samedi 14 mars 2020

Provence éternelle

D'abord, un bref aparté...
Malgré les conséquences du coronavirus, je n'ai nullement l'intention de renoncer à vous parler de cinéma. Il se peut juste que le nombre de sorties récentes présentées ici diminue un peu (à moyen terme). Quoi qu'il en soit, j'espère que tout va bien pour vous et vos proches !

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D'un classique à un autre... je reste en noir et blanc pour vous parler aujourd'hui d'un (beau) film de Marcel Pagnol: La fille du puisatier. Bientôt neuf ans auront passé depuis qu'une chronique fut publiée ici pour évoquer le remake: il est grand temps de revenir aux sources ! Partons un instant vers la Provence: ce sera pour moi un pur plaisir...

Printemps 1939. Depuis la mort de sa femme, Pascal Amoretti élève seule ses six filles. Patricia, son aînée, est revenue vivre à ses côtés après avoir passé de longues années dans une famille riche, à Paris. Le jour de ses 18 ans, elle croise un jeune homme très entreprenant et, bien qu'elle refuse de le montrer, en tombe aussitôt amoureuse. Dans le même temps, il lui faut bien se comporter et aussi résister aux avances timides d'un brave homme: Félipe, l'ouvrier de son père. Des interactions entre ces personnages naît un scénario solide, porté par des dialogues d'une rare poésie. Certes, La fille du puisatier date d'il y a 80 ans: les valeurs sociales ont évidemment changé depuis. Pourtant, j'ai vu un film moderne, qui donne en tout cas le beau rôle aux jeunes et aux modestes. Malgré les difficultés souvent extrêmes qu'elles affrontent et les drames qui les accablent, les petites gens préservent leur dignité et peuvent même, parfois, relever la tête. L'empathie de Pagnol est manifeste (et fait toute la beauté du récit) !

Tout est ici à l'opposé de la nostalgie, le film s'étant de fait construit en temps réel, au moment précis où la France concédait un armistice scabreux à l'Allemagne nazie. Certains critiques y ont vu une apologie des valeurs de Vichy. S'il est vrai que l'on entend le fameux discours radiophonique du maréchal Pétain appelant à la fin des combats, voir dans cette scène un signe d'allégeance me semble un total contresens. Initialement, le script montrait la France triomphante: les faits réels ont conduit Pagnol à revoir sa copie... et il a su le faire avec talent. Les visages baissés qui apparaissent à l'écran témoignent à mes yeux du sentiment de débâcle que beaucoup de Français ont alors ressenti. Pour le reste, plusieurs fois, les protagonistes luttent à l'évidence contre leurs sentiments profonds. Le film reste à l'écart du pathos grâce à ses interprètes "Stradivarius", parmi lesquels je placerai immédiatement (et sans hésiter) le trio Raimu / Charpin / Fernandel. Et La fille du puisatier a pour nom Josette Day, actrice assez douée pour faire oublier qu'elle est plus âgée que son personnage. Chapeau !

La fille du puisatier
Film français de Marcel Pagnol (1940)

Cela faisait un petit moment que j'avais envie de retrouver la verve pagnolesque sous sa forme originelle: je me suis vraiment ré-ga-lé. Quand, je l'ignore, mais je suis presque sûr à 100% que d'autres films suivront. En attendant, vous serez peut-être curieux des productions "récentes" que sont La gloire de mon père, Le temps des amours ou... La fille du puisatier (version 2011) ! Une liste bien incomplète !

4 commentaires:

  1. C'est un de mes Pagnol préférés, moi qui les aime tous.

    Je suis tombée par hasard sur le remake ces derniers jours avec Kad Merad dans le rôle de Fernandel… Tout ça n'est pas très réussi. On dirait une parodie. Les acteurs sont complètement à côté de la plaque.

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  2. Ah, cette version 1940 est pour moi une merveille d'empathie et, malgré son final sans doute un peu trop utopique pour être honnête, je ne vois rien à lui reprocher. Je me dis même qu'à l'époque, cela a dû être assez "réconfortant" pour les Français(e)s qui ont pu le voir.

    Je n'ai pas vu la version récente. Ma mère m'avait signalé qu'elle passait à la télé, mais le souvenir du classique était trop récent pour que j'ai envie de faire une comparaison immédiate. Cela viendra peut-être... ou pas. Je n'en fais pas une priorité. Plutôt envie de voir d'autres Pagnol ou de revoir la trilogie marseillaise.

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  3. Tout le monde y force cet accent qu'ils n'ont pas. J'ai l'impression que Daniel Auteuil est Ugolin. Et la jeune première bobo parisienne : non.

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  4. Ah oui, sur les accents, je veux bien te croire. Cela ne justifie rien, mais il faut se souvenir que Raimu lui-même déplorait (avec force) que Pagnol ait choisi certains acteurs non-provençaux pour jouer dans la trilogie marseillaise. Mais c'était encore les premières années du parlant...

    Daniel Auteuil doit beaucoup à Ugolin et ne s'est jamais caché de l'énorme respect que Pagnol lui inspire. Sa sincérité joue pour lui, de mon point de vue, même si les hommages qu'il rend à son maître sont maladroits (et/ou de traviole). Tout cela me donne envie de revoir aussi le dyptique "Jean de Florette / Manon des Sources", qui a été un régal de lecture pour moi, l'année dernière.

    Quant à Astrid Berges-Frisbey, je sais que tu as une dent contre elle. Sa carrière est plutôt discrète, à vrai dire. Je trouve bien que Patricia soit jouée par une (quasi-)inconnue.

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