mardi 15 mars 2016

Double vie

Je ne peux pas prétendre être un connaisseur de François Truffaut. J'ai vu certains de ses films - quelques-uns sont présentés ici. L'idée m'est venue de regarder La peau douce, que j'avais pu enregistrer lors d'un passage sur Arte, en... octobre 2014. La chaîne binationale l'avait classé parmi les films "intimes et tourmentés" de son auteur...

Il semble que Truffaut ait mis beaucoup de lui dans cette histoire d'adultère bourgeois, en y injectant les affres de l'un de ses vécus amoureux et allant jusqu'à tourner dans son propre appartement. Bâti sur des cendres, La peau douce a pour premier personnage principal un homme ordinaire, vaguement caché sous les traits d'un écrivain reconnu. Le récit débute à peine que ce Pierre Lachenay essaye déjà d'attraper un avion pour Lisbonne: son retard et son empressement suggèrent nettement la sensation d'étouffement qui est la sienne dans son univers quotidien. L'homme s'échappe donc et, en chemin vers le Portugal, rencontre une hôtesse de l'air dont il s'éprend aussitôt. Dès cet instant, il mènera une double vie, pour le meilleur probablement, mais aussi et surtout pour le pire. Ce qui est montré de l'attitude de ce pseudo-héros ne me l'a pas rendu sympathique. Jean Desailly, que j'ai découvert avec ce rôle, l'incarne avec justesse.

De part et d'autre de la tromperie, j'ai également apprécié le jeu nuancé de Nelly Benedetti (la femme) et certainement plus encore celui de Françoise Dorléac (la maîtresse). Les habitués de ce cinéma assurent que, pour sa mise en scène, Truffaut s'est beaucoup inspiré de son maître en suspense, Alfred Hitchcock himself. Je le crois volontiers. Cela dit, on devine assez vite comment tout ça peut finir. Est-ce un défaut ? Je ne le pense pas. Certes fraîchement accueilli lors de sa sortie, La peau douce a perdu de sa modernité thématique et formelle, mais demeure un film appréciable, que je suis content d'avoir vu. Seuls les dialogues m'ont paru un peu plaqués, parfois. Pour son auteur, il s'agissait surtout de réaliser un film "indécent, complétement impudique, assez simple, mais très triste". Un cahier des charges audacieux pour l'époque, mais je dirais que le programme est respecté. Petit bémol pour la fin, que j'ai trouvée un peu abrupte.

La peau douce
Film français de François Truffaut (1964)

Sans en faire un incontournable, je considère donc ce long-métrage comme l'une des pièces intéressantes du puzzle-carrière du cinéaste. J'ai particulièrement apprécié son noir et blanc classieux, qui finira d'appuyer mon envie de revoir Les 400 coups et/ou Jules et Jim. Maintenant, en attendant, libre à vous de plonger vers la noirceur avec La chambre verte ou bien L'histoire d'Adèle H. (mon préféré).

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Il semble que le film ait la cote, désormais...
On en parle chez Chonchon, Sentinelle, Eeguab, Lui et Princécranoir !

20 commentaires:

  1. Bonjour Martin,

    Un très grand Truffaut et l'un de mes films préférés du réalisateur. Cette musique magique de Delerue ! La scène où il allume toutes les lumières ! Françoise Dorléac ! Bref... Il faut vraiment que je consacre une note à Truffaut.

    Strum

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  2. Et sinon, oui, je confirme, du point de vue de la mise en scène, La Peau Douce est le film où Truffaut s'est le plus inspiré d'Hitchock. As-tu lu le Truffaut-Hitchcock ? Formidable livre de cinéma.

    Strum

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  3. J'ai honte, je ne l'ai jamais vu.
    Pour tant Truffaut et la Françoise <3

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  4. @Strum 1:

    D'accord en tous points ! Et ce serait effectivement bien de te lire sur au moins un Truffaut !

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  5. @Strum 2:

    Non, je n'ai pas (encore) lu ce livre. Il faudrait que je me le procure.

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  6. @Pascale:

    N'aie pas honte d'être chanceuse: tu as l'opportunité de le découvrir d'un oeil neuf !

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  7. Ah oui j'aime beaucoup beaucoup ce film ! Et puis j'aimais tellement Françoise Dorléac. Je n'ai jamais trouvé sa "remplaçante" depuis... Julia Roberts parfois me fait penser à elle.

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  8. Bonjour Martin et merci pour le lien, si ancien que j'aurais juré n'avoir jamais chroniqué ce film que j'aime bien. J'aime presque tout Truffaut notamment le cycle Doisnel, mais aussi La chambre verte et La nuit américaine et les anciens Tirez sur le pianiste et Jules et Jim. Et aussi l'atypique Fahrenheit 451. Un peu moins les films noirs La Sirène... et Vivement dimanche.Mais aucun film de Truffaut n'est sans intérêt.

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  9. Bonjour Martin et merci pour le lien :)
    J'ai particulièrement apprécié le jeu d'acteur de Jean Desailly, qui hérite d'un personnage peu sympathique. J'ai évidemment bien aimé ce film, mais c'est sans doute le film le plus déprimant qu'il m'ait été donné de voir jusqu'à présent du réalisateur. Très lucide aussi (je ne parle pas de la fin). Mes préférés à ce jour sont : La chambre verte, La mariée était en noir, L'Histoire d'Adèle H., L'homme qui aimait les femmes, La femme d'à côté... pas forcément les plus parfaits, mais je les ai trouvés tellement intéressants ! Cela me fait penser que je devrais poursuivre mon mini-cycle François Truffaut entamé en 2014...

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  10. Du Truffaut Noir sur Blanc, hitchcockien sur le papier, mais écrit à l'encre bunuelienne. Merci pour passerelle électronique ;-)

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  11. Bonjour Martin, un film découvert assez tardivement (comme la Sirène du Mississippi) et que j'ai beaucoup apprécié. En revanche, je ne me rappelle plus de la fin. Bonne journée.

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  12. @Chonchon:

    Je crois que c'était la première fois que je voyais un film avec Françoise Dorléac. J'en ai quelques autres en rayon. Nous aurons donc l'occasion d'en reparler. Belle découverte, en tout cas. Je l'ai trouvée très bien, dans "La peau douce".

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  13. @Eeguab:

    J'avais trouvé "La chambre verte" un peu trop dur, pour ma part, mais bon... je n'ai jamais été totalement rebuté par un Truffaut, à ce stade de mes découvertes. Je vais donc volontiers dans ton sens. Je ne sais pas encore lequel je choisirai de voir la prochaine fois...

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  14. @Sentinelle:

    Je me doutais que tu réagirais, vu que, sauf erreur, François Truffaut est le réalisateur le plus cité sur ton blog. Je serais ravi de lire tes impressions sur d'autres de ses films.

    On s'en fiche bien, de la perfection, tu ne crois pas ? Est-ce que ça existe, d'abord ? L'important, dans le cinéma, c'est ce qu'on y trouve, soi, et bien sûr les intentions des artistes.

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  15. @Princécranoir:

    Pas de quoi, l'ami ! Tu m'intrigues avec ton évocation de Bunuel. Ce serait sympa que tu développes quelque peu cet argument, si tu repasses par ici.

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  16. @Dasola:

    Je ne veux pas dévoiler la fin du film - j'espère que tu comprendras. Disons toutefois qu'on la voit arriver facilement dix minutes avant... ce n'est pas forcément un problème, d'ailleurs.

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  17. "On s'en fiche bien, de la perfection, tu ne crois pas ? Est-ce que ça existe, d'abord ? L'important, dans le cinéma, c'est ce qu'on y trouve, soi, et bien sûr les intentions des artistes."

    On s'en fiche complètement de la perfection, je suis bien d'accord là-dessus Martin. Puis je crois que je risquerais de m'y ennuyer. Mais si je fais cette réflexion, c'est plus pour les personnes qui me lisent que par conviction personnelle, une manière de dire "attention, ce n'est pas pour autant que ce film soit génial". Car pour moi il est évident que si j'aime beaucoup un film, et bien c'est un peu comme une rencontre amoureuse j'ai envie de dire, parce que c'était lui, parce que c'était moi. Alors après on peut bien chercher des explications mais il s'agit avant tout d'une rencontre qui marque ou pas, et qui souvent nous dépasse un peu (et parfois beaucoup) ;-)

    Bon, je philosophe beaucoup ce soir. Je dois être fatiguée. Bonne soirée Martin et à bientôt !

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  18. Tu philosophes la nuit et je tâche de répondre tôt le matin: je suis totalement d'accord avec toi pour dire que les films nous rencontrent ou pas. Une bonne partie des sentiments que nous leur portons est vraiment tout à fait subjective et, je dirais même, susceptible d'évoluer au fil du temps.

    Donc, non, effectivement, pas question de perfection ou même d'imperfections ! Je crois toutefois honnête d'admettre que, dans de rares cas, je suis un peu tristoune quand mes amis n'aiment pas un film que, moi, j'admire au plus haut point. Surtout quand c'est moi qui leur ai fait découvrir, en fait. Mais bon... puisque le cinéma est aussi un plaisir qui se partage, ça ne me fera pas renoncer à mes envies d'en parler.

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  19. Me revoilou. Pour tout dire, je ne crois pas avoir lu quoi que ce soit sur les accointances bunueliennes du cinéma de Truffaut et pourtant, lorsque m'est apparu ce plan insistant sur les chaussures de Françoise Dorleac dans les couloirs de l'hôtel, j'ai tout de suite pensé au fétichisme de l'Espagnol. Tu me diras, une paire de pompes ne font pas une belle de jour. Mais il y a tout de même dans ce drame de l'infidélité quelque chose qui tire vers une satire de la bourgeoisie que n'aurait sans doute pas renié l'ami Luis.

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  20. Hé ! C'est très intéressant, ce que tu dis, et ça m'ouvrira sans doute une autre porte pour "lire" Truffaut et Bunuel autrement. Je n'ai encore vu que peu de films du second nommé, que j'associe davantage au surréalisme qu'au fétichisme jusqu'alors. Mais effectivement ! Sur la satire de la bourgeoise, je te rejoins complètement: le parallèle que tu fais entre les deux réalisateurs est très pertinent. Merci encore d'avoir partagé cette impression avec nous !

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