La guerre en Ukraine nous aura presque fait oublier qu'au tout début des années 1990, la dislocation de la Yougoslavie s'était accompagnée de conflits et de massacres ethniques sur le sol des ex-composantes fédérées, en Bosnie et en Croatie notamment. J'ai (enfin !) vu un film dernièrement, Chris the Swiss, qui m'a rappelé ces horreurs passées.
Combinaison d'images tournées en ex-Yougoslavie un peu avant la fin de la décennie 2010, de documents d'archives et de dessins animés exclusivement en noir et blanc, ce documentaire remonte le temps sur la trace de Christian Würtemberg, un jeune reporter suisse originaire de Bâle, parti essayer de comprendre la réalité du terrain au coeur de l'automne 1991. Ce jeune homme a été retrouvé mort début janvier 1992, dans le tout petit village croate d'Ernestinovo. Dans le film, une voix off indique que la réalisatrice ne connaît guère que des fragments de la vérité sur les derniers mois de son existence. D'après ses proches, le jeune homme aurait été lâchement assassiné par de pseudo-frères d'armes, alors qu'il avait endossé l'uniforme d'une milice extrémiste anti-serbe. Une escouade paramilitaire essentiellement composée de mercenaires internationaux et dirigée par un ancien journaliste à la double nationalité hongro-bolivienne. Eduardo Rozsa Flores a sa page Wikipédia: elle fait froid dans le dos !
J'en reviens au documentaire proprement dit. Son autrice n'est autre qu'une cousine de Würtemberg, qui l'idolâtrait et avait une dizaine d'années quand elle a appris sa mort. Elle en est longtemps restée traumatisée et c'est sûrement ce qui l'a poussée à mener une enquête approfondie sur les circonstances du drame. Une partie des critiques professionnels ont noté que Chris the Swiss ne lève pas l'ensemble des zones d'ombre. Mais aurait-ce été possible ? Je n'en suis pas sûr. Le plus frappant à mes yeux ? La narratrice du film nous explique qu'une photographie du terroriste Ilich Ramírez Sánchez (alias Carlos) avait été retrouvée parmi les effets de Würtemberg. Et l'intéressé, alors interrogé depuis sa prison, assure que le journaliste supposé était en réalité un agent secret suisse. Et ? Zéro explication. Il y a tout de même de quoi se poser quelques questions sur le niveau d'objectivité de la réalisatrice. Mais je veux croire en sa bonne foi ! Au-delà du cas qu'elle expose, son travail a le mérite de nous rappeler que la guerre est une atrocité. Une leçon toujours valable aujourd'hui.
Chris the Swiss
Documentaire suisse d'Anja Kofmel (2018)
Six ans de travail - investigation et création - ont été nécessaires pour réaliser ce film impressionnant. Malgré les quelques réserves que j'ai soulevées, je trouve qu'il mérite vraiment d'être découvert. En tout cas, je ne lui connais pas d'équivalent, même si j'ai pu penser à Valse avec Bachir - qu'on m'a conseillé et que je n'ai pas encore vu. Le plus proche pourrait être une fiction à 100% animée: La traversée.
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Une double anecdote personnelle pour finir...
On se dit parfois, égoïstement, que ces conflits sont loin de nous. Pourtant, j'ai connu un Croate de mon âge qui avait vu son frère aîné partir faire la guerre, sans pouvoir donner de nouvelles à sa famille pendant un an. J'ai aussi croisé un Français qui se disait ex-membre d'une milice bosniaque et affirmait avoir du sang serbe sur les mains. Mythomanie ? Envie d'impressionner ? Réalité ? Je ne l'ai jamais su...
2 commentaires:
J'ai rencontré un serbe de mon âge qui a connu et fait la guerre des années 90. Quand je lui ai demandé s'il avait tué des gens il m'a dit : on ne pose pas cette question à un serbe... 😱
Cette guerre a dû laisser des traces profondes dans la vie de ceux qui y ont survécu.
J'imagine que c'est un peu le cas de toutes les guerres, d'ailleurs, et a fortiori des "civiles".
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