lundi 31 août 2020

Une idée du bonheur

C'est la fin de l'été et des vacances. La petite Tommy et ses parents veulent profiter d'une dernière journée de totale liberté. Un espoir vite douché, étant donné que... non ! Je ne vais pas vous le révéler. J'ai découvert Felicità après avoir été intrigué par sa bande annonce. Et j'aime bien Pio Marmaï: cela a suffi à me donner envie de le voir...

Felicità n'est rien d'autre qu'un petit film français qui reprend le titre d'une chanson italienne gentiment kitsch. Le type même de ritournelle qui vous reste en tête en dépit (ou à cause) de sa médiocre qualité. Le film aura-t-il cette chance qu'on se souvienne de lui longtemps après l'avoir vu ? Je l'espère. Il prouve à mes yeux qu'il suffit finalement de trois personnages attachants et d'une belle écriture scénaristique, portée par quelques rebondissements, pour composer un long-métrage original et, de facto, plutôt agréable à suivre. Sincèrement, pour moi, ç'aura été l'un des coups de coeur de cet été 2020 difficile pour les salles de cinéma ! Oui, une séance touchante...

Je ne connaissais pas Bruno Merle, le réalisateur, et pouvais juger inquiétant son choix de confier à Rita, sa fille, le rôle de la gamine. Point de cause désespérée: la pré-adolescente est vraiment juste dans le ton de cette comédie douce-amère, souvent posée à la lisière du fantastique et de la fable sociale (dans ce qu'elle aura de positif). Le film ne dure qu'une heure vingt, mais il est assez dense, en fait. C'est typiquement ce que j'appelle parfois une "bulle de savon", fragile et éphémère, et je doute qu'il puisse faire un carton au box-office. Qu'à cela ne tienne: Felicità mérite le détour et joue avec habileté sur toute la gamme des sentiments, ce qui est toujours très plaisant au moment d'entrer dans la fiction - et la rend accessible à tou(te)s. Ravi d'avoir pu en parler juste avant le retour de ce fichu septembre !

Felicità
Film français de Bruno Merle (2020)

Un film titré "Bonheur" annonce du plaisir: ici, la promesse est tenue. J'ai trouvé que la modestie des dispositifs, narratif et technique, jouait clairement en faveur d'une histoire simple, mais plutôt jolie. Son petit côté road movie m'a rappelé le môme de Midnight special. En poussant un peu, je vois quelques ponts possibles avec l'humanité d'un Jean-Paul Rouve (Quand je serai petit) et, du côté de nos amis belges, de Bouli Lanners (Les géants) ou François Pirot (Mobil home).

----------
Peut-être l'avez-vous déjà vue, mais au cas où...

Je signale qu'il y avait déjà une chronique de ce film chez Pascale. Attention: son avis donne - un peu ! - plus de détails sur le scénario...

dimanche 30 août 2020

Deux soeurs

Ce qui m'a attiré vers mon film d'aujourd'hui ? La langue portugaise ! Comme je vous l'ai sûrement déjà dit ou laissé entendre, sa sonorité particulière me plaît beaucoup. Je vous rassure: La vie invisible d'Eurídice Gusmão a bien d'autres qualités. Mais je n'ai pas cherché trop de détails sur le scénario avant de le regarder. J'étais confiant...

Guida et sa soeur Eurídice ont 18 et 20 ans dans le Brésil de 1951. Elles s'entendent à merveille. Du coup, et même si elle trouve Guida déraisonnable, Eurídice accepte de la "couvrir" auprès des parents. C'est-à-dire qu'un soir où la famille reçoit, elle corrobore le mensonge de sa frangine, qui prétend être souffrante... et quitte le foyer familial pour filer rejoindre un garçon, un marin grec en escale à Rio. Surprise: l'escapade d'une nuit clandestine se transforme en départ durable, la cadette frivole décidant finalement de rejoindre l'Europe avec son amant. Le tout premier acte d'un drame presque classique. Pas question pour moi d'entrer dans les détails, mais je peux révéler ceci: si La vie invisible d'Eurídice Gusmão sort du lot, c'est je crois parce qu'il dresse non pas le portrait d'une femme, mais celui d'un duo féminin, sur la base de destins entrelacés. Les croisements successifs et les ellipses temporelles nécessitent d'être attentif, mais le travail de montage s'avère plutôt efficace: on est jamais tout à fait perdu dans cette narration complexe, oui, mais des plus agréables à suivre !

Pas besoin d'être un spécialiste de l'histoire brésilienne: les thèmes abordés par le film me paraissent assez universels pour être compris d'un public non-expert. Il se peut évidemment que le long-métrage fasse parfois écho à la situation du pays aujourd'hui, mais je pense que c'est vraiment très loin d'être son ambition première. La vie invisible d'Eurídice Gusmão est avant tout un mélodrame (assumé) et l'adaptation à l'écran du roman éponyme, que j'espère pouvoir lire désormais. J'ajoute que les comédiennes qui tiennent les rôles principaux - Júlia Stockler / Guida et Carol Duarte / Eurídice - s'avèrent on ne peut plus convaincantes: une très belle découverte. Derrière leurs personnages, il serait injuste de ne pas citer la galerie de protagonistes intéressants, portée par de bon(ne)s comédien(ne)s. Leur sobriété renforce la force d'une intrigue qui s'appuie beaucoup sur le temps qui passe et ne se rattrape pas: émotions garanties. Notez que le film a reçu le Prix Un certain regard à Cannes, l'an passé. Et ? Je serais ravi que cela achève de vous convaincre de le regarder !

La vie invisible d'Eurídice Gusmão
Film brésilien de Karim Aïnouz (2019)

Vous aurez remarqué que j'octroie la note quasi-parfaite à ce film pertinent et juste: j'assume ! J'aime le cinéma qui prend son temps pour faire vieillir ses personnages: ici, deux heures presque et demie. Sur un autre sujet, Le secret de Brokeback Mountain m'est revenu en mémoire, tant pour l'émotion que pour cet aspect "mini-fresque". Côté mélos, voir aussi Coming home ou Quand passent les cigognes.

----------
Un duo féminin à l'écran, un autre à la critique...

Oui: vous pourriez désormais apprécier les avis de Pascale et Dasola.

samedi 29 août 2020

Attraction

Elle reconnaît que la célébration "n'a aucune valeur à l'égard de la loi" et souligne qu'elle ressent pourtant bien "une connexion spéciale". Américaine et ancienne militaire, Erika LaBrie s'est mariée en 2007 avec... la tour Eiffel et a dès lors fait changer ses papiers d'identité ! Son histoire a inspiré un film: Jumbo. Cela m'a réellement intrigué...

Dans le film, nul ne parle de paraphilie ou d'objectosexualité, termes qu'utilisent les thérapeutes pour désigner ce trouble de nature autistique.  Personne n'évoque ses origines qui, dans le cas particulier d'Erika, seraient liées à une agression. Bref... Jumbo nous propose d'accepter comme "normaux" les sentiments qu'une dénommée Jeanne développe soudain à l'égard d'un immense manège de fête foraine. Cela étant posé, le scénario dresse clairement le portrait d'une fille fragile, élevée sans père par une mère elle-même un peu borderline. Ceci explique cela ? Pas forcément: c'est bien à chacun d'en décider. Reste que la prestation de Noémie Merlant dans le rôle principal appuie fortement l'idée d'une faiblesse psychique (qu'il faut protéger). Le film s'avérant toutefois visuellement explicite sur les réponses qu'apporte le manège à l'émoi de son admiratrice, on a le droit aussi de penser que la réciprocité existe. Sans se poser plus de questions...

L'étrangeté de Jumbo ne m'a en fait qu'à moitié séduit. Son postulat donne immédiatement lieu à quelques très belles scènes, mais le fil narratif est vite coupé, la situation de départ n'évoluant qu'assez peu. C'est dommage: une approche qui aille à fond dans le côté fantastique de cette histoire m'aurait sûrement davantage convenu et convaincu. Tel quel, le film a les défauts de ses qualités: je crains donc qu'il soit trop incongru pour séduire un large public. Je salue toutefois son côté audacieux et, à tout le moins, son originalité. J'ai aimé le fait qu'aucun lieu ne soit réellement identifié, avec un travail important mené sur les environnements, justement. Ainsi, la maison de Jeanne et de sa mère, leur voiture, la foire elle-même... tout paraît sortir d'un ailleurs que nous n'avions jamais eu l'occasion de fréquenter jusqu'ici. Attention: je ne vais pas jusqu'à rejoindre ceux qui parlent de ce long-métrage comme d'un appel au respect de la différence. Simplement, je me suis senti sensible à une forme de poésie visuelle. Curieux de savoir ce que la réalisatrice débutante proposera ensuite !

Jumbo
Film franco-belge de Zoé Wittock (2020)

"Et si c'était à vous d'ouvrir les yeux ?": la petite phrase de Jeanne pourrait vous servir de guide vers ce film étonnant, largement éloigné du tout-venant de la production francophone. Oui, bravo pour cela ! Avant de le voir, j'avais lu une critique qui le comparait aux oeuvres de Stephen King... et j'ai alors pensé à Carrie, la violence en moins. Pour un amour fou, cf. Vif-argent, Vers l'autre rive, The fountain...

----------
Et si tout cela ne vous fait guère envie...
Vous pourrez lire également l'avis de Pascale. Un parfait contrepoint.

vendredi 28 août 2020

Les ados à dos ?

Les vacances se terminent: je vous propose ce midi de me suivre pour rencontrer les élèves d'une classe de troisième, dans un collège huppé. Ces brillants jeunes gens sont sous le choc: l'un de leurs profs vient de faire une tentative de suicide. C'est dans une ambiance lourde et avec froideur qu'ils "accueillent" leur enseignant suppléant...

Adaptation d'un roman signé Christophe Dufossé, L'heure de la sortie est passé assez inaperçu parmi les sorties cinéma de l'année dernière. Je n'ai pas lu le livre, mais le film est un thriller des plus honorables pour qui aime les mystères insondables et les ambiances poisseuses. Presque aussitôt après sa prise de poste, Pierre Hoffman, son héros taciturne, se heurte à l'hostilité de ses élèves, d'une arrogance rare chez des ados de cet âge. Ensuite, très rapidement, il se rend compte que c'est en réalité tout son environnement qui paraît dysfonctionner. Est-il en train de devenir fou ? Et serait-ce pour cette raison précise que son prédécesseur s'est défenestré au beau milieu d'un cours ? Subira-t-il le même sort ? Ce n'est qu'au compte-gouttes que le film répond à ces questions - ce qui est une bénédiction pour le suspense. Nous n'aurons JAMAIS plus d'informations que Hoffman lui-même. Comme lui, nous voilà condamnés à errer entre peurs et incertitudes !

Laurent Lafitte, souvent porté sur la gaudriole, est vraiment très bon dans ce registre plus sombre: une fois encore, il ne m'a pas déçu. Sans doute est-il aussi bien dirigé, mais je veux avant tout relever qu'il est... bien accompagné: omniprésents, les jeunes du casting jouent parfaitement leur partition ! En l'absence du plus petit sourire sur leurs visages, l'atmosphère du film est toujours plus glaciale. Intelligemment, le réalisateur a choisi d'ajouter quelques images d'archives à ses plans, ainsi qu'une petite série de séquences muettes et oniriques, comme pour mieux réfrigérer le tout. Effet garanti ! L'heure de la sortie est un long-métrage que l'on peut ressentir viscéralement (enfin... pour peu que l'on adhère au sujet, bien sûr). Plutôt qu'un discours martelé, c'est plutôt plein de petits détails visuels ou sonores qui contribuent à nous laisser accrochés à l'écran dans l'attente de la révélation finale - laquelle sera plutôt "explosive". Je n'en dirai pas plus pour ne pas vous gâcher la (ou les) surprise(s). Le cinéma français de genre a le vent en poupe ? Une bonne nouvelle !

L'heure de la sortie
Film français de Sébastien Marnier (2019)

Un scénario malin et un flop en salles: à peine 66.500 spectateurs ! C'est tout à fait désolant: d'autres films beaucoup moins intéressants connaissent pourtant un bien meilleur sort. Certains critiques pro voient Le village des damnés comme une référence pour Marnier. Cela se tient. J'y ajoute Funny games ou Le ruban blanc (Haneke), Le locataire (Polanski)... et Irréprochable, premier film du cinéaste.

----------
Il n'est pas encore l'heure de sortir...

Je vous propose préalablement de lire aussi la chronique de Pascale.

mercredi 26 août 2020

À l'heure dite

Chose promise, chose due: je suis de retour sur les ondes aujourd'hui. Simplement pour dire que la première de mes nouvelles chroniques sera publiée vendredi midi (et consacrée à un film français récent). Coïncidence amusante: comme l'an passé, cet opus "de lancement" nous transportera dans une école. Et quoi de mieux pour la rentrée ? Dans la foulée, je compte enchaîner les publications à un rythme soutenu - c'est-à-dire quotidien tout au long des quinze jours à venir. Ensuite ? J'aviserai en fonction de mes disponibilités. Wait and see...

PS: si vous avez des films à me suggérer ces jours-ci, n'hésitez pas ! Je pense faire très vite un repérage de mes blogs référents habituels.

dimanche 2 août 2020

En mode vacances...

Vous l'aurez sans doute compris à la vue de l'image: ma pause estivale démarre aujourd'hui. Il n'y aura donc plus de publication "embobinée" jusqu'au 26 août environ. Trois grosses semaines sans chronique devraient me permettre de bien préparer le dernier tiers de l'année. Pas question en tout cas d'oublier le cinéma: j'ai déjà quelques films en stock et irai très probablement voir certains des opus saisonniers. Avant de vous en reparler, je vous souhaite plein de bons moments ces prochains jours. Et, à toutes et tous, je vous dis "à très bientôt" !

PS: parce que déconnecté, il se peut que je laisse vos commentaires sans réponse pendant quelque temps. Merci encore de votre patience.