On en a parlé récemment avec la sortie d'un polar roumain, mais c'est d'abord un film turc qui m'a appris qu'il existait une langue sifflée. Sibel, du (pré)nom de son héroïne, évoque la vie - plutôt ordinaire - d'une jeune femme vivant avec son père et sa soeur dans un village isolé des montagnes de la mer Noire. Pas une sinécure au quotidien...
Sibel est muette et ne s'exprime donc qu'en sifflements. Son handicap ne l'empêche pas d'être très active dans sa communauté, mais rares sont ceux qui la comprennent. Du coup, même si elle vient travailler aux champs comme les autres femmes, on dit d'elle qu'elle porte malheur et ne trouvera jamais un mari honorable. Pas malheureuse pourtant, Sibel oublie un peu sa solitude auprès d'une vieille dame laissée à l'écart du groupe et... en chassant le loup ! Jusqu'à un jour particulier où, au coeur de la forêt, elle est attaquée par un inconnu. Je vous encourage à découvrir la suite par vous-mêmes: les films turcs sont assez rares sur nos écrans pour ne pas saisir la chance d'apprécier celui-là, d'une qualité et d'une originalité incontestables. C'est aussi, je dois le dire, un (beau) récit d'émancipation féminine. "Sa trajectoire est celle d'une forme d'affranchissement": une citation des réalisateurs que j'ai pu dénicher dans le dossier de presse du film.
Çagla Zencirci et Guillaume Giovanetti vivent en couple et expliquent également que, d'après eux, il y a "des Sibel partout dans le monde". Précis dans le regard, ils évoquent "ces femmes confinées à un cadre" et auxquelles "la société inflige des limites". Je n'ai pas perçu Sibel comme un film militant, cela dit, mais davantage comme un portrait féminin, doublée d'une remarquable prestation d'actrice. Je précise que la comédienne, Damla Sönmez, n'est absolument pas muette ! Repérée par les cinéastes dans un film précédent, elle s'est investie dans le rôle au point de passer plusieurs jours dans le village choisi comme lieu de tournage et d'envoyer diverses vidéos d'elle sifflant pour convaincre qu'elle était effectivement le meilleur choix possible. Dans les faits, il lui aura fallu plusieurs mois pour bien se préparer ! Très objectivement, le résultat est probant, mais je voudrais insister sur le fait que son visage est, lui aussi, particulièrement expressif. Cela m'a frappé à la toute fin quand, au sens propre comme au sens figuré, Sibel relève la tête. Et à présent, pas question d'en dire plus...
Sibel
Film franco-turc de Çagla Zencirci et Guillaume Giovanetti (2019)
Vous l'aurez compris: je suis très content d'avoir "rattrapé" ce film sorti en salles en mars l'année dernière. Il est ma foi très accessible. Venu du même pays, et sur une thématique voisine, je vous suggère de (re)voir le superbe Mustang. Et je tiens encore à citer Wadjda parmi les plus beaux longs-métrages consacrés aux femmes libérées ! Sous nos latitudes, Brooklyn et Bande de filles, c'est pas mal aussi...
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Si, désormais, vous souhaitez lire un avis féminin...
Je ne peux que vous conseiller la lecture de ceux de Pascale et Dasola.
Sibel est muette et ne s'exprime donc qu'en sifflements. Son handicap ne l'empêche pas d'être très active dans sa communauté, mais rares sont ceux qui la comprennent. Du coup, même si elle vient travailler aux champs comme les autres femmes, on dit d'elle qu'elle porte malheur et ne trouvera jamais un mari honorable. Pas malheureuse pourtant, Sibel oublie un peu sa solitude auprès d'une vieille dame laissée à l'écart du groupe et... en chassant le loup ! Jusqu'à un jour particulier où, au coeur de la forêt, elle est attaquée par un inconnu. Je vous encourage à découvrir la suite par vous-mêmes: les films turcs sont assez rares sur nos écrans pour ne pas saisir la chance d'apprécier celui-là, d'une qualité et d'une originalité incontestables. C'est aussi, je dois le dire, un (beau) récit d'émancipation féminine. "Sa trajectoire est celle d'une forme d'affranchissement": une citation des réalisateurs que j'ai pu dénicher dans le dossier de presse du film.
Çagla Zencirci et Guillaume Giovanetti vivent en couple et expliquent également que, d'après eux, il y a "des Sibel partout dans le monde". Précis dans le regard, ils évoquent "ces femmes confinées à un cadre" et auxquelles "la société inflige des limites". Je n'ai pas perçu Sibel comme un film militant, cela dit, mais davantage comme un portrait féminin, doublée d'une remarquable prestation d'actrice. Je précise que la comédienne, Damla Sönmez, n'est absolument pas muette ! Repérée par les cinéastes dans un film précédent, elle s'est investie dans le rôle au point de passer plusieurs jours dans le village choisi comme lieu de tournage et d'envoyer diverses vidéos d'elle sifflant pour convaincre qu'elle était effectivement le meilleur choix possible. Dans les faits, il lui aura fallu plusieurs mois pour bien se préparer ! Très objectivement, le résultat est probant, mais je voudrais insister sur le fait que son visage est, lui aussi, particulièrement expressif. Cela m'a frappé à la toute fin quand, au sens propre comme au sens figuré, Sibel relève la tête. Et à présent, pas question d'en dire plus...
Sibel
Film franco-turc de Çagla Zencirci et Guillaume Giovanetti (2019)
Vous l'aurez compris: je suis très content d'avoir "rattrapé" ce film sorti en salles en mars l'année dernière. Il est ma foi très accessible. Venu du même pays, et sur une thématique voisine, je vous suggère de (re)voir le superbe Mustang. Et je tiens encore à citer Wadjda parmi les plus beaux longs-métrages consacrés aux femmes libérées ! Sous nos latitudes, Brooklyn et Bande de filles, c'est pas mal aussi...
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Si, désormais, vous souhaitez lire un avis féminin...
Je ne peux que vous conseiller la lecture de ceux de Pascale et Dasola.
Bonjour Martin. C'est un film intéressant en effet, un beau personnage qui relève la tête, c'est très juste. Bonne semaine.
RépondreSupprimerUne actrice magnifique et un beau film différent dans une contrée oubliée et inconnue. Un beau souvenir.
RépondreSupprimer@Eeguab:
RépondreSupprimerMerci à toi, l'ami. Je me disais que c'est typiquement le genre de films qui peut te plaire.
@Pascale:
RépondreSupprimerAh oui, l'actrice porte bien le nom de son personnage ! Je la reverrais volontiers.