lundi 28 avril 2025

Tout l'amour de Lucia

Milan, 16 décembre 1944. Benito Mussolini s'adresse à une journaliste après un ultime discours: "Je m'affaire en sachant que tout est farce. J'attends la fin de la tragédie, comme étrangement détaché de tout. Je ne me sens plus acteur, mais seulement le dernier spectateur". Dernière consigne du fasciste: ne publier l'article... qu'après sa mort !

Le hasard fait que j'évoque cette anecdote historique 80 ans, jour pour jour, après l'exécution sommaire de l'ancien maître de Rome. Cependant, ce n'est pas lui qui m'intéresse aujourd'hui: mon intention est plutôt de vous parler d'un film qui débute alors que la fin du Duce approche. L'année passée, Vermiglio ou La mariée des montagnes est reparti de la 81ème Mostra de Venise avec le Grand Prix du jury. Nous prenons les chemins à destination d'un petit village du Trentin. Quelques mois seulement avant la fin de la guerre, cette zone montagneuse tout au nord de l'Italie voit revenir un jeune homme blessé au combat. Un autre ex-soldat du même âge l'accompagne. Accueilli en héros, ce Sicilien, Pietro, lui aurait en fait sauvé la vie. Des sentiments réciproques l'uniront vite à la belle Lucia, première des dix enfants de Cesare Graziadei, le très austère instituteur local. Au printemps, le patriarche consentira au mariage, tout en exigeant de son gendre qu'il retourne vers le Sud en aviser ses propres parents. C'est alors que se jouera une tragédie - que je n'avais pas anticipée...

J'espère sincèrement trouver les mots justes pour vous convaincre d'une chose: Vermiglio ou La mariée des montagnes brille d'un éclat qui le place sans difficulté parmi les plus beaux films que j'ai vus depuis le début de l'année. Il peut à ce titre être le porte-étendard d'un cinéma italien capable du meilleur et fier de l'héritage de son âge d'or. C'est d'autant plus notable que la réalisatrice de cette merveille n'a pas encore fêté ses cinquante ans (ce sera le 3 octobre prochain). Sur son CV, il y a aussi plusieurs documentaires: c'est un bel atout. Au-delà de ses cadres, elle a l'intelligence de ne pas trop se focaliser sur le dialogue: en réalité, les images parlent souvent d'elles-mêmes. Le film est tout autant un délice pour les oreilles, parsemé qu'il est par de superbes - et très évocateurs - morceaux de musique classique, oeuvres d'Antonio Vivaldi et Frédéric Chopin, notamment. Et puis, il y a la guerre, bien sûr, une menace lointaine qu'on oublie presque grâce à la contemplation constante d'une petite communauté isolée. Il m'a fallu un peu de temps pour redescendre de la montagne !

Vermiglio ou La mariée des montagnes
Film italien de Maura Delpero (2024)
Le vermillon, ce rouge vif que rappellent le titre et le nom du village que nous visitons, n'est donc pas celui du sang: c'est une chance. Même si l'histoire est différente, le film m'en a rappelé deux autres dans un environnement similaire: Le ruban blanc et Une vie cachée. Pour la guerre hors-champ, j'ai aussi aimé L'odeur de la mandarine. Aïe... je n'ai vu que très peu de longs-métrages autour des sommets !

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Pour compenser, je regarde ailleurs...

C'est de fait un rituel: je vous suggère de lire la chronique de Pascale.

4 commentaires:

Jourdan a dit…

Je pense aller le voir. C’est la même réalisatrice qui avait fait ”Maternal”,une histoire de filles mères dans un couvent argentin. Le rapport à la maternité qui est posé. On dirait qu’il y a un peu de ce thème dans Vermiglio? Vue l’importante fratrie..

Martin a dit…

La question de la maternité, dans "Vermiglio" ? Elle n'est pas vraiment au coeur du film.
Elle peut toutefois être considérée comme une thématique annexe. La fratrie, elle, a de l'importance.

J'espère que vous aurez l'occasion de le voir et de nous en reparler, Jourdan. C'est vraiment un très beau film !

Pascale a dit…

Je trouve que le thème de la maternité est clairement posé dans ce film avec cette femme qui a accouché 10 fois, cette autre enceinte et cet endroit où naissent les bébés... Il est question de condition féminine aussi, très clairement. Et comme toujours, les femmes ne sont pas à la fête.
Ce film est sublime de la première à la dernière image mais j'ai préféré la seconde partie beaucoup plus romanesque.
En ce qui concerne la première partie, j'ai regretté qu'il n'y ait pas de réelle piste à suivre (ce que contredit la deuxième partie) et l'on sent bien que la réalisatrice "vient" du documentaire.

Martin a dit…

Oui, tu as raison pour la maternité et les bébés, mais ce n'est pas le sujet principal.
La condition féminine ? Oui, clairement. Et, comme tu le dis, c'est pas la joie pour les femmes...

On peut effectivement découper le film en deux parties. J'ai apprécié le côté documentaire.