en France avec une trentaine d'années de retard, Miyazaki-san n'en finit plus d'épater ! Son travail me fascine d'autant plus qu'il est tout aussi inventif que constant. Aujourd'hui, ses divers exégètes s'interrogent sur ce qu'il adviendra de Ghibli, son studio, lorsqu'il rejoindra son vieil ami Isao Takahata parmi les étoiles. Avant de le savoir, pouvoir profiter de son talent avec ce nouvel opus - diffusé en salles obscures - tient du privilège...
Bon... déjà fort longue, cette chronique élude toutefois l'hypothèse d'un ultime message du réalisateur nippon à son public, fidèle ou non. Petit indice: parmi ses personnes importants,
Le garçon et le héron compte un vieux monsieur, chargé de la construction et de l'équilibre du monde. En s'apercevant ensuite qu'à l'écran, ce monde est édifié sur treize briques fondatrices, comme autant de films d'animation inventés par Miyazaki, d'aucuns ont vu en ce protagoniste l
'alter ego du cinéaste. Je le reconnais: cela ne me paraît pas du tout absurde. D'ailleurs, j'ai noté que le film parlait de transmission, entre autres. J'ajoute que ce n'est pas forcément ce à quoi j'ai été le plus sensible. Embarqué dans une aventure complexe, je me suis laissé emporter par le récit. "
Ceux qui cherchent à comprendre périront": cette phrase d'une scène de transition m'incite à me contenter de mes émotions pour vous recommander une rapide sortie au cinéma le plus proche...
Le garçon et le héron
Film japonais de Hayao Miyazaki (2023)Je n'avais encore regardé qu'un seul film venu du Pays du soleil levant cette année... et c'était déjà un animé:
7 jours, de Yuta Murano. Celui d'aujourd'hui lui est largement supérieur et pourrait s'inscrire comme une nouvelle référence. Cela dit, je vous avoue humblement que j'ai préféré
Le voyage de Chihiro. Et sur le sujet du traumatisme lié à la guerre,
Dans un recoin de ce monde est à voir, sans hésiter !
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D'autres regards pour vous convaincre ?Princécranoir et
Strum ont été parmi les premiers à publier un avis favorable.
Pascale a aimé aussi, avec (un peu) moins d'enthousiasme.