Quand Leto, son film, a été présenté à Cannes, Kirill Serebrennikov n'a pas été autorisé à quitter la Russie. "Notre histoire traite de la foi nécessaire pour surmonter ce contexte", a-t-il indiqué dans la note d'intention de ce long-métrage tourné vers la scène rock du Leningrad du début des années 90 ! Des artistes eux aussi pris dans un carcan...
Leto est par ailleurs un triangle amoureux, dont les pointes saillantes sont un guitariste déjà adulé par la jeunesse, sa femme et un rockeur plus jeune que le premier va plus ou moins prendre sous son aile. C'est après avoir vu le film que j'ai appris que ces protagonistes s'inspirent de personnages réels, Natalya Naumenko, au coeur du trio, ayant d'ailleurs écrit les mémoires qui ont servi de base au scénario. Les garçons, eux, sont morts en 1990 et 1991, l'un dans un accident de la route et l'autre dans des circonstances encore mystérieuses. Bref... le sujet du film n'est pas là, mais on sent bien que l'énergie propre à cette jeunesse est, sinon canalisée, au moins très surveillée.
"Ce qui m'a initialement attiré vers cette histoire, c'est son innocence et sa pureté", dit encore Kirill Serebrennikov (que je découvre juste). Chacun jugera de la force politique du film, mais c'est un rappel utile à la jeune génération, en Russie et ailleurs, quant à la fragilité même des sociétés libres. Sur la forme, Leto est une oeuvre d'une beauté indéniable, à mi-chemin parfois entre le cinéma classique et le clip. L'essentiel des images est en noir et blanc, mais quelques séquences utilisent la couleur, notamment quand quelqu'un filme dans le film. Cette esthétique m'a ponctuellement paru trop appuyée: je chipote. De fait, elle n'atténue pas la portée symbolique de ce long-métrage engagé et souvent engageant. Entre tubes chantés dans la langue russe et reprises de multiples grands standards anglo-saxons, la B.O. favorise l'immersion tant elle a fière allure. Vous me direz peut-être que c'est la moindre des choses. Oui, mais ça va mieux en l'écoutant !
Leto
Film russe de Kirill Serebrennikov (2018)
Le film est bon, utile, pertinent... mais il a manqué je-ne-sais-quoi pour m'emballer davantage. Enfin, si vous aimez le rock, je vois mal comment vous pourriez ne pas l'apprécier. Le tout m'a refait penser au Control d'Anton Corbijn, lui aussi tragique et porté par une photo impeccable. Et le contexte politique m'a évoqué Les chats persans ! Très clairement, on est ici loin d'un feel good movie à la Yesterday...
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Une précision si vous êtes intéressés...
Le film ne raconte peut-être qu'une partie de la vérité. Un personnage récurrent intervient face caméra pour relever qu'en réalité, les choses ne se sont pas déroulées comme les images peuvent le laisser penser. Une solution: taper "Mike Naumenko" et "Viktor Tsoï" dans Wikipédia.
Vous avez tenu à rester pour les rappels ?
C'est entendu: Pascale, Strum et Vincent sont déjà prêts à poursuivre.
Leto est par ailleurs un triangle amoureux, dont les pointes saillantes sont un guitariste déjà adulé par la jeunesse, sa femme et un rockeur plus jeune que le premier va plus ou moins prendre sous son aile. C'est après avoir vu le film que j'ai appris que ces protagonistes s'inspirent de personnages réels, Natalya Naumenko, au coeur du trio, ayant d'ailleurs écrit les mémoires qui ont servi de base au scénario. Les garçons, eux, sont morts en 1990 et 1991, l'un dans un accident de la route et l'autre dans des circonstances encore mystérieuses. Bref... le sujet du film n'est pas là, mais on sent bien que l'énergie propre à cette jeunesse est, sinon canalisée, au moins très surveillée.
"Ce qui m'a initialement attiré vers cette histoire, c'est son innocence et sa pureté", dit encore Kirill Serebrennikov (que je découvre juste). Chacun jugera de la force politique du film, mais c'est un rappel utile à la jeune génération, en Russie et ailleurs, quant à la fragilité même des sociétés libres. Sur la forme, Leto est une oeuvre d'une beauté indéniable, à mi-chemin parfois entre le cinéma classique et le clip. L'essentiel des images est en noir et blanc, mais quelques séquences utilisent la couleur, notamment quand quelqu'un filme dans le film. Cette esthétique m'a ponctuellement paru trop appuyée: je chipote. De fait, elle n'atténue pas la portée symbolique de ce long-métrage engagé et souvent engageant. Entre tubes chantés dans la langue russe et reprises de multiples grands standards anglo-saxons, la B.O. favorise l'immersion tant elle a fière allure. Vous me direz peut-être que c'est la moindre des choses. Oui, mais ça va mieux en l'écoutant !
Leto
Film russe de Kirill Serebrennikov (2018)
Le film est bon, utile, pertinent... mais il a manqué je-ne-sais-quoi pour m'emballer davantage. Enfin, si vous aimez le rock, je vois mal comment vous pourriez ne pas l'apprécier. Le tout m'a refait penser au Control d'Anton Corbijn, lui aussi tragique et porté par une photo impeccable. Et le contexte politique m'a évoqué Les chats persans ! Très clairement, on est ici loin d'un feel good movie à la Yesterday...
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Une précision si vous êtes intéressés...
Le film ne raconte peut-être qu'une partie de la vérité. Un personnage récurrent intervient face caméra pour relever qu'en réalité, les choses ne se sont pas déroulées comme les images peuvent le laisser penser. Une solution: taper "Mike Naumenko" et "Viktor Tsoï" dans Wikipédia.
Vous avez tenu à rester pour les rappels ?
C'est entendu: Pascale, Strum et Vincent sont déjà prêts à poursuivre.
Un film unique en son genre.
RépondreSupprimerTu n'évoques pas ces scènes incroyables de ce qui aurait pu arriver si tout cela se passait dans une démocratie.
Et celle où lors des concerts les jeunes sont surveillés par la police, interdits de taper des pieds etc...
Moi aussi je m'étais intéressée à la vraie vie de ces personnages sans liberté mais étonnamment joyeux.
Et la reprise magique d'une chanson d'Iggy Pop.
Et le réalisateur, interdit de Cannes, était assigné à résidence.
RépondreSupprimer@Pascale sur le film:
RépondreSupprimerC'est vrai que le film a quelque chose d'unique, sur la forme plus que sur le fond.
Vrai aussi qu'il y a des choses importantes que je n'ai pas racontées. Et des situations ubuesques !
Peut-être que je manque encore de culture rock pour le regarder avec le même regard que toi.
@Pascale à propos de Serebrennikov:
RépondreSupprimerExact ! Tu as bien raison de le signaler: cela rend le film d'autant plus important, à mon sens.
Vu à Cannes en d'autres temps :) Je suis d'accord avec Pascale, il y a des scènes incroyables qui m'ont complètement transportées. J'ajouterais celle de la plage et celle construite autour es pochettes de disque.
RépondreSupprimerContent pour toi que le film t'ait fait un tel effet, Vincent !
RépondreSupprimerPour moi, il y a vraiment mieux à faire sur le fond, mais oui, la forme est très soignée. Et je me souviens comme toi de la scène autour des pochettes de disque, il est vrai remarquable. Je ne sais pas vraiment ce qui m'a manqué pour "décoller" vraiment. Peut-être, comme je le disais, une culture rock plus étendue.
Hello Martin. Je suis carrément plus enhousiaste. Nous l'avions présenté à sa sortie lors de nos ciné-débats. Je pense que c'était un des meilleurs films de ces six années de ciné-club. Pascale a bien raison. A bientôt.
RépondreSupprimerHello Eeguab ! Je connais (un peu) ton goût pour les morceaux musicaux du film.
RépondreSupprimerPas étonné dès lors qu'il t'ait autant plu. J'aurais bien aimé t'entendre en parler !
J'ai beaucoup aimé ce film, plein de vie et d'énergie, très original dans certaines scènes, tout en faisant du beau cinéma classique dans d'autres, avec un regard très juste sur le milieu musical - la relation entre les deux musiciens est aussi intéressante que bien vue. L'histoire confirmera ou infirmera ce point de vue, mais je crois que c'est un grand film à sa manière à mon avis. Merci pour le lien, Martin !
RépondreSupprimerQuoiqu'il en soit, son origine russe joue pour lui, en un sens. Une découverte !
RépondreSupprimerJe ne suis pas très calé, musicalement parlant, et j'ignorais l'existence de cette scène à Leningrad.
Je ne crois pas avoir une grosse culture rock, mais la musique c'est celle de mon adolescence :)Ceci dit, pour en rester au film, c'est vraiment la mise en scène et la découverte de cet aspect de l'URSS qui m'a conquis.
RépondreSupprimerJe comprends parfaitement ton point de vue, Vincent. Et il y a vraiment de très belles séquences, dans ce film ! La découverte de cette facette de la vie soviétique m'a un peu moins ému que je n'avais imaginé dans un premier temps.
RépondreSupprimerMoi, j'ai découvert cette musique "en léger différé". Je n'en écoutais pas beaucoup, quand j'étais ado.