vendredi 2 juin 2023

La bataille d'Alger

C'est l'évidence même: le cinéma est un art du mensonge. Je l'admire pour sa capacité à nous embobiner et à évoquer des protagonistes prétendument historiques, qu'il met en scène pour notre seul plaisir. Ainsi l'héroïne de La dernière reine n'est-elle peut-être qu'invention. Est-ce très important d'être au clair sur ce point ? Je ne le crois pas...

1516. Zaphira coule des jours heureux et insouciants dans un palais algérois, tout en regrettant que Salim Toumi, son mari et le sultan local, lui préfère Chegga, son autre épouse. Le film montre d'emblée que la situation est plus tendue qu'il n'y paraît: de fortes troupes espagnoles assiègent la ville et, bientôt, les hommes s'embarquent pour une bataille à l'issue incertaine. Le soutien armé d'une cohorte emmenée par le chef corsaire Aroudj Baba-Oruç - alias Barberousse - leur offre cependant la victoire. Reste ensuite à maintenir la paix. Comment ? Depuis la coulisse du pouvoir, c'est ce que le film détaille. J'ai parlé de Shakespeare mercredi: il pourrait avoir écrit le scénario. Je dois toutefois dire que La dernière reine est tout d'abord un film d'une grande beauté, qui nous transporte sans mal dans son époque lointaine grâce à ses somptueux décors et costumes - on s'y croirait. Cette magnificence est sans doute ce qui m'a attiré en premier lieu...

Malgré la violence des hommes, c'est une femme qui donne le tempo de ce (premier) long-métrage venu d'Afrique du Nord. Son existence reste contestée avec véhémence par certains spécialistes, qui jugent que les affabulations du récit lui retirent aussitôt toute pertinence narrative. Je ne suis pas de cet avis: bien au contraire, le caractère romanesque du personnage m'a vraiment convaincu de m'y intéresser. En cinq actes, La dernière reine nous raconte l'histoire d'une femme qui entend garder auprès d'elle l'homme qu'elle aime et sauver l'enfant qu'ils ont eu ensemble. Ce double sujet est très moderne, finalement. L'enjeu politique de l'intrigue n'est certes pas anodin: il vient relever d'une touche épique une oeuvre qui, selon moi, est d'abord intimiste. C'est en ce sens que j'ose vous dire qu'il s'avère presque subsidiaire. Cela ne m'a pas empêché de faire quelques recherches sur l'histoire réelle de cette période troublée. Mais je ne l'ai fait qu'après coup ! C'est une bonne façon de prolonger le plaisir de la séance de cinéma. Vous savez que le septième art a aussi le mérite d'ouvrir des portes...

La dernière reine
Film algérien de Damien Ounouri et Adila Bendimerad (2023)

Oui, un homme et une femme ont créé ce long-métrage épatant ! Mieux: si Damien Ounouri reste derrière la caméra, Adila Bendimerad assure aussi la tête d'affiche, aux côtés notamment de Dali Benssallah et Nadia Tereszkiewicz. C'est un vrai bonheur de cinéphile, pour sûr. J'aimerais le rapprocher d'un film chinois: L'empereur et l'assassin. J'imagine que je n'en ai pas fini avec la référence shakespearienne...

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En attendant d'autres comparaisons...

Je vous laisse lire les opinions de Pascale et Dasola sur l'opus du jour.

2 commentaires:

  1. La violence des hommes oui, mais de la femme aussi qui ne se laisse pas faire.
    Je vais spoiler mais elle tue trois personnes non ?
    En tout cas, le film est étonnant, d'une grande beauté et effectivement je me suis précipitée sur ces histoires vraies au inventées... mais quand la fiction dépasse la réalité, on imprime la fiction non ?
    Dali Benssallah est FORMIDABLE.
    L'actrice réalisatrice aussi.

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  2. Je t'avoue qu'avec tout ce bordel, je n'ai pas très bien compté moi-même...
    Mais nous sommes d'accord pour dire que c'était l'un des très bons films de ces derniers mois.

    Après tout, c'est l'essentiel, non ?

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