Une chronique de Martin
J'ai préféré ne pas répliquer et cru bon de ne pas prendre le risque d'envenimer la situation. "Mais ce film est un navet !", s'est exclamée une spectatrice quand je suis (enfin) allé voir Drive l'autre soir. J'aurais préféré qu'elle se taise. Un plan fixe et à peine dix minutes plus tard, le "navet" était terminé et, à vrai dire, je l'ai plutôt trouvé à mon goût. Je ne connaissais pas encore Nicolas Winding Refn, réalisateur danois de ce long-métrage américain, mais j'ai reconnu dans son cinéma des éléments familiers. Comme un mélange de film noir et de western spaghetti. Un style objectivement peu causant.
Comme un personnage de Sergio Leone, le "héros" de Drive n'a pas de nom. Garagiste le jour, cascadeur et apprenti pilote de course auto à ses heures, il véhicule des truands une fois la nuit tombée. Impliqué a minima: il participe aux braquages avec pour seule arme son coup de volant. Cinq minutes d'une loyauté sans faille: promesse et temps laissé à ses complices pour opérer avant de disparaître. Avant même le générique, les premières images du film montrent l'une de ces opérations et nous amènent directement dans l'univers de l'homme au volant. La mort est-elle au tournant ? Aussi, oui. Seulement, elle arrivera plus tard, et de manière assez surprenante.
Drive est presque un hymne à la nuit. La seule lumière du film vient d'Irene, le premier personnage féminin. La jeune femme élève seule un petit garçon et attend que son mari sorte de prison. En quête d'affection, voisine du chauffeur, elle lui apporte le vague espoir d'une possible autre route, de celles dont on s'écarte parfois immédiatement, sans même s'en rendre compte. Après la rencontre de ces deux êtres isolés, le long-métrage prend un air de mélodrame social, mais embraye rapidement vers une histoire de vengeance d'une rare violence. Moi, j'ai alors pensé aux divers films de mafia signés Martin Scorsese. L'occasion de noter que le maître américain inspire toujours d'autres créateurs en Europe. Comme dans un bolide lancé à vive allure, autant dès lors avoir l'estomac bien accroché...
Film américain de Nicolas Winding Refn (2011)
Récompensé à Cannes, le réalisateur peut remercier son acteur principal: c'est en effet Ryan Gosling lui-même qui a convaincu l'équipe de production de l'embaucher et de lui confier le tournage. Sur le plan formel, le pari est réussi: même si la lenteur des plans peut faire tiquer, le soin apporté à l'image, au son et à la musique me paraît un véritable gage de qualité. Et devant l'aspect inexorable de certaines situations, j'ai repensé à L'impasse, le grand chef d'oeuvre de Brian de Palma, chroniqué ici il y a peu. L'ambiance nocturne me semble aussi comparable à celle de Collateral, film réalisé par Michael Mann. Oui, c'est, je trouve, la même en mieux.