mercredi 21 mars 2012

L'inconnu aux revolvers

Une chronique de Martin

Qui est-il ? Mystère. Où va-t-il ? Il ne le dit pas. Pourquoi est-il venu à Lago ? D'après lui, pour prendre un bain et s'acheter une bouteille de whisky. En 1973, dans ce qui n'est alors que son deuxième film derrière la caméra, Clint Eastwood s'offre un nouveau rôle de cavalier solitaire et peu bavard. Plutôt que cultiver les lauriers d'une gloire récente, le cinéaste compose ainsi un personnage cynique et ambigu.

J'ai vérifié: L'homme des hautes plaines est fréquemment présenté comme le plus sombre des westerns eastwoodiens. Non sans rappeler ceux de Sergio Leone, il débute avec six bonnes minutes de silence, trois coups de feu et un viol. De quoi choquer l'Amérique puritaine. Le desperado avait pourtant prévenu qu'il voulait boire tranquille…

L'histoire raconte que Clint Eastwood avait eu envie de faire un film avec John Wayne, qui refusa la proposition de son cadet, alors jugé trop peu respectueux de l'esprit de l'Ouest. Il est vrai que L'homme des hautes plaines n'est pas un héros au sens du pionnier fasciné par le rêve américain. Quand les habitants de Lago lui demandent assistance, il ne voit aucune raison pour accepter de les prêter main forte. "Vous aimez cette ville ? Alors protégez-la", répond-il à ceux qui sont venus essayer de louer ses services. Ce n'est qu'assuré d'obtenir tout ce qu'il désire qu'il finit par céder. Sans se mouiller exagérément, il survend ses consignes d'autodéfense aux habitants de la petite cité minière, juste assez pour qu'ils puissent se préparer à la probable attaque des trois bandits qui ont tué l'ancien shérif. L'inconnu paraît avoir entendu parler de cet assassinat. Où ? Quand ? Comment ? Le mystère plane sur le long-métrage. Jusqu'au bout.

À ce sujet, et sans plus attendre, je crois qu'il est utile d'indiquer que, selon que vous choisissiez la VO ou la VF, la toute fin du film sera plus ou moins ouverte. Je ne comprends pas pourquoi - ni même au nom de quoi - le traducteur a "brodé" sur la dernière réplique. C'est un fait, toutefois: en français, L'homme des hautes plaines parle de lui et en dit plus long que dans sa langue originelle. J'ajoute que, Clint Eastwood ayant lui-même indiqué que cette interprétation du personnage pouvait lui convenir, je n'ai pas envie de polémiquer plus avant - même si je préfère la pirouette avec laquelle il préserve son anonymat... en anglais. Posture très eastwoodienne, dirais-je.

Peu importe, dans le fond. Comme bien d'autres westerns, le film offre aussi et surtout l'occasion d'un voyage dans l'Amérique de la fin du 19ème siècle. Le site du tournage est magnifique: sur les bords du lac Mono, à proximité immédiate du parc Yosemite et du désert de la Sierra Nevada, le décor naturel est idéal. Lago paraît réelle alors qu'elle n'est qu'une (belle) invention de cinéma. Il n'aura fallu que 80 heures de travail à une équipe d'une soixantaine d’ouvriers pour la faire sortir de terre… et juste six semaines supplémentaires pour tout mettre en bobines. Presque quarante ans ont passé depuis. Je reste très franchement admiratif devant ce travail d'orfèvre.

L'homme des hautes plaines
Film américain de Clint Eastwood (1973)
Les bons connaisseurs de la filmographie du maître américain rapprocheront évidemment cette oeuvre du superbe Pale rider, sorti douze ans plus tard. Certains voient un parallèle d'autant plus évident que le héros des deux films monte un cheval à la robe de couleur similaire, blanche-grise et tachetée. J'y reviendrai un jour ou l'autre. D'ici là, à ceux qui aiment le western, je propose deux oeuvres récentes pour leur égale noirceur: Blackthorn, en salles l'année dernière, et L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford. Preuves qu'entre de bonnes mains, le genre est encore fécond.

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À noter aussi:
C'est bref, mais le blog "L'oeil sur l'écran" parle également du film. L'analyse de "Sur la route du cinéma" est elle aussi assez brève.

1 commentaire:

  1. Hmmm... Je ne crois pas que j'étais au courant de cette anecdote sur la fin du film, qui est un western que j'ai vu plus d'une fois à la télé en VF et que j'ai toujours apprécié. Ca vaudrait le coup de le voir en VO.

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