mercredi 13 janvier 2016

Avant la fin

Il aura fallu attendre plus de six mois pour que Mia madre, présenté lors du Festival de Cannes en mai dernier, trouve son chemin jusqu'aux salles françaises. Le dernier film de Nanni Moretti à ce jour était, c'est vrai, reparti de la Croisette avec le seul Prix du jury œcuménique. Si c'est une "consolante", je la crois largement méritée.

Dès le tout premier plan, Mia madre nous propose une très belle mise en abyme: son personnage principal est une cinéaste, plongée corps et âme dans un tournage compliqué. Margherita tente de s'accrocher et subit de plein fouet la médiocrité apparente de son acteur vedette. À ses rares heures perdues, elle essaye d'être à la hauteur des besoins d'une vieille dame hospitalisée: sa mère. Le petit miracle du scénario cosigné par Gaia Manzini et Chiara Valerio, c'est qu'il nous permet d'admirer un long-métrage remarquable de subtilité et de pudeur. Intelligent et sensible, le récit ne verse pas dans le pathos et parvient même, jusqu'à son terme, à préserver de petites lueurs d'optimisme. L'image, elle, est parfois très belle, avec notamment une scène magnifique dans la file d'attente d'un cinéma et deux séquences puissantes, en clair-obscur. Quant aux derniers plans, évocateurs d'une certaine idée du futur... c'est simple: ils m'ont paru admirables.

Dans son ensemble, la distribution, elle, m'a transporté d'émotion. Margherita Buy apporte beaucoup d'humanité à cette femme cernée de toutes parts par les ennuis et Nanni Moretti, qui joue son frère bienveillant, livre une prestation sobre, d'une très grande justesse. Giulia Lazzarini, l'interprète de la maman, est excellente, elle aussi. Bref, tout le monde brille. Je n'ai toutefois pas encore pris le soin d'évoquer celui qui donne un vrai "plus" au film: Mr. John Turturro. Ami (entre autres) de Woody Allen et des frères Coen, on se doutait bien que le bougre serait à son aise dans un film d'introspection psychologique. Plus inattendu, il est aussi... irrésistiblement drôle ! Être celui qui épuise les dernières réserves de courage de Margherita aurait pu s'avérer ingrat. C'est le contraire: lancé à fond les ballons dans l'outrance de ce Barry Huggins, le seul Américain du casting régale. Grâce au rire qu'il provoque, Mia madre trouve un équilibre quasi-parfait et, à vrai dire, finit par ressembler à la vie elle-même. C'est intéressant, je dois dire, mais pas seulement: c'est beau, aussi.

Mia madre
Film italien de Nanni Moretti (2015)

Je l'ai dit: relativement en retrait, le cinéaste-acteur fait la part belle aux autres, à ses comédiens, bien sûr, mais aussi à ses scénaristes. Parfois, il prend le contrepied d'un propos trop intellectualisant. Souvent, il sait relancer la mécanique du film d'un raccord astucieux. C'est du cinéma de l'intime dans ce qu'il a de meilleur, plus fort encore selon moi que La chambre du fils et Habemus papam. Bravissimo !

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D'autres en ont parlé, bien sûr...

Pascale, Dasola et Tina ne m'ont pas attendu pour donner leur avis. Vous pourrez aussi découvrir les opinions de Strum et d'Alain Souché.

16 commentaires:

  1. Ce film a déjà suscité de nombreux commentaires élogieux mais pour une (très) obscure raison, je ne le "sens" pas, raison pour laquelle je ne me suis pas rendue en salle pour le voir. Mais dès qu'il sera disponible pour le petit écran, je le verrai de suite. Je suis curieuse en tout cas de savoir si mon à priori plutôt négatif sera vérifié ou non. Quoi qu'il en soit, j'espère être heureusement surprise et partager ton enthousiasme ;-)

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  2. (thank you pour le lien ;) ).
    J'ai trouvé ce film magnifique tout en restant parfois très drôle. Il a l'air simple et pourtant il est plus complexe qu'il en a l'air, défend des valeurs universelles sans niaiserie et est très bien interprété.

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  3. Vu deux fois en deux jours. Admirable à tout point de vue. Je souscris à tout ce que tu as écrit.

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  4. @Sentinelle:

    Tiens, c'est étrange de se ruer sur un film à la télé après l'avoir volontairement boudé au cinéma... mais bon, je peux tout à fait comprendre qu'on ne "sente" pas ce nouveau Moretti: le thème n'est pas franchement joyeux, c'est certain. On verra peut-être, à long terme, si tu te ranges de notre côté, à Tina et moi, ou si tes premières impressions étaient bonnes. Et chacun ses goûts, de toute façon.

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  5. @Tina:

    Il n'y a pas de quoi pour le lien ! Je ne peux que constater que nous sommes tout à fait à l'unisson.

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  6. @Eeguab:

    Merci. Le film a vraiment reçu un bon accueil, j'ai l'impression. Je ne sais pas ce que ça donnera au box-office français en fin d'exploitation, mais ça pourrait augurer d'un assez bon score pour ce qui reste tout de même un film d'auteur. Tant mieux !

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  7. Bonsoir et merci pour le lien vers ma critique ! :) Ce qui est admirable dans Mia Madre, c'est que sur ce sujet d'une cinéaste qui traverse une crise sentimentale, qui n'arrive plus à faire du bon cinéma (le film qu'elle tourne n'a pas l'air folichon), qui est en train de perdre sa mère, bref sur ce sujet absolument déprimant sur le papier, Moretti parvient à réaliser un film dont la conclusion donne envie de croire à nouveau à la vie et de nous tourner vers le futur.
    Strum

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  8. Hello, Strum, et merci à toi d'apporter un petit commentaire. Je crois que tu as parfaitement résumé mon sentiment. Un petit ajout: en plus d'effectivement nous tourner vers l'avenir, il me semble que Nanni Moretti nous encourage à profiter du présent et de la présence à nos côtés de ceux qu'on aime.

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  9. @Sentinelle:

    Tiens, c'est étrange de se ruer sur un film à la télé après l'avoir volontairement boudé au cinéma...

    Je vais essayer de m’expliquer un peu plus. Quand je vais au cinéma, entre mon départ et mon retour à la maison, cela me prend quasi toute mon après-midi. Raison pour laquelle je préfère « sentir » un film avant d’aller le voir, pour éviter le plus possible d’être déçue et d’avoir l’impression de perdre mon temps, et ce d’autant plus si j’ai le sentiment que le film passera tout aussi bien sur petit écran (ce qui est un peu mon sentiment avec le film de Moretti). Par contre, je me déplace plus volontiers pour des films qui me semblent bien peu adaptés au petit écran, je pense à des films comme Béliers ou Ixcanul par exemple. Là j’ai le sentiment que je raterai vraiment quelque chose si je devais attendre leur sortie DVD. Voilà, j’espère que ma démarche te paraîtra moins étrange maintenant ;-)

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  10. Bonjour Martin, toutes les scènes avec la maman à l'hôpital ou chez elle m'ont plu, elles m'ont beaucoup touchée. En revanche, j'ai trouvé que Turturro en faisait des tonnes en acteur cabotin. Merci pour le lien et bonne fin d'après-midi.

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  11. Une merveille, comme souvent le cinéma de MON Nanni.

    Mais que lis-je ??? Inattendu que Turturro soit drôle !!! Tu plaisantes ?

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  12. @Sentinelle:

    Je comprends tout à fait, désormais. Il faut dire que, de mon côté, j'ai la chance d'avoir trois cinémas assez différents les uns des autres à 20-30 minutes de chez moi.

    De la même façon que toi, il y a certains types de films que je peux négliger au cinéma et que je me contente de voir en DVD ou à la télé. C'est vrai que ce Nanni Moretti ne justifie pas forcément un écran XXL, mais bon... j'avais un bon feeling à son sujet et, du coup, l'envie de le voir sans attendre.

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  13. @Dasola:

    C'est une opinion que je respecte et comprends. Moi, j'ai trouvé justement que ce fort contraste fonctionnait bien et venait renforcer l'émotion des scènes plus difficiles. Je n'ai pas vu John Turturro cabotiner, mais bel et bien son personnage.

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  14. @Pascale:

    Je me suis mal fait comprendre, apparemment. J'ai été surpris que John Turturro puisse être drôle dans ce contexte scénaristique. Je n'avais pas imagé que Nanni Moretti nous offrirait de vraies scènes de comédie pour traiter de ce sujet difficile. Regarde... en comparaison, "La chambre du fils", c'est quand même beaucoup plus dur, non ?

    J'enfonce le clou: c'est justement ce contraste qui, pour moi, fait toute la force de ce "Mia madre".

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  15. Bonsoir, tout à fait d'accord avec toi Martin, ce contraste est un des grands attraits du film, puisqu'il renforce l'opposition mis en scène entre la réalité (la mère qui meurt) et la fiction (ce mauvais film sur la lutte des classes, avec un acteur américain absolument délirant et déconnecté du sujet). Les scènes avec Turturro sont formidables de drôlerie, celle où il n'arrive pas à conduire dans la voiture étant même à mourir de rire.
    Strum

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  16. Je crois que, parmi les scènes de bouffonnerie et de décalage, ma préférée reste celle de la conférence de presse, où l'autre mariole assure la promo du film dans une exubérance toute américaine et en italien toutefois tandis que sa réalisatrice s'interroge intérieurement sur le sens à donner à tout ça.

    Grande, grande, grande ! Sen-sa-bi-li-ta !

    Mais tâchons de ne pas trop en dire pour réserver la surprise de nos lecteurs respectifs qui auraient eu envie de voir le film, sans en avoir encore le temps ou l'occasion...

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