Nouvelle étape sur Mille et une bobines: alors que je devrais bientôt me tourner vers d'autres contrées bien plus éloignées, la chronique du jour marque d'abord la centième critique que je propose d'un film français. Le hasard fait que cela peut concerner une oeuvre que j'ai vraiment appréciée: L'homme qui voulait vivre sa vie, long-métrage inspiré du roman éponyme de Douglas Kennedy. Ceux qui l'ont lu seront peut-être surpris de voir son action transposée en France. Pour moi qui ai découvert cette intrigue sur grand écran, il est difficile de porter un jugement objectif sur l'intérêt et la pertinence de ce choix, mais j'ai l'impression qu'il fonctionne. Le héros fréquente d'autres lieux, et alors ? Résumons. Au début, Paul Exben a tout: brillant avocat d'affaires parisien, il habite une propriété coquette avec sa femme et ses enfants et, par son associée, se voit offrir la possibilité de reprendre toute l'affaire. L'évidence frappe d'entrée: il est patent qu'il n'en a nulle envie et flagrant que même son couple bat de l'aile. Sans bien savoir comment il en est véritablement arrivé à cette sensation, ce drôle de héros constate qu'il n'est pas si bien dans sa peau qu'il le laisse croire aux autres. C'est que, depuis longtemps, il a en lui une grande frustration: celle de n'avoir jamais trop exploité son goût pour la photo. Le constat fait mal et le heurte quand, au cours d'une soirée chez des amis, c'est un reporter d'images qui monopolise toutes les conversations.
Le fait est que, d'abord bousculé dans ses convictions, Paul résiste aussi à l'idée du changement. Il cherche à consolider sa relation amoureuse, se montre plus proche que jamais de ses enfants, demande le temps de réfléchir à la proposition de sa partenaire professionnelle. Et soudain, dans un énième frisson intime, tout bascule: L'homme qui voulait vivre sa vie franchit le pas. Il change tout, achète un numérique, quitte son pays, ses amis, ses amours, ses emmerdes. Destination ailleurs. Là-bas, sous une autre identité, il recommence à zéro, du moins le croit-il. Stop ! J'en ai déjà beaucoup trop dit - et pourtant pas autant que la bande-annonce ! Parlons de ce film autrement, sur le plan technique, cette fois. Première des évidences: côté images, il y a là une vraie réussite formelle. Resserré sur les personnages ou élargi aux vastes paysages parcourus, chaque plan est d'une réelle beauté. A priori, la manière dont l'ensemble a été filmé n'est absolument pas neutre. Je crois avoir eu cette chance de m'immerger dans l'histoire en même temps que son premier personnage, vivant à peu près les mêmes émotions que lui, au moment où elles le saisissaient. Ce sentiment d'empathie ne m'a plus lâché jusqu'au générique final. Cela ne veut pas dire toutefois que je comprends et accepte ce que fait Paul, non. Simplement, c'est la preuve que je me suis intéressé à ce qu'il allait devenir. Au dernier regard, sur une conclusion ouverte, j'étais pantelant. Et j'ai aimé ça ! C'est ça, pour moi, la magie du cinéma !
Bien évidemment, pour arriver à ce résultat, le meilleur réalisateur du monde doit s'appuyer sur des acteurs inspirés. C'est le cas ici, dans les petits et grands rôles d'une galerie de personnages que j'ai trouvés forts et marquants. J'ai envie de dire qu'il n'y en a pas d'inutiles. Le long-métrage ne se dilue pas et, au contraire, va directement à l'essentiel: c'est peut-être même sa première qualité. Dans la peau de l'avocat frustré, Romain Duris est une nouvelle fois magistral: je ne sais si le comédien a lui-même ce côté écorché vif qu'il montre si efficacement à l'écran, mais je l'ai encore trouvé saisissant, imprégné de son rôle. Le voir obtenir la reconnaissance de la profession ne me scandaliserait pas ! Bien sûr, s'il porte le film sur ses épaules, il ne faut certainement pas oublier les personnages qui gravitent autour de lui, et pas davantage leurs interprètes. Épouse devenue distante, Marina Foïs excelle, elle aussi: fermée, repliée sur elle-même, elle n'en montre jamais trop et sa sobriété m'a impressionné en ce qu'elle contient de froide efficacité. Camarade ambigu, Niels Arestrup offre une autre belle composition. Il en est d'autres, Catherine Deneuve, Branka Katic ou bien Éric Ruf, que j'ai été heureux de revoir ou de découvrir. Il m'est en fait apparu que le choix de la distribution s'était effectué sans fausse note. Reste à chacun à tirer sa propre conclusion de ce qui est montré. Pour ma part, ce serait probablement que L'homme qui voulait vivre sa vie s'est égaré, ne comprenant pas qu'il la tenait entre ses mains.
L'homme qui voulait vivre sa vie
Film français d'Éric Lartigau (2010)
Et voilà... 133 ! Mon record de chroniques sur une année est battu ! Un mot sur le réalisateur: habitué des comédies potaches, il signe ici un premier thriller assez remarquable de maîtrise formelle. Bravo ! En ce sens, son film peut déjà faire penser au Ne le dis à personne de Guillaume Canet, bien que son intrigue ne soit pas du tout comparable. Dans la même thématique, les rebonds possibles s'opéreront plutôt vers Into the wild, Deux jours à tuer ou même encore Itinéraire d'un enfant gâté. Autre film que j'aime beaucoup et qui traite de disparition, Frantic, mais qui se tourne plutôt, lui, vers ceux qui restent. Dernière suggestion du jour, la plus évidente peut-être: De battre mon coeur s'est arrêté, pour un Romain Duris également plombé par le stress et la frustration, et qu'une violence trop longtemps contenue menace finalement de submerger. L'image circulant sur le Net, vous n'aurez aucun mal à constater que l'acteur est désormais bien loin du jeune désinvolte de son premier casting.
Je ne peux qu'être d'accord avec toi : Romain Duris est magistral, j'ajouterai (avec beaucoup de bonheur) comme d'habitude ! Comme à chaque fois, il vit à 200% son rôle, et grâce à la magie du cinéma, je ressens ses peines, ses joies, ses frustrations, ses colères, ses douleurs... J'aime la trame du film : j'envie ses gens qui parviennent à aller au bout de leurs rêves, qui mettent un grand coup de pied dans la fourmillière (volontairement ou pas d'ailleurs) sans soucier des conséquences. La brochette des seconds rôles est aussi très intéressantes : Marina Foïs (elle est tellement convaincante, qu'avec une amie, on s'est demandées comment faisait-elle pour résister à Romain et craquer pour le photographe à l'égo surdimensionné, lol). Et Catherine Deneuve, ah... je trouve qu'elle illumine l'écran à chacune de ses apparitions ! J'ai beaucoup aimé aussi Niels Arestrup (pas sûr que cela s'écrive ainsi), que je connais peu, mais qui m'intrigue à chacun de ses passages sur le silver screen.
RépondreSupprimerBien sûr il y a les acteurs, mais aussi les plans choisis qui servent à merveille l'histoire. Un travail magistralement orchestré !
Oui, l'ensemble de ce film me plaît beaucoup.
Silvia
Un bon film dans lequel Duris excelle une nouvelle fois. Le seul bémol, comme je l'ai dit c'est la fin qui finit en queue de poisson. J'ai juste eu un peu de mal à voir où ils voulaient en venir mais sinon j'ai bien aimé.
RépondreSupprimerVous me donnez envie de voir le film... A priori, je ne suis pas certain que j'aurais cherché à le voir... Romain Duris est peut-être un acteur qui s'améliore avec l'âge. :-)) C'est vrai qu'il était très bien dans De battre mon coeur s'est arrêté (ou aussi dans le Paris de Klapisch) mais trop souvent il a fait dans la facilité. Ce n'est pas forcément de sa faute d'ailleurs, ce peut être aussi celle de ses metteurs en scène qui lui faisaient faire ce que le public attendait...
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