jeudi 30 avril 2015

Les combattants

La tendance se confirme: film après film, je rapproche le réalisateur australien Peter Weir de mon Panthéon cinématographique. J'ignore s'il a prévu de tourner d'autres longs-métrages, à 70 ans désormais. Remonté 34 ans en arrière grâce à Arte, je suis en tout cas ravi d'avoir enfin pu découvrir Gallipoli. Pour ses admiratrices et -teurs parmi vous, lectrices et -teurs, je signale la présence de Mel Gibson.

Vous l'aviez déjà reconnu, non ? À gauche sur l'image, l'enfant terrible du cinéma des antipodes a 25 ans. Mark Lee, son partenaire, n'en est encore qu'à 23. Qu'importe: leur duo fonctionne vraiment à merveille et nous entraîne aisément dans une histoire terrible. S'il est précisé que le récit de Gallipoli repose sur des personnages fictifs, le film n'en illustre pas moins un épisode de l'histoire de la première guerre mondiale: la bataille des Dardanelles, un rude combat qui a opposé certaines troupes du Commonwealth - en partie australiennes, donc - aux forces armées turques. Peter Weir a placé sa caméra à hauteur d'homme: il est difficile de ne pas être touché par cette génération sacrifiée. Une émotion d'autant plus vive que l'action prend son temps et nous en laisse pour nous attacher aux deux protagonistes principaux. Avec eux, on arpente l'outback australien, on s'entraîne en Egypte et, un beau jour, on embarque vers les côtes de Turquie...

Un petit conseil, maintenant: si vous voulez voir le film, il vaudrait mieux que vous évitiez de courir après les infos sur Internet. Je parle d'expérience: quand j'ai cherché avec quelles belles images illustrer cette modeste chronique, je suis tombé X fois sur le tout dernier plan du long-métrage. OK, on se doute comment ça va finir, mais bon ! Tant qu'à faire, autant le confirmer au rythme que Peter Weir a voulu nous proposer: je suis franchement en admiration devant son style. Gallipoli enchaîne les scènes d'une grande beauté à vitesse grand V. Rien que pour cet esthétisme, il mérite vraiment le détour - beaucoup d'autres réalisateurs plus jeunes pourraient en prendre de la graine. Et puis, bien sûr, il y a le fond, le propos: les soldats apparaissent ici plus en victimes qu'en héros. Que le septième art dénonce l'absurdité de la guerre, ce n'est pas nouveau, je vous le concède. Je dois dire toutefois que c'est un message auquel je suis très sensible. Le fait qu'en l'espèce, il vienne d'Australie, le rend encore plus puissant. L'impression qui s'est imposée en moi, c'est celle de son universalité.

Gallipoli
Film australien de Peter Weir (1981)

Je ne sais pas trop sur quoi conclure. Ce film est sans conteste l'un des meilleurs que j'ai vus sur la première guerre mondiale. Son aura n'atteint pas celle de Les sentiers de la gloire, mais les deux oeuvres feraient un diptyque tout à fait percutant. Dans la filmo de Peter Weir maintenant, Gallipoli annonce Master and commander, qu'il faudrait que je revoie pour en reparler autrement que de mémoire. À suivre...

----------
Je suis en retard, messieurs dames...

Princécranoir avait déjà parlé du film il y a ... plus de sept ans !

mardi 28 avril 2015

La même histoire

Vous convaincre d'aller voir la version 2015 de Cendrillon, un film tourné en images réelles ? Je ne suis pas certain d'en être capable. Confidence pour confidence, je ne suis même pas sûr d'en avoir envie. Mais bon... me faut-il pour autant pisser tout mon vinaigre ? Je n'en vois pas l'intérêt, même si cette création des studios Disney est plus une redite - et un gros aspirateur à dollars - qu'autre chose.

Marchera ? Marchera pas ? Je n'en sais rien et je m'en fiche. J'ai fait cette sortie cinéma parce que ma maman me rendait visite ce jour-là et qu'elle en avait envie. Elle et moi connaissions déjà l'histoire légendaire de cette pauvre jeune femme martyrisée par sa belle-mère et ses deux infâmes belles-sœurs, mais qui finit par susciter l'amour d'un prince charmant. Ce remake n'est en rien une réécriture. Cendrillon 2015 avec des acteurs est un copier-coller quasi-intégral du dessin animé de 1950. C'est bien évident que, deux générations plus tard, la thématique est un peu poussiéreuse. La non-modernité n'empêche pas de se laisser prendre au petit jeu du conte classique...

C'est entendu: avec le rôle de la méchante, ma chère Cate Blanchett aura sans doute touché le gros lot sans forcer son talent. Le casting dans son ensemble ne produit d'ailleurs aucune étincelle particulière. La jolie Lily James en tête, je crois en fait que tout ce beau monde aura simplement respecté le cahier des charges, ni plus, ni moins. Cendrillon démontre au moins un certain savoir-faire technique. Curieusement, côté effets spéciaux, c'est un peu faiblard, mais il y a de beaux décors et de somptueux costumes - et donc, oui, du travail bien fait. Il me reste à espérer qu'il s'agisse d'un simple film transitionnel, avant d'autres projets plus novateurs et ambitieux. L'histoire a déjà prouvé plusieurs fois que Disney sait aussi rebondir après des créations en demi-teinte. Conclusion: pourvu que ça dure !

Cendrillon
Film américain de Kenneth Branagh (2015)

Je comprends très bien qu'on préfère Cendrillon en version animée. Je vous rappelle aussi qu'il arrive que certains contes traditionnels soient modernisés, à l'image de ce qui s'est fait pour Blanche-Neige et le chasseur notamment, après Blanche-Neige et les sept nains. Maintenant, faut-il vraiment qu'un remake se mette au goût du jour ? Doit-il à l'inverse rester figé ? Pas d'avis final: je juge au cas par cas.

----------
Une précision pour les fondus du grand écran...

Au cinéma, le film est présenté précédé d'Une fête givrée, un court reprenant les personnages de La reine des neiges. J'y vois également un début de promo du deuxième volet du long, attendu vers... 2018. 

lundi 27 avril 2015

Toujours givrés

Je ne m'attendais pas à ce qu'une chaîne télé diffuse L'âge de glace 4 le soir de Pâques. C'est arrivé, pourtant, et j'ai saisi cette occasion inattendue. Dans l'attente d'un possible cinquième opus, j'ai donc vu les quatre premiers épisodes - le troisième est d'ailleurs sur le blog. Sous-titré La dérive des continents, le dernier en date n'invente rien. Il s'inscrit dans la lignée: c'est sympa... et, de fait, un peu réchauffé.

En deux mots, pour les profanes, L'âge de glace 4 met donc en scène le trio qui nous a été présenté dès 2002: Manny le mammouth, Diego le tigre aux dents de sabre et Sid le paresseux. Film d'animation oblige, les trois rivaux supposés sont bons copains. Le truc intéressant dans leurs nouvelles aventures, c'est qu'ils se retrouvent encore une fois en petit comité. La tectonique des plaques les éloigne en effet de la petite famille qu'ils avaient pu constituer tout au long des précédentes glaciations. Vous voyez ce que je veux dire ? Non ? Regardez donc le film et tout devrait s'éclairer ! Le scénario d'ensemble est à la portée d'un enfant de 6-8 ans, je pense. Je dirais même qu'on peut voir ce volet indépendamment de ceux qui l'ont précédé. Le concept de base ne change pas, seul le bestiaire évolue...

Concrètement, ici, vous pourrez découvrir un aréopage d'animaux flibustiers, avec un capitaine singe, un éléphant de mer, une tigresse aux dents de sabre (tiens, tiens !), un lapin, un kangourou, un putois et diverses autres petites bestioles. Point important: les connaisseurs auront aussi la joie de retrouver Scrat, l'écureuil qui déclenche systématiquement les catastrophes qui affectent toute la ménagerie. Comme d'habitude, ce grand maladroit sert de fil rouge et revient donc de loin en loin pour de nouvelles gaffes - à la mode du Coyote ennemi du Bip Bip, pour situer un peu le personnage. J'ai passé l'âge de rire aux éclats devant pareil spectacle, mais ça me divertit toujours. L'âge de glace 4 doit être sympa à voir avec des enfants réceptifs. Moi, je l'ai regardé avec ma môman et ma foi... j'assume !

L'âge de glace 4 - La dérive des continents
Film américain de Steve Martino et Mike Thurmeier (2012)

Je me répète: L'âge de glace 3 - Le temps des dinosaures fait l'objet d'une chronique sur ce même blog. Si vous vous intéressez aux films d'animation, vous aurez peut-être déjà noté que cette franchise vient des studios Fox, arbitre possible de la guéguerre Dreamworks / Pixar. Cela dit, pour être honnête avec vous, du côté de la préhistoire cinématographique, j'ai une (petite) préférence pour Les Croods...

----------
À lire ailleurs...
David ("L'impossible blog ciné") évoque un conflit autour de la version originale. J'ai vu la VF: Gérard Lanvin, Vincent Cassel, Élie Semoun. Dasola, elle, parle du film... que son ami et elle ont beaucoup aimé. 

samedi 25 avril 2015

Légende urbaine

676 films sont sortis en France en 2014. C'est (un peu) plus encore que la moyenne des années précédentes. Ces chiffres importants peuvent expliquer qu'au milieu du flot, plusieurs petites productions naviguent, invisibles pour beaucoup. Je suppose qu'il en sera ainsi cette année de Le Challat de Tunis, apparu chez nous un an environ après sa sortie nationale, en Tunisie, donc. Une "bête" à festivals...

En France, le film a bénéficié du soutien de l'Association du cinéma indépendant pour sa diffusion (ACID). Depuis 23 ans, l'organisation regroupe des cinéastes pour favoriser la sortie de "petites" oeuvres comme celle dont je vous parle aujourd'hui. Le Challat de Tunis n'offre de fait que peu de comparaisons possibles avec le tout-venant de ce qui déboule chaque semaine sur nos écrans. Il nous apprend qu'en 2003, dans les rues de la capitale tunisienne, un homme armé d'une lame de rasoir tailladait les fesses des femmes qu'il jugeait impudiques. Une bonne dizaine d'années et une Révolution de Jasmin plus tard, l'anecdote ressort et on s'interroge sur sa réalité (ou non). Ce fameux Challat a-t-il vraiment existé ? Si oui, que faut-il penser de ces agissements ? On s'aperçoit alors avec effroi que la "légende" suscite aussi une certaine forme d'admiration. Que les victimes supposées n'en sont pas toujours et que la vérité est très incertaine.

Le film qui en découle s'apparente à un vrai-faux documentaire. Parfois d'une ironie mordante, il fait rire et frémir à la fois. L'image d'une Tunisie moderne, enfin débarrassée des avatars de la dictature du clan Ben Ali, en prend un sacré coup. La réalisatrice nous égare volontairement dans une pseudo-enquête et n'hésite pas à appuyer précisément là où ça fait le plus mal, avec de nombreux comédiens amateurs. Son (premier) long-métrage a un impact d'autant plus fort que, pour jouer un homme qui prétend être le vrai Challat, elle a fait appel à Jalel Dridi, qui fut suspecté et emprisonné dans cette affaire. Le Challat de Tunis est un kaléidoscope complexe: les clés d'analyse qui nous sont données sont rares et chacun aura sûrement une vision différente de ce qui est conforme à la réalité ou mensonger. Personnellement, en sortant de la salle, j'avais bien des questions restées sans véritable réponse. Mais, vu le film, ça m'a paru logique.

Le Challat de Tunis
Film tunisien de Kaouther Ben Hania (2014)

Je ne vais pas vous en reparler tout de suite, mais le fait est que j'ai en rayon un second film susceptible de faire écho au Printemps tunisien - que j'écris en gras, parce que c'est également son titre. J'ouvre mon blog à un nouveau pays: toutes premières découvertes. Comme je l'ai suggéré plus haut, je crois n'avoir que peu d'éléments de comparaison. Un autre film sur la rumeur pourrait faire l'affaire...

----------
Pour vous aider à y voir plus clair...
"Chez Sentinelle" publie également son analyse du film d'aujourd'hui.

Pour finir, une anecdote en hors-champ...
Je tenais à souligner qu'on retrouve ici quelques-uns des techniciens césarisés en février avec Timbuktu: le directeur photo Sofian El Fani ou la monteuse Nadia Ben Rachid. L'Afrique est joliment représentée !

vendredi 24 avril 2015

La danse suffit

Après 1.048 films chroniqués, il est grand temps, je crois, d'aborder enfin un genre jusqu'alors négligé sur ce blog: la comédie musicale. Un aveu, d'abord: je n'y connais presque rien - j'ai deux ou trois titres de films en tête, tout au plus. Parmi eux, il y a bien évidemment celui du long-métrage que je vous présente aujourd'hui: Tous en scène. Cyd Charisse et Fred Astaire y interprètent les deux rôles principaux.

Elle a 32 ans, lui 54, mais ça n'est en rien choquant: Gabrielle Gerard et Tony Hunter, leurs personnages, ont eux aussi un écart d'âge conséquent. L'intrigue - légère, ma foi - tourne autour d'une idée extrêmement simple: les difficultés du retour à la scène d'une vedette quelque peu passée de mode. C'est très loin d'être la première fois que Hollywood nous raconte cette histoire-là. Si vous parvenez toutefois à entrer dans la danse, Tous en scène vous plaira sûrement pour autre chose que son originalité toute relative: aussi "vieillots" soient-ils, les passages chorégraphiés restent des plus admirables. Pour être tout à fait honnête avec vous, je reconnaitrai volontiers qu'ils ne m'ont pas tous procuré la même émotion. Il aura suffi toutefois que le duo vedette entame alors un somptueux pas de deux dans un Central Park reconstitué pour que je m'émeuve de concert. Aucun chant à cet instant: la musique et la danse suffisent largement.

Un film comme celui-là, c'est forcément un réservoir d'anecdotes croustillantes. Tous en scène est notamment connu pour avoir offert à Cyd Charisse son tout premier... rôle parlant ! La belle tournait pourtant depuis déjà une dizaine d'années quand elle prit ce virage majeur de sa carrière. Elle avait même déjà joué avec Fred Astaire sept ans auparavant. Ici, ils reproduisent d'ailleurs quelques éléments réels de leur éthique professionnelle, tels que l'aversion de Monsieur pour les partenaires plus grandes (ouf, Mademoiselle reste "basse" !). Considéré comme un standard, le long-métrage reçut un accueil favorable lors de sa sortie. Son scénario, sa musique et ses costumes lui valurent d'être nommé pour trois Oscars - avant de faire chou blanc le soir de la cérémonie. Ce que j'apprécie, moi, dans ce genre de productions, c'est l'impression qu'elles ont dû permettre aux gens de retrouver le sourire après les années de guerre. Et c'est déjà bien !

Tous en scène
Film américain de Vincente Minnelli (1953)

Oups ! J'ai manqué Un Américain à Paris lors de sa récente diffusion sur Arte. Au menu des comédies musicales, l'un de mes objectifs consiste à découvrir un jour My fair lady, avec Audrey Hepburn. Maintenant, d'ici là, il se peut que je revoie Chantons sous la pluie. Je suis attiré aussi par une bizarrerie avec Clint Eastwood, mais oui ! J'arrête là mes pseudo-explications pour ne pas gâcher le suspense...

----------
Cela étant dit, si vous en voulez encore...

Vous pouvez toujours faire un saut du côté de "L'oeil sur l'écran". Chonchon parle elle aussi du film sur "Mon cinéma, jour après jour". Quant à Ideyvonne, elle nous en montre quelques images de plus.

jeudi 23 avril 2015

Au tour des vieux

Il est possible que la suite soit encore à l'affiche de votre cinéma préféré au moment où vous lirez ces lignes. Je tiens à préciser d'emblée que c'est bien d'Indian palace premier du nom que je vais vous parler aujourd'hui. Sorti en France en mai 2012, ce film britannique a pour héros de dignes représentants du troisième âge. Tous ont accepté de se moquer d'eux-mêmes. Très gentiment, certes.

La première chose qui m'a attiré vers Indian palace ? Sa distribution. Elle regroupe Judi Dench, Maggie Smith, Bill Nighy et Tom Wilkinson. Dev Patel est l'un des jeunes acteurs chargés d'encadrer les "seniors". Ridés ou non, je comptabilisais donc cinq visages connus et appréciés dans d'autres productions. En outre, l'idée de juger des bienfaits supposés du voisinage permanent entre grisonnants dans un pays aussi coloré que l'Inde pouvait augurer une bonne petite comédie. Finalement, sans être malhonnête, le film reste assez plan-plan. J'ignore comment il a été accueilli à Bombay, mais tout en parvenant à me faire sourire, il ne m'a guère surpris. Les situations qu'il choisit de mettre en scène ne sont pas très originales. Ce n'est pas grave...

Pour le reste, j'ai trouvé dans cette chronique ce que j'avais imaginé trouver. Concrètement, le scénario évacue rapidement la question des motivations des uns et des autres pour quitter l'Angleterre. Visiblement, l'intention des auteurs n'était pas de développer le récit dans ses dimensions sociales, ce que les sujets de Sa Royale Majesté font pourtant avec brio quand ils le veulent bien. Non: le principe retenu pour Indian palace est celui des bons sentiments triomphants. Prononcée à deux ou trois reprises, la phrase-clé du film donne le ton sans équivoque. Je cite: "Toutes les histoires finissent par s'arranger. Quand une histoire ne s'arrange pas, c'est qu'elle n'est pas terminée". Je suppose qu'avec ça, vous savez à quoi vous en tenir, non ? J'ajoute juste que, malgré ma réserve, je n'ai pas passé un mauvais moment.

Indian palace
Film britannique de John Madden (2012)

J'ai parlé de Dev Patel: je rappelle à ceux qui l'auraient déjà oublié que le jeune homme était en 2008 le héros de Slumdog millionaire. Je vous laisse vous débrouiller pour reconnaître les aînés ! Je vais sans doute en décourager quelques-uns en soulignant pour conclure que John Madden, le réalisateur, est aussi celui d'un film récompensé d'un Oscar et pourtant peu estimé: j'ai nommé Shakespeare in love.

----------
Pour finir tout à fait, je reviens en Inde...

L'occasion de lire une bonne critique du film sur "Le blog de Dasola". Une même mansuétude est de mise du côté de "Deuxième séance". Enthousiasme encore et toujours sur "Mon cinéma, jour après jour".

mardi 21 avril 2015

Encore des ados

Vous ne m'en voudrez pas, hein ? C'est à nouveau une histoire d'ados qui sera la thème de ma chronique aujourd'hui. Je suis allé la piocher dans l'immense collection du cinéma indépendant américain. Présenté au Festival de Sundance en 2013, The spectacular now est arrivé dans les salles françaises au tout début de l'année dernière. Je note qu'il y est passé inaperçu, avec seulement... 18 695 tickets vendus !

C'est vraiment dommage, à mon humble avis. The spectacular now n'invente rien, c'est vrai, mais c'est un joli petit film. Son "héros" s'appelle Sutter, a 18 ans et en termine avec les années au lycée. Garçon intelligent mais pas franchement travailleur, notre ami vivote chez sa mère célibataire, sans tellement se soucier de ce qu'il fera ensuite, quand l'heure sera venue d'être admis dans une université quelconque ou de bosser pour de bon, c'est-à-dire chez un patron. Quand le long-métrage commence, et sans l'avoir cherché, Sutter vient de se faire plaquer par sa petite amie. Une colossale beuverie plus tard, il rencontre une autre fille, Aimee, dont il s'éprend vite. L'idée du scénario est de nous démontrer combien cet attachement est sincère, en dépit de la réputation de tombeur du jeune homme...

Du coup, malgré une apparence d'abord très ordinaire, le récit dévoile petit à petit des trésors insoupçonnés. Il n'est pas question ici d'amours frivoles et de sentiments négligés, mais plutôt du portrait sensible de deux jeunes Américains à la recherche d'eux-mêmes. Chacun engagé dans leur quatrième long-métrage, Shailene Woodley et Miles Teller sont incroyablement justes et du coup très touchants. Ados ou adultes, d'autres portent joliment les quelques personnages secondaires: à titre d'exemples, je citerai Brie Larson, en ex nostalgique, ou Kyle Chandler, en papa incapable d'être à la hauteur des attentes de son fils. Autant le dire: The spectacular now joue allégrement la carte du yoyo émotionnel. Rien de très inventif, donc. Cela dit et même répété, la sincérité du propos a suffi à me toucher.

The spectacular now
Film américain de James Ponsoldt (2013)

Les espoirs que j'avais placés sur ce petit film n'ont pas été déçus. Honnêtement, j'aimerais en voir plus souvent de cette qualité. L'Amérique jeune filmée avec acuité, on peut parfois la retrouver chez Gus van Sant (Paranoïd park) et Sofia Coppola (Virgin suicides) notamment. Je précise que le long-métrage dont j'ai parlé aujourd'hui est moins plombant. À (re)voir aussi: Boyhood - de Richard Linklater.

----------
Lire d'autres avis sur le film du jour ? C'est possible !
L'amie Pascale ("Sur la route du cinéma") en dit du bien, elle aussi. Autre critique positive sur "Le blog de Tinalakiller", plus explicite.

lundi 20 avril 2015

La jeune fille et la mort

Elisabeth préfère qu'on l'appelle Daisy. C'est une adolescente américaine, mal dans sa peau. Quand elle débarque en Angleterre pour quelques semaines de vacances estivales, elle y arrive seule. Tout juste si elle prévient son père qu'elle a fait bon voyage. Elisabeth / Daisy n'a pas connu sa mère: elle est morte en la mettant au monde. How I live now (Maintenant c'est ma vie) ne rigole pas...

C'est Saoirse Ronan, l'actrice principale, qui m'a donné envie de voir ce film britannique, sorti en France il y a juste un peu plus d'un an. J'aime bien cette jeune comédienne irlandaise: elle accepte souvent des rôles assez exigeants pour son âge - elle vient d'avoir 21 ans. Cette fois, le personnage qu'elle campe ressemble à une jeune d'aujourd'hui, dans la gamme asociale tourmentée. Très indépendante d'abord, la demoiselle va s'adoucir progressivement, plutôt sensible finalement aux bienfaits d'une pause à la campagne, loin de chez elle. Une fois posé ce préambule bucolique, le scénario fait une volte-face complète et How I live now... devient alors un film... de guerre ! Disons plutôt un film sur les effets de la guerre: les enfants et ados rassemblés dès les premières images se retrouvent rapidement livrés à eux-mêmes, alors qu'éclate ce qui ressemble à un conflit mondial. Les enjeux du long-métrage changent donc (presque) du tout au tout.

À ce stade de ma chronique, je crois bien de dire que le film adapte un roman, le premier de l'Américaine Meg Rosoff, sorti en 2004. Comme son héroïne, l'auteur a une idée de ce que représente le fait de découvrir un autre pays que le sien, puisque, née aux États-Unis en 1956, elle vit à Londres depuis 1989. Sans avoir lu son livre auparavant, je crois pouvoir dire que sa version cinéma est parvenue à poser de belles images sur d'horribles situations. C'est surprenant ! Je subodore qu'on peut rejeter le long-métrage pour cette raison. Parfois, d'ailleurs, l'esthétisme a failli nuire à mes émotions. Suggestif plutôt qu'explicite, tendu plutôt que violent, le récit tourne autour d'une jeune femme qui trouve une détermination à vivre quand elle fait face à la pire des menaces. How I live now... s'avère un teen movie des plus atypiques, même s'il est vite facile d'imaginer comment il va finir. Rien à redire sur Saoirse Ronan et les autres...

How I live now (Maintenant c'est ma vie)
Film britannique de Kevin MacDonald (2014)

Il existe très certainement des films plus intenses au sujet d'enfants embarqués dans la guerre - on m'a parlé du géorgien L'autre rive. Reste que la thématique est forte. Ce monde qui ressemble au nôtre m'a rappelé celui de Never let me go. Maintenant, si vous voulez voir d'autres films puissants sans adulte, je vous conseille Summertime et, surtout, Nobody knows. Âmes sensibles ne pas s'abstenir, mais...

----------
Une bonne chose, pour finir...
Le film m'offre une nouvelle occasion de lien vers "Deuxième séance". Laurent, le webmaster, aime toujours parler d'oeuvres méconnues...  

samedi 18 avril 2015

Né pour être roi

Vous connaissez la légende, non ? Le fils d'un monarque guerroyeur est enlevé à sa mère par un magicien et élevé tel un simple écuyer par un modeste seigneur. Un jour, par hasard, il retire une épée coincée dans une pierre: il réalise alors une prophétie et devient roi de Bretagne. Le mythe d'Arthur a traversé les siècles et j'espérais voir Excalibur, l'une de ses versions cinéma, depuis déjà un bon moment.

Avec quelques raccourcis et simplifications, tout y est: le miracle initial, le couronnement qui s'ensuit, Merlin, Lancelot, Guenièvre, Morgane, la quête du Graal... ceux qui aiment les récits arthuriens seront en terrain familier. Il est difficile de surprendre en racontant encore ce qui l'a déjà été mille fois: la réussite tient alors aux talents mis en oeuvre pour donner corps à un univers fantasmé. Excalibur assume plutôt bien le cahier des charges d'une telle entreprise. Souvenons-nous que le film a plus de 30 ans: la technique cinéma n'était pas ce qu'elle est devenue aujourd'hui, du côté des effets spéciaux, notamment. J'ai de fait trouvé que l'auteur de ces images n'avait pas à rougir de son travail. Il m'a fallu quelques minutes d'abord pour me familiariser à son style, mais j'y ai pris du plaisir...

Ce qui m'a marqué, c'est qu'en respectant l'essentiel des figures imposées, Excalibur parvient également à dégager son identité propre. Épique et flamboyant, le long-métrage montre par exemple que malgré leurs principes courtois, les chevaliers sont des guerriers implacables et qu'il faut savoir se montrer dominateur pour être roi. D'innombrables scènes de bataille parsèment le film, bien plus violent que je ne l'avais imaginé. Ce n'est toutefois pas un défaut ! Je dois dire en effet que j'ai apprécié ce traitement concret, de boue, de feu et de sang. L'aventure est d'ailleurs plus riche, puisqu'il est question aussi d'amour, bien sûr, et de loyauté, de fidélité aux engagements. Avec parfois des pointes d'humour, cette spectaculaire production nous permet également de revoir des têtes connues en leurs débuts ou presque: je citerai Helen Mirren, Gabriel Byrne ou Liam Neeson. Pour peu que vous aimiez le genre, je vous recommande de regarder !

Excalibur
Film américano-britannique de John Boorman (1981)

Ma page des réalisateurs vous oriente vers plusieurs autres créations du même réalisateur, réputé pour son éclectisme et toujours actif aujourd'hui. En préambule à cette chronique, je soulignais également la diversité des représentations de la légende de la Table ronde. J'imagine que j'y reviendrai, autour notamment du blockbuster Le roi Arthur, sorti en 2004. Le tout est en réalité de valeur très inégale...

----------
Bon, et qu'en pense-t-on ailleurs ?

Chonchon ("Mon cinéma, jour après jour") est moins enthousiaste. Sur son propre blog, Ideyvonne, elle, laisse plutôt parler les images.

vendredi 17 avril 2015

Sellers le multiple

Autant vous le dire franchement: je n'avais pas spécialement prévu de vous parler de Peter Sellers aujourd'hui. Si c'est ce que j'ai choisi de faire finalement, c'est parce que j'ai revu La party le 27 mars dernier. Pour ne rien vous cacher, j'ai même eu à présenter le film lors d'une soirée de mon association cinéphile - l'occasion de vérifier que je manque encore de pratique. Mais, par chance, c'était drôle...

Il faut dire que, question rigolade, Peter Sellers se pose en référence. Né en 1925 et décédé en 1980, le Britannique au coeur fragile, enfant d'une famille de comédiens, tourna 75 films en 32 ans de carrière cinéma et télé. Une cruelle anecdote veut que son père lui trouvait juste assez de talent pour devenir... balayeur ! Ceux qui s'intéressent aux carrières précoces noteront que le petit Peter jouait du théâtre burlesque dès l'âge de cinq ans. Sellers put faire quelques gammes pendant la Seconde Guerre mondiale, enrôlé comme bien des artistes d'alors dans l'Entertainments National Service Association, une entité conçue pour remonter le moral des troupes et des ouvriers d'usine. Une fois la paix revenue, le clown-soldat fut notamment danseur, musicien de jazz et voix de la BBC. Son premier film remonte à 1948. En 1955, Peter Sellers est encore très discret dans Tueurs de dames. La star, c'est son aîné et compatriote, cet autre génie: Alec Guinness.

Au cours du quart de siècle qui suivra, notre ami aura mille occasions de prouver son immense talent. Son rôle le plus illustre et aimé demeure probablement celui de l'inspecteur Clouseau, le policier français aussi efficace que maladroit de la saga La panthère rose. Quatre ans avant La party, en 1964 donc, le comédien se coulait alors dans un costume qu'il porterait trois autres fois, en 1975, 76 et 78. Derrière la caméra, le même complice à chaque fois: Blake Edwards. Grand ami de l'acteur, le réalisateur devait même lui offrir un épisode posthume en 1982, à partir de scènes non gardées lors du montage des opus précédents. Ne retenir de Sellers que cette collaboration serait toutefois franchement réducteur: le bon Peter travailla beaucoup et entre autres avec Stanley Kubrick, assez fou pour jouer trois des rôles de Docteur Folamour - dont celui d'un ingénieur nazi. L'homme n'avait décidément peur de rien ! On a ainsi pu dire de lui qu'il savait, à sa seule volonté, devenir n'importe qui d'autre. Décoré par la reine Elizabeth, héritier de Charlot, Peter Sellers est immortel.

----------
Bien entendu, cette chronique est très sommaire...

N'hésitez donc pas à en dire plus long par le biais d'un commentaire ! Pour (re)découvrir Peter Sellers, Wikipedia est aussi une bonne piste.

jeudi 16 avril 2015

Un monde à eux

Lino Ventura a 48 ans et Alain Delon approche de ses 32 printemps quand ils tournent ensemble Les aventuriers. Dans ce film traversé par un esprit de jeunesse, une mannequin canadienne s'intercale entre eux, qui n'a pas soufflé sa 24ème bougie: Joanna Shimkus deviendra, une dizaine d'années plus tard, l'épouse de Sidney Poitier. Mais n'allons pas mélanger chronique cinéma et information people...

Les aventuriers, c'est d'abord l'histoire de deux copains, d'un âge différent, mais d'une ambition commune: Roland le mécano et Manu le pilote d'avion rêvent plus ou moins d'une autre vie. Par un hasard dont il ne faut pas forcément dire qu'il est heureux, les deux amis apprennent qu'une épave repose au fond de l'Atlantique, quelque part au large du Congo. Le plongeur qui mettrait la main dessus s'emparerait du même coup du fabuleux trésor qu'elle est censée contenir. D'abord hésitants, les deux compères s'embarquent, emportant avec eux Laetitia, une jeune artiste qui passait par là. Outre une affection teintée d'ambigüité, un certain sentiment d'échec unit ces trois (beaux) personnages. Je crois que c'est ce qui explique qu'on s'attache à eux. En 1967, certains s'y sont sûrement reconnus...

Plus de vingt ans avant sa rénovation et 23 avant l'arrivée du jeu télévisé éponyme, le film nous donne à voir un Fort Boyard submergé par la végétation. Je ne dirai pas pourquoi, car cela m'amènerait nécessairement à dévoiler la fin de l'histoire. Je peux souligner simplement que Les aventuriers est moins naïf qu'il n'y paraît d'abord. D'un certain point de vue, c'est presque un long-métrage nostalgique. Le fait est que ses deux personnages principaux regrettent quelque chose qu'ils n'ont finalement qu'à peine effleuré. Bientôt cinquante ans plus tard, ce récit porte logiquement la marque de son temps. Cet aspect suranné le rend somme toute sympathique. Assez bien joué, rythmé et "dépaysant", il a accédé au rang envié d'oeuvre-culte pour une partie du public. À voir... au moins une fois.

Les aventuriers
Film français de Robert Enrico (1967)

Si cette production sort du lot, c'est aussi pour la musique très sixties de François de Roubaix, artiste maudit, puisque décédé d'un accident de plongée à 36 ans seulement. Côté cinéma, on peut retrouver ici quelque chose de Classe tous risques (la plume de José Giovanni ?). Plutôt en quête de liberté que voyous, Roland-Lino et Manu-Alain bâtissent leur monde à eux, un peu comme Butch Cassidy et le Kid...

----------
Si ça vous tente, vous pouvez aussi partir à l'aventure...

Sur "Mon cinéma, jour après jour", Chonchon dit tout son admiration pour le film. Vous lirez aussi une autre chronique chez Princécranoir

mardi 14 avril 2015

Être et avoir été

Riggan Thomson s'est fait connaître dans le rôle du personnage principal d'une série de films de superhéros. Soucieux de (dé)montrer d'autres facettes de son talent, il s'est appuyé sur un ami producteur pour accéder aux planches de Broadway et jouer du Raymond Carver. L'ennui, c'est que tout s'annonce encore très difficile à quelques jours seulement de la première. C'est alors que débute Birdman, le film...

Je ne saurais affirmer à 100% que je serais allé le voir si l'Académie des Oscars avait choisi un autre lauréat comme meilleur film de 2014. Aujourd'hui, deux petits mois plus tard, je suis content de l'avoir vu. L'essentiel du propos repose sur un quasi-revenant: Michael Keaton. J'avais totalement perdu de vue cet acteur et j'ai donc pu constater qu'il ne ressemble plus du tout à Julien Lepers - mais ça, on s'en fout ! L'important, c'est ce qu'il est parvenu à faire ici de son homme-oiseau devenu théâtreux: de belles choses, à mon avis. Il a bien été aidé d'ailleurs par un scénario malin, à défaut d'être tout à fait inventif. L'histoire de l'ancien qui tient à montrer aux p'tits jeunes qu'il reste au top, Hollywood nous l'a racontée maintes fois. Sans la transcender véritablement, Birdman ne la dépouille pas de son efficacité dramatique. Riggan Thomson est un drôle de héros, aussi émouvant qu'il peut être pathétique. Je l'ai finalement trouvé plutôt attachant.

D'une manière générale, la distribution m'a paru jouer sur le ton juste. J'ai retrouvé - avec plaisir - quelques comédiennes et -diens que j'aime bien et que j'ai appréciés: Emma Stone en photo ci-dessus, Naomi Watts, un génial Edward Norton et même Zach Galifianakis toujours barbu, mais passé visiblement... par un régime drastique ! Une précision s'impose, je pense: plus encore que comme un film d'acteurs, Birdman m'est apparu comme un film d'auteur-réalisateur. Derrière la caméra et co-scénariste, Alejandro Gonzalez Iñárritu déroule tout son savoir-faire technique pour faire du long-métrage une prouesse visuelle: un plan-séquence ininterrompu (ou presque). D'aucuns ont jugé cette démonstration de force purement gratuite. C'est sûr: il y a tout lieu de croire que le Mexicain s'est fait plaisir. Chacun jugera s'il faut l'en blâmer ou non: pour ma part, j'ai trouvé que ça contribuait plutôt à l'atmosphère du film. Ce que nous voyons flirte peu ou prou avec le fantastique, en nous laissant interpréter librement plusieurs scènes - dont la toute fin. C'est stimulant, en fait.

Birdman
Film américain d'Alejandro Gonzalez Iñárritu (2014)

Le long-métrage a un défaut: il se montre trop caricatural et insistant dans sa dénonciation de la critique professionnelle. J'ai failli le noter trois étoiles et demie pour cette raison. Bon... puisqu'il est question d'un artiste en fâcheuse posture, je pardonne et vous renvoie illico vers d'autres films sur cette thématique: l'encore récent Sils Maria ou, plus anciens, Que le spectacle commence et Stardust memories.

----------
Maintenant, un petit tour sur d'autres blogs...

Pascale ("Sur la route du cinéma") a vraiment beaucoup aimé le film. Tinalakiller, elle, est de l'avis exactement opposé ! Dasola en dit beaucoup et se cale pile entre les deux. Un peu comme Princécranoir.

lundi 13 avril 2015

Un mois à attendre

Vous aviez remarqué ? Nous sommes rendus aujourd'hui à un mois pile avant les débuts du 68ème Festival de Cannes. Il faudra patienter encore jusqu'à ce jeudi pour connaître les films retenus pour la course à la Palme d'or, même si plusieurs médias bruissent déjà de rumeurs quant à la présence (ou non) des uns et des autres, stars confirmées ou jeunes pousses en voie d'éclosion. Le compte à rebours est lancé !

Ce que l'on sait déjà depuis un moment, c'est que les frères Coen présideront le jury. C'est un événement en soi: la toute première fois qu'un duo prend place dans ces prestigieuses fonctions. Ethan et Joel n'ont toutefois pas attendu 2015 pour se faire valoir sur la Croisette. Rappel pour les étourdis: les frangins y ont déjà récolté une Palme d'or, un Grand Prix du jury et trois Prix de la mise en scène. Je suis curieux de voir comment ils vont s'en sortir pour juger les autres. J'imagine que je suis loin d'être le seul à les attendre au tournant. Maintenant, j'ai aussi un a priori favorable: si 10 de leurs 16 films font l'objet d'une chronique ici même, c'est bien que je les aime. Euphémisme, mes ami(e)s ! Ils sont haut classés dans mon Panthéon cinématographique - et je serais étonné que ça change après Cannes.

Le Festival, lui, va peut-être changer un peu. J'en ai déjà fait état dans une précédente chronique: Pierre Lescure remplace Gilles Jacob à la tête de la manifestation. Élu le 14 janvier 2014, il a été installé en juillet, ce qui me laisse penser que le programme de cette édition sera, si ce n'est exclusivement, au moins très largement le sien. L'ancien PDG de Canal + avancera-t-il en terrain conquis ? Pas sûr. Cela dit, il dispose d'atouts et, a priori, connaît bien la profession. D'un point de vue politique, sa notoriété vient également d'un rapport préparé à la demande de la ministre de la Culture Aurélie Filippetti sur les liens entre le monde de la culture et celui des technologies numériques. Le cinéma est concerné, bien entendu. Reste à savoir comment le personnage s'y prendra pour secouer le cocotier cannois. Je ne suis pas de ceux qui trouvent le rendez-vous de la Croisette conservateur. Nous verrons bien s'il y souffle un vent de modernité...

----------
Maintenant, c'est à vous de vous exprimer...
Est-ce que vous êtes impatients de voir le Festival de Cannes démarrer ? Qu'attendez-vous de l'événement ? Je suis à votre écoute.

dimanche 12 avril 2015

Sous influence féline

Jerry Hickfang est un type tout à fait ordinaire, employé d'une usine de fabrication de baignoires. Il vit avec deux animaux: son chien Bosco et son chat Monsieur Moustaches. Fiona, l'une des comptables de l'entreprise, lui a tapé dans l'oeil, mais ce n'est pas réciproque. Jerry parvient tout de même à la faire monter dans son pick-up. L'embêtant, en réalité, c'est juste qu'il soit un tantinet psychopathe...

Je suis allé voir The voices en confiance à l'égard de Marjane Satrapi. L'artiste franco-iranienne a toujours, me semble-t-il, des univers intéressants. Précision: cette fois, pour sa seconde réalisation en solo et son quatrième long-métrage en tout, elle n'a pas écrit le scénario. C'est un Américain, Michael R. Perry, qui s'en est chargé. Son idée première, comme le titre du film l'indique précisément, est d'imaginer un personnage qui entend des voix et imagine en fait que les animaux lui parlent. Bon... sans surprise, le chien est gentil, tendance niais. Le chat, lui, est l'incarnation du démon: il est roux, vulgaire et cruel. Problème: une fois qu'on a compris et admis que Jerry est téléguidé par ses pulsions bestiales, il ne se passe plus grand-chose. J'exagère. Disons qu'il se passe des choses... beaucoup trop faciles à anticiper.

Bref, pour moi, The voices est une déception. J'ai vite senti l'ennui pointer le bout de son nez et ce n'est mon compagnon de cinéma privilégié, comme vous pouvez le supposer. Parmi les quelques points positifs à signaler malgré tout, je retiens essentiellement une forme soignée, avec notamment quelques jolies images de nuit, des décors adaptés et des costumes assez réussis. Rien à redire: les équipes techniques ont bien fait leur boulot, même si j'ai vu plus imaginatif. Ce que je regrette vraiment, c'est l'exploitation trop timide d'une idée intéressante: le film illustre la manière dont Jerry perçoit le monde qui l'entoure, ainsi que ce qu'il est réellement, mais ça va trop vite. Au final, l'idée générale est bien de nous faire rire sur des motifs morbides, mais les mêmes situations semblent se répéter à l'infini. Conclusion: la comédie est ratée et le thriller peu enthousiasmant. Malgré deux ou trois clins d'oeil sympa, le film carbure à l'ordinaire.

The voices
Film américain de Marjane Satrapi (2015)

D'après moi, la référence la plus évidente est Psychose: j'ai trouvé d'ailleurs que l'acteur principal, Ryan Reynolds, avait un petit air d'Anthony Perkins, parfois - ou de Ben Affleck, mais je m'égare. Problème: le long-métrage n'est pas à la hauteur de son modèle supposé. Parce que ça se veut une comédie ? Ma foi, c'est possible. Reste que, côté frissons, ça ne décolle pas plus haut qu'un Scream...

----------
Bon... chez les copains, le film est mieux perçu...

Deuxflics lui donne la note de 3/5 et Tina, elle, trois étoiles sur 4. Soit. Comme moi, Pascale le démonte quand même un petit peu...

vendredi 10 avril 2015

Travaux forcés

Il faudra bien qu'un jour, je me décide à regarder les premiers films tournés par David Lean, quand il travaillait encore en Angleterre. Dans la filmographie du maître, Le pont de la rivière Kwaï marque incontestablement une rupture: c'est en effet la toute première fois qu'il tourne une telle superproduction. Bonne décision: cette oeuvre désormais mythique remportera sept Oscars... et bien d'autres prix.

Derrière ce succès, il y a aussi un Français: l'écrivain Pierre Boulle. C'est lui qui, en 1952, réinvente cette histoire de soldats anglais prisonniers des Japonais dans la jungle birmane, en 1942 et 1943. Autour d'un contexte historique réel, l'auteur brode une anecdote imaginaire, que je ne vais pas révéler ici: 1) parce que je ne sais pas si l'adaptation cinéma est fidèle et 2) parce que je trouve préférable de ne pas vous gâcher la surprise. Je vais simplement dire qu'il est question de travaux forcés et de résistance à des ordres de l'ennemi vainqueur. D'héroïsme, donc ? Pas sûr. Le pont de la rivière Kwaï n'est pas le film de guerre le plus manichéen que je connaisse. Objectivement, il peut être vu comme un portrait flatteur des forces armées britanniques, mais je dirais que ce n'est pas aussi simple...

Surtout dans ses dernières séquences, le film fait aussi le constat lucide de l'absolue absurdité de la guerre. Je trouve qu'il le fait intelligemment, sans jamais dépeindre les adversaires en sauvages sanguinaires, ni même se lancer alors dans un hypocrite plaidoyer pacifiste. Le pont de la rivière Kwaï nous présente des hommes courageux, certes, mais faillibles. Leurs actions ne sont pas guidées par leurs seuls intérêts, c'est vrai, mais il arrive qu'ils se dédisent. Pourquoi ? Parce qu'ils n'ont guère d'autre choix pour survivre, pardi ! Je trouve très pertinente cette approche d'un conflit militaire. L'intelligence du propos, c'est également, après près de deux heures et demie d'image, de savoir conclure en quelques minutes à peine. C'est un grand spectacle à l'ancienne et encore assez impressionnant.

Le pont de la rivière Kwaï
Film américano-britannique de David Lean (1957)

Seul l'écran géant d'un cinéma m'aura manqué pour m'enthousiasmer davantage. Pour le reste, ce film, c'est du petit lait ! Et les acteurs sont assez formidables, bien sûr, à commencer par Alec Guinness ! Cela dit, ma préférence va à Lawrence d'Arabie - et oui, David Lean nous a bel et bien laissé quelques monuments du cinéma mondial. Pour comparaison, je vous conseille Tant qu'il y aura des hommes.

----------
Bon... toujours motivés pour en savoir plus ?
David ("L'impossible blog ciné") a pu savourer le film au cinoche ! Agrémenté d'anecdotes, un autre avis est à lire sur "L'oeil sur l'écran".

mercredi 8 avril 2015

Le couple parfait ?

Vous l'avez sûrement déjà compris si vous êtes l'un(e) des habitué(e)s de ce blog: j'ai une affection particulière pour le cinéma vintage. L'opportunité d'y apprécier un couple Jane Fonda / Robert Redford suffit presque à expliquer mon intérêt pour Pieds nus dans le parc. Mademoiselle et Monsieur ont sans doute fait mieux, mais tant pis ! C'est agréable aussi parfois de se laisser aller à une certaine facilité.

Corrie et Paul Bratter viennent de se marier. Ils passent des jours entiers dans la chambre d'un palace new-yorkais et, une fois terminée cette lune de miel qu'on peut imaginer assez coquine, emménagent dans un petit appartement. Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si ledit appartement n'était pas situé au dernier étage d'une haute tour, ce qui s'avère des plus fatiguants pour l'installateur du téléphone, le livreur du mobilier, la belle-mère et même le mari ! En fait, à part la jeune épousée qui se contenterait volontiers d'amour et d'eau fraîche, tout le monde trouve à redire. Le confort matériel s'impose-t-il vraiment devant les sentiments ? À vous de voir. J'aimerais m'en tenir là quant au scénario de ce quasi-huis-clos. Précision: Pieds nus dans le parc était d'abord une pièce de théâtre.

Pour son premier essai sur écran, l'auteur - un dénommé Neil Simon - ne m'a pas paru maîtriser totalement les contraintes du rythme propre au cinéma. Le film est sympathique, mais de fait un peu figé. L'avantage de cette pose, c'est qu'elle laisse champ libre aux acteurs. Des deux stars ici présentes, il me semble que la meilleure prestation est à porter au crédit de Jane Fonda, très convaincante en amoureuse éperdue. Robert Redford a du charme, mais son incroyable charisme ne se manifeste encore que peu - ce n'est "que" son septième film. J'en profite pour citer Mildred Natwick et Charles Boyer: ils m'ont paru à la fois drôles et touchants en vieille maman (un peu trop) attentive et en voisin fantasque. Ce n'est qu'à la fin du film, en oubliant quelque peu les longueurs, que vous saisirez le sens du titre du film. Pieds nus dans le parc est un honnête divertissement, un bonbon amélioré d'une petite dose d'amertume. Rien d'indispensable, certes.

Pieds nus dans le parc
Film américain de Gene Saks (1967)

Robert n'est pas encore l'immense vedette qu'il est devenu depuis. Jane affiche davantage sa jolie frimousse que ses convictions politiques. Ce film gagne clairement à être replacé dans son contexte historique. Tel quel, c'est une petite comédie, agréable, qui fait oublier ses défauts de rythme et son intrigue à vrai dire minimaliste. Bon, dans le genre, c'est sûr que je préfère Diamants sur canapé...

lundi 6 avril 2015

Une image du mythe

David Rousseau est à sec: plus la moindre goutte de l'imagination fertile qui a fait de lui un auteur de polars prolifique et respecté. Candice Lecoeur, elle, s'appelle en réalité Martine Langevin. Elle rêve d'être actrice, mais n'est que miss météo sur une chaîne jurassienne. Quand ces deux êtres un peu cabossés se rencontrent, la demoiselle est déjà morte, apparemment suicidée. Poupoupidou commence...

Il y a dans ce petit film français une originalité à laquelle je suis sensible. Comme son personnage principal, le scénario s'écarte franchement des sentiers battus et c'est très bien ! Très belle idée que de choisir de tourner à Mouthe, la ville réputée être la plus froide de France: le tapis neigeux qui recouvre intégralement le décor contribue à la tonalité de ce long-métrage d'une douceur étonnante. Sur le grand échiquier des genres, l'oeuvre n'est pas facile à situer. C'est d'ailleurs ce qui la rend si intéressante et attachante, placée qu'elle est entre le film policier classique et la comédie romantique improbable. Poupoupidou est assez inclassable, pour tout dire. Peut-être que certains d'entre vous le déploreront: il faut admettre une forme de contemplation pour profiter pleinement de l'expérience.

D'une certaine façon, ce film est aussi celui d'un amoureux du cinéma. Son titre lui-même est un indice: le récit explore en fait tendrement le fantasme d'une Marilyn Monroe à la française, du succès relatif rencontré de son vivant à sa tragique disparition. Ici, la réalisation fait une place intelligente à la voix off, Candice / Martine détaillant quelques aspects de sa personnalité post mortem, par l'intermédiaire souvent des divers journaux intimes qu'elle a laissés derrière elle. David serait alors l'incarnation du groupie, mi-admiratif, mi-voyeur. Jean-Paul Rouve interprète ces nuances avec subtilité et parvient ainsi habilement à nous intéresser à cette vraie-fausse enquête sentimentale. Sophie Quinton joue bien, elle aussi, et Poupoupidou s'élève alors au-dessus de la mêlée. Je suis bien content de l'avoir vu.

Poupoupidou
Film français de Gérald Hustache-Mathieu (2011)

Les seconds rôles sont bons également, à l'image de Guillaume Gouix ou de Clara Ponsot, notamment. J'aime vraiment le côté onirique décelé dans ce petit programme: j'ai pu éprouver une émotion comparable à celle que j'avais ressentie devant Quand je serai petit. Jean-Paul Rouve est donc le dénominateur commun de ces deux films qui rendent possible ce qui ne l'est  pas. Une définition du cinéma ?

----------
Et si vous vous laissiez convaincre par d'autres ?

Pascale ("Sur la route du cinéma") a vu le film et l'aime beaucoup. Autre de mes références où il en est dit du bien: "Le blog de Dasola". 

samedi 4 avril 2015

Totale défonce

Je ne sais pas s'ils la liront, mais au cas où... j'avais envie de dédier cette chronique à mes potes Cédric et Franck. Le premier m'a permis de découvrir Paul Thomas Anderson et le second, fan du cinéaste américain, m'accompagnait lors de mes deux dernières séances cinéma liées à ses créations. Ce qui me conduit logiquement aujourd'hui à vous présenter la toute dernière sortie: Inherent vice.

Quel film étrange ! J'y suis allé sans trop d'hésitation pour retrouver Joaquin Phoenix dans ses oeuvres. La - grande - diversité de ses rôles et l'intensité avec laquelle il les investit font que je le place au rang des meilleurs acteurs de sa génération - il est né en 1974, au fait. Dans Inherent vice, Jo Pho est Larry "Doc" Sportello, un détective privé fumeur de shit du Los Angeles de 1970. Un jour d'apparence ordinaire, notre gaillard voit débarquer son ex, qui lui demande d'aider le nouvel homme de sa vie, un grand ponte de l'immobilier menacé d'internement psychiatrique forcé par son épouse légitime. Vous trouvez déjà ça compliqué ? Pas de chance: ça commence juste. Très vite, sur cette trame somme toute classique, le long-métrage voit les personnages se multiplier et, de ce fait même, sa narration éclater en mille morceaux. Tout devient de plus en plus nébuleux. Comme si des substances illicites s'étaient répandues dans la salle.

Un conseil pour profiter du spectacle: larguez donc les amarres ! Franchement, au départ, j'ai essayé de suivre, mais ça n'a pas duré longtemps. J'ai compris que c'était peine perdue et j'ai capitulé. Bonne nouvelle: quand on débranche son cerveau, Inherent vice s'avère ponctuellement assez tordant. Paul Thomas Anderson prouve encore une fois qu'il sait tenir une caméra et nous offre du coup quelques séances d'anthologie, bien secondé par ses comédiens. Parmi eux, quelques visages connus, Reese Witherspoon, Josh Brolin, Owen Wilson ou encore Benicio del Toro, et une jeune comédienne dont j'ignorais tout, dans le rôle de l'ex: Katherine Waterston. Apparemment, le résultat ne fait pas l'unanimité: certains critiques adorent - le film a même reçu quelques prix - et d'autres détestent. C'est donc ce qu'on pourrait appeler une expérience ! Je suis content de l'avoir tentée et j'y ai plutôt pris plaisir. C'est pas tous les jours...

Inherent vice
Film américain de Paul Thomas Anderson (2015)

Un petit rappel: Joaquin Phoenix jouait déjà l'un des deux rôles principaux dans le précédent film de PTA: The master. Il y était d'après moi encore meilleur et sa prestation sans doute éprouvante. Bon... cela dit, je supporte mieux tout ça que Magnolia, qui avait été une vraie épreuve pour le Bisounours que je suis, fondamentalement. Pour votre (ré)confort, je vous recommanderais Punch-drunk love.

----------
Allons voir maintenant ce que les autres en disent...
Pascale ("Sur la route du cinéma") n'a pas franchement adhéré. Princécranoir ("Ma bulle") se montre quant à lui plus enthousiaste.