Citation: "Camille Claudel est une grande oeuvre malade, qui pèche par ses excès, mais triomphe par son ambition et son intégrité". Critique pour Télérama, Aurélien Ferenczi voit assez juste, je trouve. J'avais envie de découvrir ce film sorti en 1988, en prenant le risque d'un décalage. Je l'ai aimé, malgré quelques réserves, et j'y reviens...
Avant cela, un mot pour celles et ceux qui l'ignorent: Camille Claudel, née dans l'Aisne en 1864, était la fille aînée - après la mort d'un frère encore bébé - d'un couple relativement aisé. Les historiens de l'art assurent qu'elle eut la passion de la sculpture dès son adolescence. Rejetée par sa mère, mais soutenue par son père, elle "fit carrière" et, un temps, fut à la fois la collaboratrice, la muse et l'amante d'Auguste Rodin (né, lui, à Paris, en 1840). C'est sur cette relation aussi féconde que tourmentée entre deux génies que s'attarde le film. Mais il ne s'appelle pas Camille Claudel pour rien: c'est autour d'elle que le scénario s'articule, comme pour sublimer un destin pathétique. Si vous en ignorez les contours, je me tais et vous laisse les découvrir avec le film (ou toute autre source d'information de votre choix). Cinématographiquement parlant, certains parlent d'un long-métrage voulu par Isabelle Adjani, sa star féminine, et que son compagnon aura tourné à sa demande. C'est vrai, mais ce n'est pas un problème. L'actrice aura très bien investi son rôle et le réalisateur aussi, le sien.
Voir ou revoir ce film en 2025 peut interroger sur les personnages masculins et bien sûr, au tout premier chef, celui d'Auguste Rodin. Comme vous le savez ou voyez, il est incarné par Gérard Depardieu. Je vous le dis très franchement: cela ne m'a posé aucun problème. Mais, assez logiquement, la personnalité de l'acteur du 21ème siècle rejaillit sur le sculpteur du 19ème, dont l'attitude avec les femmes correspond à celle de ceux qu'on appelle aujourd'hui les "mâles alpha". Observé à travers ce prisme particulier, Camille Claudel est un film passionnant et peut-être précurseur. Dénonciateur ? Pas forcément. De mon point de vue, c'est avant tout une ode à une femme longtemps mise sur le côté et qui mérite pourtant qu'on se souvienne d'elle comme d'une très grande artiste. À l'écran, certaines scènes parviennent à le démontrer sans grande emphase, tandis que d'autres explosent littéralement (et de façon quelque peu excessive, parfois). Au final, bilan positif: j'ai tout de même vu un grand film d'époque. L'Académie des César lui en offrit cinq. Il était nommé... pour douze !
Camille Claudel
Film français de Bruno Nuytten (1988)
Des excès, de l'ambition et de l'intégrité... oui, c'est pertinent. D'ailleurs, cela semble bien correspondre à ce qu'était Camille Claudel. Si vous souhaitez nuancer le propos, je vous réoriente très volontiers vers un autre film en bon complément: Rodin (de Jacques Doillon). J'aimerais voir Camille Claudel, 1915 de Bruno Dumont... une fois prochaine, sûrement. D'ici là, je conseille Bonnard Pierre et Marthe !
Camille Claudel
Film français de Bruno Nuytten (1988)
Des excès, de l'ambition et de l'intégrité... oui, c'est pertinent. D'ailleurs, cela semble bien correspondre à ce qu'était Camille Claudel. Si vous souhaitez nuancer le propos, je vous réoriente très volontiers vers un autre film en bon complément: Rodin (de Jacques Doillon). J'aimerais voir Camille Claudel, 1915 de Bruno Dumont... une fois prochaine, sûrement. D'ici là, je conseille Bonnard Pierre et Marthe !
6 commentaires:
J'avais ADORÉ ce film bouleversant sur le destin contrarié de cette artiste (et femme) de génie que les hommes ont contrainte, bafouée puis enfermée. Son père d'abord qui l'aimait mollement mais n'est jamais intervenu, son Rodin tellement envieux et son ignoble frère sans doute également envieux et tellement pénétré de foi chrétienne.
Je me suis prise alors d'une détestation éternelle pour Paul Claudel, ce donneur de leçons bigot qui ne s'applique pas à lui-même la base de sa bigoterie.
J'avais trouvé Isabelle Adjani exceptionnelle. Jusque dans son travail sur la voix qui se brise.
La scène où elle vient crier que Rodin lui a tout pris me bouleverse.
Je n'ai pas aimé le Rodin avec un Vincent Lindon chuchotant et Izia... (passons).
J'ai vu le Camille de Dumont. Très étonnant dans sa filmo.
Camille n'était pas folle. Elle dérangeait. Un homme ce serait comporté comme elle, on aurait crué au génie.
Oui, c'est terrible, ce qui est arrivé à Camille Claudel. Il semblerait tout de même que ses proches aient attendu la mort du père pour la faire enfermée définitivement. Et que les lettres adressées à ses anciens médecins pour la sortir de cette infâme réclusion n'aient eu aucun effet. Si ce n'est peut-être même d'aggraver encore sa situation...
Sur Paul Claudel, je passe. Je ne le défendrai pas, mais je pense que les moeurs bourgeoises de son temps collent bien avec son comportement à l'égard de son temps. Le film semble également suggérer une frustration sexuelle dont je n'ai pas cherché à vérifier l'authenticité. Et je ne connais rien de ses écrits littéraires.
Isabelle Adjani est superbe, dans ce film. Les personnages d'amoureuses contrariées lui vont (ou allaient) à merveille, semble-t-il. J'ai un excellent souvenir de "L'histoire d'Adèle H." et c'est principalement à elle que je le dois. Ainsi qu'à une scène en particulier, où la caméra de Truffaut fait des merveilles pour exprimer le désarroi de la femme délaissée.
Camille Claudel n'était pas folle, non. Je ne sais pas si un homme qui se serait comporté comme elle aurait immédiatement été considéré comme un génie, cela dit. Les artistes les plus engagés dans leur travail sont parfois très peu aimés de leur vivant. Ce n'est qu'avec le temps qui passe qu'on leur donne une place importante dans l'histoire de l'art.
Et j'ajoute pour finir qu'à mon avis, certains génies reconnus sont ou ont été, par ailleurs, tout à fait fous et/ou d'un comportement avec les autres franchement détestable.
Sans faire de recherche, je n'ai pas souvenir d'un artiste homme enfermé malgré son comportement... douteux.
Isabelle Adjani était tellement merveilleuse dans Adèle H, tu as raison. Je l'ai vue récemment se ridiculiser dans un film. J'avais envie de me cacher. Je crois qu'elle confond second degré et ridicule. C'est affligeant.
Pour Claudel le frère odieux (qu'elle admirait pourtant)... je refuse de m'intéresser à sa prose. De toute façon il y a tant à lire, je me remets parfaitement de cette lacune. Mais il me dégoûte humainement tout comme JJ. Rousseau que j'ai en horreur et qui nous donne des leçons de vie, de bonté sur la nature humaine alors qu'il a abandonné sa femme et ses 5 ou 6 enfants placés à l'assistance parce que la pauvre sans revenus n'aurait pu s'en occuper. Pendant ce temps il allait renifler le parfum des fleurettes dans ses rêveries et promenades solitaires. Beurcke et bravo s'il avait la conscience tranquille.
Le destin de Camille m'évoque celui (fascinant révoltant, bouleversant) de Rosemary Kennedy mise à l'écart pour ne pas ternir l'image de la famille et surtout les ambitions de l'infâme patriarche parce qu'elle était différente. Étrange qu'il n'y ait jamais eu de film sur ce personnage sacrifié tellement attachant.
Les femmes ont toujours eu encore plus à surmonter ou supporter que les hommes. Hélas les avancées sont actuellement en recul à travers le monde.
Bref.
Je n'ai pas fait de longues recherches, mais je ne pense pas qu'il y ait eu de cas masculin comme celui de Camille Claudel. Mais, dans une perspective historique lointaine, je me dis qu'on a de tout temps cherché des poux à des artistes qui, aujourd'hui, font référence.
Je connais encore mal Isabelle Adjani, mais beaucoup de ses vieux films que j'ai découverts ces dernières années m'ont plu... et souvent grâce à elle. En revanche, j'ai trouvé son personnage dans le récent "Mascarade" tout à fait affligeant. Et, parce qu'on la renvoie à une image d'elle plus jeune, c'est en réalité tout le film que je n'ai pas aimé. J'y ai vu une insulte à l'une de nos plus grandes comédiennes, car c'est ainsi que je considère Isabelle Adjani, malgré ses défauts, malgré ses excès.
Oui, je t'avais lu, déjà, sur Paul Claudel et je n'ai rien à ajouter. Et je n'ai pas envie de dévier sur Rousseau. Je m'en remets à ton jugement, jusqu'à plus ample informé. Mais lire Rousseau n'est clairement pas ma priorité actuellement. Hasard de la discussion, c'est d'ailleurs un roman d'une femme presque effacée (Mary Shelley) que je lis actuellement !
Et oui, d'accord avec toi pour le recul sur les droits des femmes. Je ne veux pas m'étendre sur le sujet aujourd'hui, mais nous aurons sans doute la (triste) occasion d'en reparler, ne serait-ce qu'au moment de chroniquer certains films...
Je vous ai lus avec plaisir, Pascale et toi Martin, car ce film déjà bien ancien m'avait immensément marquée. Et quelle interprétation extraordinaire d'Adjani. En revanche, j'ai ouï dire depuis que Camille était réellement bipolaire, et n'avait jamais été privée de moyens pour peindre dans l'asile de la vallée du Rhône où elle s'est retrouvée enfermée. A creuser.
Tu as raison, Joss : certaines sources suggèrent effectivement que Camille souffrait réellement de bipolarité. Il semblerait cependant que, face à cette maladie (non diagnostiquée en son temps), certains aient cherché à la soutenir, quand d'autres l'ont poussée dans ses faiblesses ou même complètement abandonnée.
Au final, par le biais du cinéma, cela donne une personne à "réhabiliter" ou à "mieux comprendre" avec le recul que nous pouvons avoir. Et un génie de la sculpture dont le travail survenu jusqu'à nous mérite sans doute une grande considération.
Je n'ai pas encore cherché à savoir si elle pouvait continuer à exercer son talent dans son asile. Mais tu parles de peinture ? À ma connaissance, Camille Claudel n'a jamais peint...
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