vendredi 23 mars 2012

Le chemin de la rédemption

Une chronique de Martin

Dernier western joué et réalisé par Clint Eastwood, Impitoyable atteint déjà vingt ans d'âge en 2012. Comme l'alcool auquel son héros a renoncé, c'est un film sec et brûlant. J'ai profité de son passage récent sur France 3 pour le revoir. Mes précédents ? Je ne parviens plus à les dater. J'ai découvert le long-métrage en salles et je crois l'avoir au moins regardé une nouvelle fois ensuite. Lointaine. C'est donc avec un regard quasi-neuf que je suis remonté en selle. Hi-ya !

L'intrigue est presque le décalque inversé de ce que Clint Eastwood jouait jusqu'alors. Son personnage a un nom, mais William Munny préférerait même qu'on l'oublie. Ce modeste éleveur porcin vit seul avec ses deux enfants depuis la mort de sa femme et aimerait autant se contenter de cette vie. Le passé ressurgit à son visage dans la peau d'un jeune homme, le Kid de Schoefield. Le "gamin" connaît parfaitement la réputation du "vieux": il sait donc pertinemment que, jadis, il a été un desperado de la pire espèce, capable de tuer sans le moindre état d'âme. Et c'est ainsi qu'Impitoyable débute sur une proposition d'association. Objectif affiché: retrouver et tuer deux autres cowboys accusés d'avoir défiguré une putain. Le Kid en rajoute, croyant pouvoir se convaincre de la rumeur. Munny hésite et finit par accepter. Il a besoin d'argent.

À partir de là, d'abord statique, le film se met en mouvement. Souvent considérée comme le symbole de la liberté, la route se fait ici la parallèle de la destinée des personnages. Elle semble linéaire. Elle n'est qu'inexorable. Il n'est pas dans mes intentions de révéler ici où elle mène. J'espère simplement vous convaincre de placer Impitoyable dans la liste de vos films à voir (ou revoir). Il constitue en effet un tournant dans la carrière de son réalisateur, peut-être même un aboutissement. Clint Eastwood louera les grandes qualités du scénario écrit par David Peoples et notera: "J'en avais alors fini avec le western. Ça résumait à peu près tout ce que j'en pensais". Difficile donc de ne pas tenir compte du chemin narratif parcouru. L'extrême beauté de ce dernier long-métrage du genre tient notamment à ce qu'il aborde des thèmes nouveaux. La vengeance classique s'y fait plus complexe, les ressorts des personnages ambivalents, moins caricaturaux. Sans ironie cette fois, le cinéaste sexagénaire justifiera son propos: "J'aime que les bons ne soient pas seulement bons et que les méchants ne soient pas que méchants. Chacun a ses failles et ses raisons. Une justification à ce qu'il fait".

J'imagine que Clint Eastwood parle aussi pour lui. Je dirais également que l'Académie des Oscars a entendu son message en décernant quatre statuettes au film et en couronnant notamment le travail exemplaire de Gene Hackman dans le rôle du shérif sanguinaire connu sous le nom de Little Bill Daggett. Sans doute moins nuancé que d'autres, ce "super-vilain" n'en offre pas moins au regard différentes facettes. S'il apparaît surtout comme monstre d'injustice et sorte de parrain d'une petite communauté régie par une violence aveugle, il est aussi un parfait crétin arrogant, que ses adjoints méprisent... sitôt qu'il a le dos tourné. Dans un décor sans homme d'église ou leader politique, c'est sur le tenant de l'autorité policière que tombe cette fois la contradiction apportée par le cowboy solitaire. Fait nouveau, Impitoyable repose toutefois sur la nostalgie de camaraderies révolues. Chez un réalisateur qu'on présente souvent comme des plus conservateurs, j'y vois une vraie évolution. Les flingues sont toujours de sortie, mais c'est avec des états d'âme que l'on s'en sert à présent. L'ami de William Munny, Ned Logan, joué par l'excellent Morgan Freeman, illustre à merveille ce nouveau cap. Vous verrez que la vie de l'Ouest n'en est pas forcément meilleure.

J'aurais sans doute énormément de choses à dire sur Impitoyable pour prolonger encore cette chronique. Pour éviter de tout raconter d'une traite, je terminerai avec deux arguments qui, je l'espère sincèrement, vous donneront envie d'y regarder de plus près. D'abord, à l'attention des amoureux du western: celui-là demeure l'un des rares que je connaisse où les femmes ont finalement un rôle central à jouer. C'est parce que Will Munny a perdu la sienne qu'il doit batailler pour s'en sortir. C'est aussi parce que d'autres femmes doivent être secourues qu'il accepte de renouer avec son passé. C'est enfin parce que ces dernières restent vulnérables que la situation dépasse le cadre du simple règlement de comptes. Et je ne parle là que du scénario ! L'apport de Clint Eastwood, lui, ne saurait être résumé à l'incarnation d'un énième cavalier vengeur. J'admire toujours le charisme de l'acteur, mais, dans ce film, je demeure surtout baba devant ce que propose le réalisateur. Au soir d'une vie bien remplie, il me semble d'ailleurs que mon idole (oui, j'assume !) se préfère derrière que devant la caméra. La manière dont il a su ici gérer les deux paramètres confine au sublime. Vingt ans sont passés depuis sa sortie, mais qu'importe: le long-métrage reste aujourd'hui encore au rang de mes préférés dans la filmographie du maître. Comme je suis alors heureux d'en avoir quelques autres à découvrir !

Impitoyable
Film américain de Clint Eastwood (1992)
Incomparable ! J'ai franchement vu bien peu de films qui, a fortiori lors d'une énième diffusion, ont su m'offrir autant d'émotions. Replacer le long-métrage dans la longue liste de ceux de son auteur ouvre également des perspectives inédites. Je crois que je souffre désormais de cinéphilie galopante ! Pour essayer de faire tomber cette fièvre, je reviens à mon titre et vous propose un film dix ans plus jeune et qui peut sembler retenir le même schéma: Les sentiers de la perdition, de Sam Mendes. Paul Newman et Tom Hanks valent bien qu'on s'y attarde également. Sans bien sûr oublier Jude Law...

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Pour un autre regard, peut-être plus objectif...
Vous pouvez vous référer aux avis publiés par "L'oeil sur l'écran".

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