Il n'aura jamais été le plus bavard des cinéastes. Je reparlerai un jour de Michael Cimino et de la façon dont, en deux ans à peine, il passa du statut d'enfant chéri de Hollywood à celui de grand paria du cinéma américain. Avant cela, je veux évoquer Voyage au bout de l'enfer. Son deuxième film, neuf fois nommé et cinq fois élu aux Oscars 1979.
The deer hunter (en VO - et donc Le chasseur de cerfs en français) reste encore aujourd'hui considéré comme l'un des plus grands films consacrés à la guerre du Vietnam. Autant le souligner: si le conflit constitue en effet la clé de voûte du long-métrage, il n'y est abordé qu'assez brièvement et disons "à hauteur" de quelques protagonistes. Michael Cimino nous a offert trois heures de cinéma: le bourbier vietnamien n'apparaît qu'à la fin de la première. C'est au coeur même d'une petite communauté d'immigrés lituaniens, ouvriers d'une usine sidérurgique, que le récit nous plonge d'abord. On fait connaissance avec Mike, Steve et Nick, bientôt mobilisés, mais qui ont un mariage et une partie de chasse pour occuper leur dernier week-end de liberté. Et pour nous, spectateurs, tout ce long début est un vrai régal visuel !
Au milieu de la foule rassemblée, on reconnaîtra certains des acteurs parmi les plus talentueux de l'époque: Robert de Niro, Meryl Streep, Christopher Walken, John Cazale... et vous auriez bien raison d'ajouter que la plupart sont les monstres sacrés de notre temps. "Détail" appréciable: ici, aucun(e) ne tire la couverture à lui / elle ! Voyage au bout de l'enfer est à mes yeux une grande réussite collective, la très bonne complémentarité des différents comédiens apportant au scénario une indéniable crédibilité - même si d'aucuns ont reproché au film l'absolu manichéisme de sa partie vietnamienne. Cela peut de fait se discuter: pour expliquer l'immense traumatisme vécu par les anciens GI, le récit nous les montre victimes d'exactions dont la véracité historique est à tout le moins sujette à caution. OK...
Vous voulez mon avis ? Ce n'est franchement pas le plus important. Encore une fois, et malgré quelques scènes particulièrement fortes dans le tiers médian du film, la guerre n'apparaît qu'en toile de fond d'une histoire plus complexe: celle de quelques hommes dont le destin bascule, sur le plan individuel tout aussi bien que sur le plan collectif. Michael Cimino n'en fait pas vraiment des héros: il nous montre toutefois qu'à leur retour, seuls leurs anciens compagnons d'armes parviennent encore à les comprendre et à partager leurs souffrances. La folie belliciste se prolonge: même ceux qui sortent vivants du front des hostilités n'échappent pas à l'effacement de ce qu'ils veulent être. J'aime autant ne pas évoquer comment l'un d'eux est coupé de sa vie d'avant. La photo en rappellera le souvenir à ceux qui ont vu le film...
Voyage au bout de l'enfer est, bien évidemment, un long-métrage éprouvant. Certains y ont vu un hymne au patriotisme américain. D'après moi, ce n'est pas un contresens absolu, mais une erreur d'interprétation: l'image de l'armée américaine ne sort pas valorisée de ce qui peut se passer à l'écran, sans en être abîmée pour autant. J'insiste: Michael Cimino, qui a l'âge de ses personnages, s'intéresse avant tout à leur évolution, dans un triptyque narratif remarquable d'intelligence et d'empathie. De la part même d'un ancien militaire réserviste, c'est un résultat assez étonnant et le statut de grand film alors attribué à cette oeuvre ne me paraît assurément pas usurpé. L'analyser en détail pourrait nourrir plusieurs autres chroniques. Peut-être les écrirai-je, si je revois tout cela sur un écran de cinéma !
Voyage au bout de l'enfer
Film américain de Michael Cimino (1978)
"Ce n'est un film pas sur le Vietnam. C'est le Vietnam !": la citation de Francis Ford Coppola au sujet de l'immense Apocalypse now, sorti un an plus tard, nous inviterait presque à replacer les deux films face à face, non pour les comparer, mais bien parce qu'ils se répondent. Oui, comme le font les oeuvres majeures, en fait ! Sur cette guerre lointaine, revoir aussi Les visiteurs, Birdy, Full metal jacket, etc...
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Si vous voulez aller encore plus loin...
Voyage au bout de l'enfer trouve un écho un peu partout sur la toile. Pascale l'a notamment cité deux fois: ici et là. D'autres mentions existent aussi chez Dasola, Ideyvonne, Strum, Eeguab, Vincent et Lui. Peu de chroniques détaillées, mais plusieurs références intéressantes.
The deer hunter (en VO - et donc Le chasseur de cerfs en français) reste encore aujourd'hui considéré comme l'un des plus grands films consacrés à la guerre du Vietnam. Autant le souligner: si le conflit constitue en effet la clé de voûte du long-métrage, il n'y est abordé qu'assez brièvement et disons "à hauteur" de quelques protagonistes. Michael Cimino nous a offert trois heures de cinéma: le bourbier vietnamien n'apparaît qu'à la fin de la première. C'est au coeur même d'une petite communauté d'immigrés lituaniens, ouvriers d'une usine sidérurgique, que le récit nous plonge d'abord. On fait connaissance avec Mike, Steve et Nick, bientôt mobilisés, mais qui ont un mariage et une partie de chasse pour occuper leur dernier week-end de liberté. Et pour nous, spectateurs, tout ce long début est un vrai régal visuel !
Au milieu de la foule rassemblée, on reconnaîtra certains des acteurs parmi les plus talentueux de l'époque: Robert de Niro, Meryl Streep, Christopher Walken, John Cazale... et vous auriez bien raison d'ajouter que la plupart sont les monstres sacrés de notre temps. "Détail" appréciable: ici, aucun(e) ne tire la couverture à lui / elle ! Voyage au bout de l'enfer est à mes yeux une grande réussite collective, la très bonne complémentarité des différents comédiens apportant au scénario une indéniable crédibilité - même si d'aucuns ont reproché au film l'absolu manichéisme de sa partie vietnamienne. Cela peut de fait se discuter: pour expliquer l'immense traumatisme vécu par les anciens GI, le récit nous les montre victimes d'exactions dont la véracité historique est à tout le moins sujette à caution. OK...
Vous voulez mon avis ? Ce n'est franchement pas le plus important. Encore une fois, et malgré quelques scènes particulièrement fortes dans le tiers médian du film, la guerre n'apparaît qu'en toile de fond d'une histoire plus complexe: celle de quelques hommes dont le destin bascule, sur le plan individuel tout aussi bien que sur le plan collectif. Michael Cimino n'en fait pas vraiment des héros: il nous montre toutefois qu'à leur retour, seuls leurs anciens compagnons d'armes parviennent encore à les comprendre et à partager leurs souffrances. La folie belliciste se prolonge: même ceux qui sortent vivants du front des hostilités n'échappent pas à l'effacement de ce qu'ils veulent être. J'aime autant ne pas évoquer comment l'un d'eux est coupé de sa vie d'avant. La photo en rappellera le souvenir à ceux qui ont vu le film...
Voyage au bout de l'enfer est, bien évidemment, un long-métrage éprouvant. Certains y ont vu un hymne au patriotisme américain. D'après moi, ce n'est pas un contresens absolu, mais une erreur d'interprétation: l'image de l'armée américaine ne sort pas valorisée de ce qui peut se passer à l'écran, sans en être abîmée pour autant. J'insiste: Michael Cimino, qui a l'âge de ses personnages, s'intéresse avant tout à leur évolution, dans un triptyque narratif remarquable d'intelligence et d'empathie. De la part même d'un ancien militaire réserviste, c'est un résultat assez étonnant et le statut de grand film alors attribué à cette oeuvre ne me paraît assurément pas usurpé. L'analyser en détail pourrait nourrir plusieurs autres chroniques. Peut-être les écrirai-je, si je revois tout cela sur un écran de cinéma !
Voyage au bout de l'enfer
Film américain de Michael Cimino (1978)
"Ce n'est un film pas sur le Vietnam. C'est le Vietnam !": la citation de Francis Ford Coppola au sujet de l'immense Apocalypse now, sorti un an plus tard, nous inviterait presque à replacer les deux films face à face, non pour les comparer, mais bien parce qu'ils se répondent. Oui, comme le font les oeuvres majeures, en fait ! Sur cette guerre lointaine, revoir aussi Les visiteurs, Birdy, Full metal jacket, etc...
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Si vous voulez aller encore plus loin...
Voyage au bout de l'enfer trouve un écho un peu partout sur la toile. Pascale l'a notamment cité deux fois: ici et là. D'autres mentions existent aussi chez Dasola, Ideyvonne, Strum, Eeguab, Vincent et Lui. Peu de chroniques détaillées, mais plusieurs références intéressantes.
"Mais avec une bande de gros trous-du-cul tels que nous, massacreurs de gibier, il nous offrit pour les sept jours de chasse qui restaient ce que chacun souhaitait secrètement : les délices de l'hélicoptère. Alors commença la guerre entre les animaux et nous."
RépondreSupprimerNorman Mailer, Pourquoi sommes-nous au Viet-Nam ? 1967
Ce film fut un traumatisme pour moi quand je l'ai vu pour la première fois. J'étais encore ado et je me suis pris le film en pleine tête.
The Deer Hunter, 1er film à gagner une pelletée d’Oscars avec ses couilles.
RépondreSupprimerQ. Tarentino ( ligne de dialogue dans son scénario de True Romance )
Bonjour Martin, merci pour ce billet sur un film inoubliable en ce qui me concerne que j'ai vu deux fois sur grand écran lors de reprises estivales à Paris. Concernant la photo où l'on voit Chris Walken la tête baissée, l'acteur nous a dit en juin 2019 lors d'une master class, il avait pensé à quelque chose de triste et il s'était mis à pleurer. Bonne soirée.
RépondreSupprimer@Princécranoir:
RépondreSupprimerJ'ai presque honte de devoir avouer que, pour ma part, je l'avais presque oublié. Je savais juste que c'était un grand film et j'avais depuis un moment l'envie de le revoir. Maintenant que c'est chose faite, je confirme : très grand film, à voir et revoir.
Je ne l'oublierai plus, j'espère.
@Ronnie:
RépondreSupprimerBelle citation. Merci, Ronnie.
J'aimerais que Tarantino soit aussi audacieux que Cimino...
@Dasola:
RépondreSupprimerSur grand écran, ça doit être une expérience forte ! J'ai failli avoir cette chance et... confinement !
Merci pour l'anecdote sur Walken. Belle photo, hein ?
LE film sur le Viet Nam, avant, pendant et après.
RépondreSupprimerLa découverte de l'indispensable Christopher Walken. Et De Niro à son meilleur. Merryl sublime.
Vu et revu à l'époque. J'étais en fac et j'ai fait mes fonds de poche pour le revoir plusieurs fois.
J'en connais certaines répliques, certaines attitudes des acteurs par coeur.
Cimino, réalisateur majeur, indispensable.
La semaine dernière j'ai revu Le canardeur suivi d'un documentaire : super soirée.
Je savais que c'était l'un de tes films cultes. Parmi les tous premiers. Et je suis bien d'accord avec l'essentiel de ce que tu en dis.
RépondreSupprimerIl faut que je vois s'il est possible de rattraper le documentaire dont tu parles. Peu de temps en ce moment, mais je vais essayer quand même...