lundi 21 septembre 2020

D'intimes convictions

J'avais laissé passer The third murder au cinéma, mais une séance de rattrapage récente me permet de confirmer que Hirokazu Kore-eda est l'un de mes réalisateurs préférés. Avec ce film, le cinéaste japonais propose une réflexion sur la notion de justice et ses limites. C'est assez austère, c'est vrai, peu divertissant, mais très intelligent.

La première scène du film nous montre un homme en tuer un autre. Aussitôt après, on le retrouve en prison, en coupable idéal d'un crime qu'il a d'ailleurs avoué. La tâche de son avocat s'annonce délicate. Impossible ? C'est ce que semblent dire d'autres juristes, constatant que l'accusé a également tendance à changer sa version des faits. D'emblée, ce constat: rares sont les oeuvres de cinéma qui placent chaque spectateur dans la peau du témoin ET dans celle du défenseur. Sachant que le septième art est fait d'artifices, que faut-il croire ? Doit-on accorder à celui que tout accable le bénéfice du doute ? Autant de questions cruciales, a fortiori dans un pays comme le Japon où les criminels peuvent encore être condamnés à mort. Un sujet délicat qu'Hirokazu Kore-eda traite avec sobriété. Comme d'habitude.

The third murder
n'a rien d'un film moralisateur et "confortable". Face à ces images, déterminer UNE vérité n'est vraiment pas évident. Par petites touches, le film dévoile certains aspects de la société japonaise. C'est aussi en cela qu'il est intéressant, naturellement. Petite précision : il n'y a pas de personnage d'enfant, ce qui est rare chez Hirokazu Kore-eda, doué pour diriger de très jeunes acteurs. Avec cet opus original, j'ai le sentiment de le connaître mieux encore qu'auparavant et, dès lors, de l'aimer davantage. Oui, mon plaidoyer pour la (re)découverte de son cinéma est sincère: je vais m'efforcer de voir aussi l'ensemble de ses autres films que j'ai laissés de côté. Avant cela, bien sûr, je veux saluer la qualité de son travail et relever qu'ici, il est aussi monteur - une autre facette de son talent d'auteur. Évidemment, on est loin ici des popcorn movies, mais le cinéma réflexif, lui, est porté au plus haut. À voir en connaissance de cause !

The third murder
Film japonais de Hirokazu Kore-eda (2017)
Il faut sans doute un peu de temps pour accepter le rythme de ce film particulier, bien plus posé que la moyenne. Le prix de la satisfaction ! Difficile de trouver un équivalent occidental, mais voir ce Kore-eda avant ou après 12 hommes en colère pourrait s'avérer intéressant. Du côté du cinéma français, la justice nourrit aussi de grands films. Par exemple, je cite Le 7ème juré, Le juge et l'assassin, J'accuse...
 
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NB: mon film du jour a très peu marché en salles...

La blogosphère, elle, répond présent: vous pourrez donc le retrouver chez Pascale, Dasola, Princécranoir, Strum et Lui. Un beau tir groupé.

8 commentaires:

  1. Concernant les chroniques judiciaires filmées , j'ai un faible pour "Autopsie d'un meurtre" de Preminger qui aurait pu s'intituler d'ailleurs «  autopsie d'un système judiciaire » ou James Stewart toujours impérial affronte dans le prétoire un Georges C Scott impressionnant de brutalité , pour sauver la tête d'un Ben Gazzara au début de sa carrière. Le film censuré à l'époque , nous sommes en 59 , avait même posé des problèmes familiaux à Stewart , son propre père, avant de voir le film incognito, lui reprochant d'avoir joué dans un film jugé obscène. (je vous laisse découvrir la raison de cette opprobre, qui aujourd'hui paraît bien dérisoire....)

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  2. Bon choix et bonne appréciation !
    Comme vous le dites justement, "The third murder " n'a rien d'un film moralisateur. Ce ton permet à Kore-eda de poser des questions cruciales. Quant à la construction du film, le réalisateur, également auteur du scénario, place la barre assez haut. Dans un entretien, il a d'ailleurs conseillé de voir le film trois fois. Il est vrai que bien des choses s'éclairent lors de la seconde vision ( je l'ai vu deux fois), tant le propos est riche et la trame tortueuse. Par ailleurs, pour un drame judiciaire, ce n'est pas la moindre originalité de la part du cinéaste d'avoir donné plus de place aux scènes du parloir qu'aux scènes de la salle d'audience. Ce déplacement du lieu névralgique est une remarquable idée de mise en scène.

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  3. Un réalisateur majeur et un film vertigineux.

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  4. Hello Martin. Vu à sa sortie, apprécié mais nettement moins que les "histoires de famille" de HKE. ( Tel père, tel fils, Après la tempête, Une affire de famille). A bientôt.

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  5. @CC Rider:

    Merci pour cette piste de film ! J'ai vu passer "Autopsie d'un meurtre" sur l'une de mes chaînes d'abonnement, mais j'ai alors préféré ne pas le regarder tout de suite. S'il repasse, je fonce !

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  6. @Valfabert:

    Merci ! Je suis ravi que ma modeste analyse vous paraisse pertinente.

    Oui, la barre est effectivement placée assez haut. C'est peut-être un bon film à conseiller pour comprendre la notion de circonstances atténuantes, aussi.

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  7. @Pascale:

    Je suis doublement d'accord avec toi, sur ce coup-là !

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  8. @Eeguab:

    Hum... en fait, ce n'est pas un film aussi chaleureux que ceux que tu cites.
    Cela étant dit, je suis comme toi, pour le coup: je préfère les films familiaux d'Hirokazu.

    Question subsidiaire: quel sera mon prochain Kore-eda ? Peut-être l'un de ses premiers.
    Au passage, je dois dire que je suis ravi de te voir t'intéresser à ce réalisateur japonais. C'est rare !

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