vendredi 31 août 2018

La route incertaine

Avez-vous déjà entendu parler de The strange ones ? Sous ce titre original (traduit, en France, par Deux inconnus), un court-métrage s'était, en 2011, taillé une petite réputation dans le relatif anonymat des festivals. L'an passé, l'argument a été repris dans un film long ! J'ai pu le voir au cinéma, un peu avant ma récente coupure estivale...

Quelque part au beau milieu de l'Amérique profonde, Nick et Sam parcourent des kilomètres en voiture. Le premier a une trentaine d'années, le second n'est qu'un adolescent. Si quelqu'un parle avec eux de leur périple, les deux garçons expliquent qu'ils s'en vont camper entre frangins. Pourtant, nous, spectateurs, pressentons que la vérité n'est pas forcément si simple. Les premiers plans nous le suggèrent et, renforcés par le titre, ils nimbent tout de suite le film d'une aura de mystère, qui disparait petit à petit... et jamais complètement. Oui, The strange ones pose une énigme, sans la résoudre vraiment. Aussitôt après la séance, un court dialogue avec une autre personne dans la salle m'a permis d'exposer ce que j'en avais compris: le fait est pourtant qu'une heure plus tard, j'avais (presque) changé d'avis...

Ces interprétations multiples font tout le sel de The strange ones. Formellement, le film est impeccable, dans des lieux que l'on a pu voir dans d'autres films, familiers donc, mais pas réellement identifiés. Finalement, c'est comme si les personnages évoluaient dans le décor d'un conte: il y a une maison qui brûle, un restaurant posé sur le bord de la route, un motel sans client, une cabane en forêt, une grotte obscure, un terrain d'exploitation agricole et sa grange... des lieux symboliques que l'on visite tour à tour, sans trop savoir où s'arrêter. Les acteurs, eux, captent l'essentiel de notre attention: Alex Pettyfer m'a laissé imaginer mille choses, ce qui est d'autant plus remarquable avec peu de dialogues, mais la vraie révélation du film reste pour moi le jeune James Freedson-Jackson, excellent, qui m'a semblé surpasser son aîné en intensité... et en ambigüité ! Sur ce point, j'ai constaté que le film ne faisait pas l'unanimité, d'aucuns lui reprochant un côté artificiel ou, à l'inverse, trop léché. Je réfute les deux qualificatifs. Face à un ton aussi original, je n'ai pas envie de faire la fine bouche !

The strange ones
Film américain de Christopher Radcliff et Lauren Wolkstein (2017)

La nuit. En pleine nature. Une voiture, les phares allumés. Un homme au volant et un gosse sur la banquette arrière. Le tout premier plan m'a rappelé celui de Midnight special, mais la suite n'a rien à voir. Reste un film que j'ai donc aimé, parce qu'il nous fait bien gamberger et ne dévoile ses secrets qu'au compte-gouttes (et partiellement). Dans un tout autre style, c'est également la force de... Paris, Texas

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C'est avec plaisir que j'ajoute un lien à cette chronique...

Merci à Pascale: séduite par le film, elle m'a permis de le découvrir.

jeudi 30 août 2018

Ubu flic

Je me souviens parfaitement de ma satisfaction le jour où j'ai appris que Benoît Poelvoorde allait tourner un film avec Quentin Dupieux. J'imaginais qu'avec son humour toujours un peu limite, l'acteur belge serait comme un poisson dans l'eau dans l'univers du plus foldingue des réalisateurs français. Las ! J'avoue: Au poste ! m'a un peu déçu...

Presque toute l'histoire se déroule dans un commissariat de police. Apparemment, cela fait déjà plusieurs heures qu'un flic du genre zélé interroge un type, après que ce dernier a trouvé un cadavre au pied de son immeuble. Que s'est-il passé ? Vous en saurez plus à la fin. Autant vous le dire tout net: ça n'a strictement aucune importance. Fidèle à ses habitudes, l'homme derrière la caméra part dans un délire et nous offre du coup une longue série de scènes absurdo-loufoques. Est-ce parce que le décor ne change guère ? J'ai trouvé ça plan-plan. J'ai souri parfois, c'est vrai, mais j'ai aussi ressenti de la frustration. Parce que je m'attendais vraiment à quelque chose de plus "secoué"...

Je me suis raccroché aux acteurs. Benoît Poelvoorde est à son aise. Grégoire Ludig, à la fois témoin et premier suspect, pas mal du tout. Sous une improbable perruque à bouclettes blondes, Anaïs Demoustier fait quelques apparitions inutiles et drolatiques ("C'est pour ça..."). Derrière, on retrouve une galerie de personnages secondaires au look très "dupieuxien": un flic à oeil unique (Marc Fraize), un post-ado suicidaire jouant à la Game Boy (Orelsan), des gardiens de la paix plus ou moins futés (Philippe Duquesne, Jacky Lambert...), un agent d'entretien malade d'Alzheimer (Vincent Grass)... et quelques autres parmi lesquels, dès les premières images, un chef d'orchestre en slip. Au poste ! ne dure même pas une heure et quart, un temps suffisant pour proposer deux rebondissements impromptus en fin de métrage et une courte séquence post-générique. Et après tout, pourquoi pas ? Ce n'est pas parce que j'ai peu accroché que je déconseillerais le film.

Au poste !
Film français de Quentin Dupieux (2018)

Une dernière précision: mon ami Philippe, avec qui j'ai fait séance commune, a été assez séduit par le film. Ayant désormais vu trois des sept longs-métrages de Quentin Dupieux, je peux juste vous dire que j'ai préféré les deux autres (Rubber et Wrong). Je reste curieux de ceux que je n'ai pas encore découverts, mais sans courir après. Plonger dans la folie, d'accord... mais à petites doses: pas d'urgence !

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Et à présent, la parole est la défense...

Le constat va s'imposer: Pascale est bien plus enthousiaste que moi. Je vous laisse également consulter les avis de Dasola et Princécranoir. Arrivé, lui, un peu plus tard, celui de Benjamin en dévoile davantage.

mercredi 29 août 2018

Mal embarquée ?

Comme son nom l'indique, Fidelio - L'odyssée d'Alice nous propose de nous intéresser à un personnage féminin. Ledit personnage travaille dans un univers majoritairement masculin: celui de la marine marchande. La belle Alice est mécanicienne en second sur un cargo. Au début du film, elle quitte son copain pour une mission d'un mois...

Cette "inversion des rôles" est en fait l'occasion pour la réalisatrice d'éprouver la fidélité amoureuse de son héroïne, qui monte à bord d'un navire dont le commandant n'est autre que l'un de ses ex ! D'abord déterminée à ne pas commettre d'impair, la jeune femme finit par craquer et, entre deux réparations, elle cède donc à l'appel du désir. Je vous arrête tout de suite si vous pensez que ce récit correspond à un regard d'homme: le scénario est signé de la cinéaste elle-même, laquelle s'est même entourée de deux autres femmes. Après avoir envisagé de tourner un documentaire, Lucie Borleteau explique en avoir écrit une toute première version depuis la cabine d'un porte-conteneur qui l'avait accueillie comme simple passagère pour traverser l'Atlantique. Fidelio... est donc bel et bien une fiction documentée, qui revendique tant son réalisme qu'une certaine part d'imaginaire. En mer, de véritables marins ont pris part au tournage ! Logique, dès lors, que le bateau apparaisse comme un personnage. Bien que muet, il est l'incontournable témoin de la vie de l'équipage...

C'est bien cette gigantesque machine qui, du coup, occupe une place centrale - et cruciale ! - sur presque toute la durée du long-métrage. Pour autant, je ne voudrais pas vous laisser croire que les acteurs n'arrivent qu'au second plan. Au contraire: ils sont tous très bons. Sans surprise compte tenu de ce qui est raconté, Ariane Labed attire le plus la lumière: en bleu de travail ou pas, elle livre une prestation d'une vraie intensité, en évitant habilement le piège de l'exhibition. Les hommes, eux aussi, s'en tirent avec les honneurs: Melvil Poupaud campe un fier capitaine, quand le Norvégien Anders Danielsen Lie témoigne en peu de mots (et quelques dessins) d'une vulnérabilité assez touchante. Cerise sur le gâteau: on croise également ici et là des visages connus, comme ceux de Vimala Pons et Laure Calamy. Ouverte, la fin du film nous laisse imaginer d'autres campagnes. Fidelio... ne respire pas la joie de vivre, mais c'est une oeuvre honnête, qui dévoile petit à petit un intéressant portrait de femme. Et ce n'est certes pas tous les jours que l'on peut voir cela au cinéma !

Fidelio - L'odyssée d'Alice
Film français de Lucie Borleteau (2014)
J'ai bien aimé ce film, son histoire et sa façon de montrer la mer. Dans un genre plus musclé, vous aimeriez peut-être revoir Hijacking ou Survivre. Assurément, 9 doigts, le tout dernier huis-clos maritime dont j'avais fait écho jusqu'alors, navigue, lui, sur d'autres eaux. Avoir le pied marin et la tête cinéphile, ce n'est pas évident. Moussaillons, si vous voulez me dire un cap à suivre, je vous écoute !

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Tiens ! Le film va me servir pour le Movie Challenge...
Je vais en effet pouvoir cocher la case n°31: "C'est un film sensuel".

Pour conclure, vous voudriez peut-être un avis féminin...
Pas de souci: Pascale est là pour vous faire part de son point de vue.

mardi 28 août 2018

La vérité du son

Un seul acteur peut TOUT changer ! Quand John Travolta fut retenu pour le premier rôle de Blow out, le budget de ce que Brian De Palma avait conçu comme un petit film passa de 5 à 18 millions de dollars ! Ce qui n'a pas empêché cet opus de connaître un échec commercial. Bientôt quarante ans ont passé: il mérite peut-être d'être réhabilité...

Jack Terry est ingénieur du son à Philadelphie. Sa mission principale consiste à fournir des bruitages crédibles à des productions cinéma fauchées. Une fameuse nuit où il se promène à la recherche de sons nouveaux, le jeune homme est témoin d'un accident: sous ses yeux médusés, le chauffeur d'une voiture perd le contrôle et la machine termine sa course folle dans un étang. Ni une ni deux, Jack plonge pour secourir les occupants de l'habitacle et, in extremis, parvient simplement à en extraire Sally, une jolie fille du même âge que lui. Quelques heures plus tard, on lui apprend qu'un homme politique américain, favori des sondages pour la Présidence, est resté coincé dans la bagnole. En route pour une bonne heure et demie de thriller ! Pas forcément très original sur le fond, Blow out demeure toutefois un long-métrage efficace, assez réussi par ailleurs sur le plan formel. Je suppose que les amateurs du genre pourront y voir... un classique !

Quant à moi, j'ai aimé sa façon de s'intéresser aussi aux personnages secondaires, dressant du coup un tableau peu reluisant de l'Amérique. Pour l'anecdote, il paraît d'ailleurs que c'est justement cette vision sombre de la réalité qui a dérouté le public et la critique de l'époque. Sous la double influence de Coppola et d'Antonioni, Brian De Palma traçait son propre sillon, n'hésitant pas du même coup à "maltraiter" sa propre femme, Nancy Allen, peu à l'aise avec certaines contraintes du premier rôle féminin. Pire pour certains, le réalisateur eut l'audace d'aller jusqu'au bout de la noirceur, nous réservant une conclusion inattendue et atypique, le tout au cours des cérémonies de la Fête nationale américaine. L'effet de contraste était bien sûr saisissant. Les partisans du clan Reagan ont dû avaler leur popcorn de travers ! Maintenant, je vous (r)assure: on a déjà vu des brûlots plus violents. Blow out n'est pas ce que j’appelle un film politique au sens propre. Son contexte n'est au fond qu'un élément de décor. Seule la tension compte. Et le fait est qu'elle réside d'abord dans l'intrigue principale...

Blow out
Film américain de Brian De Palma (1981)

Un autre petit détail amusant: il fut un temps envisagé de faire appel à Olivia Newton-John pour incarner le principal personnage féminin. John Travolta et elle auraient ainsi reconstitué le tandem de Grease ! Finalement, après ce semi-échec, De Palma parvint à se redresser sans délai, avec un film-culte: Scarface (et Al Pacino, cette fois). J'avoue un faible pour L'impasse - un autre de ses films de gangsters.

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Bien sûr, les avis sur le film peuvent diverger...

C'est dire l'intérêt pour vous d'aller lire aussi Strum, Benjamin et Lui !

lundi 27 août 2018

L'île mystérieuse

Une liste de noms d'abord: Donald Sutherland, Vanessa Redgrave, Richard Widmark, Christopher Lee, Lloyd Bridges... c'est bel et bien pour ce casting que je me suis tourné vers Le secret de la banquise. L'affiche me laissait espérer que j'allais découvrir l'un de ces films d'action vintage qui font mon bonheur. J'étais un poil trop confiant...

Un groupe de scientifiques internationaux est missionné par l'OTAN pour mener des recherches sur Bear Island, une terre norvégienne perdue au beau milieu de la mer de Barents, à 74° de latitude nord. Aux rigueurs du climat s'ajoute une ambiance franchement tendue entre certains chercheurs, en profond désaccord sur les conséquences réelles de la fonte des glaces. Avons-nous affaire à un thriller écolo ? Que nenni ! Plus que comme poste d'observation climatique, les lieux explorés le sont aussi parce qu'ils pourraient abriter une vieille base de sous-marins allemands, datant de la seconde guerre mondiale. Désormais, vous aurez compris le titre du film, mais j'en termine là avec mon résumé: Le secret de la banquise cache un autre mystère. Chaque personnage peut-il en trouver la clé ? Le film vous répondra...

Bon... il faut bien admettre que je vous parle aujourd'hui d'un plaisir coupable. Si j'apprécie ce genre de spectacle, c'est pour le "voyage". Le secret de la banquise a le mérite de bien exploiter les possibilités offertes par son cadre naturel, constitué de grands espaces enneigés. Hostile, cet environnement représente à lui seul une vraie menace pour les protagonistes et on comprend rapidement que leur sécurité est un concept très aléatoire en de tels lieux ! L'absence d'effets spéciaux numériques vient ajouter à cela une couche d'authenticité appréciable, même si les grands acteurs que j'ai évoqués ci-dessus n'apparaissent pas toujours aussi investis que le scénario l'exigerait. Certains trouveront cela insignifiant, sans doute, mais les amateurs du genre verront le verre à moitié plein et préféreront donc s'amuser du côté old school de l'entreprise. Vous l'aurez compris: je me range dans le deuxième camp. Mais personne n'est obligé de me rejoindre...

Le secret de la banquise
Film britannico-canadien de Don Sharp (1979)

Vite vu, vite oublié, mais vivement apprécié sur le moment: je répète sans hésitation que ce genre de petits films démodés me convient. Dans un cadre fort différent, mais avec grosso modo le même état d'esprit, j'avais aimé Les grands fonds (et son autre casting en or). Certains disent que c'est Steven Spielberg qui a fini par avoir la peau des productions de ce type. J'y ai pensé: c'est bien possible, en effet !

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Une petite précision...
En France, le film a d'abord été enregistré sous le titre L'île des ours le 10 octobre 1979. Il a finalement été diffusé sous son titre définitif à partir du 19 décembre de la même année. N'allez pas le confondre avec Le secret des banquises (2016), un film avec Guillaume Canet !

samedi 25 août 2018

De retour !

Salut tout le monde ! Je suis revenu derrière l'écran ! Mes vacances s'achèvent et je vous annonce qu'après-demain, le jour de ma reprise au boulot, je compte aussi sortir Mille et une bobines de sa léthargie estivale. J'ai du retard à rattraper: du coup, mes futures chroniques s'enchaîneront quotidiennement, au moins tous ces prochains jours...

Comment allez-vous ? Je vais évidemment profiter de ce come-back pour enfin relire les blogs des uns et des autres, histoire de me tenir au courant des divers films et événements que j'aurais pu manquer. Sans attendre, vous pouvez bien sûr utiliser la section commentaires pour me livrer vos éventuels scoops et tuyaux: je suis déjà persuadé qu'ils me rendront cette rentrée plus agréable et je me réjouis d'avance d'avoir de vos nouvelles (liées au cinéma ou non, d'ailleurs). Quant à moi, je reprends le fil là où je l'ai laissé: on en discute lundi !

samedi 4 août 2018

Au repos...

Bugs Bunny sera mon messager aujourd'hui: cette courte chronique aura pour seul but de vous signaler... que je n'en écrirai plus d'autres avant trois semaines. La raison est simple: je suis en vacances. Bientôt sous d'autres cieux, je vais en profiter pour me déconnecter. J'aurai évidemment deux-trois choses à vous raconter à mon retour...

Mine de rien, cette brève annonce est le 138ème texte que je publie sur Mille et une bobines depuis janvier. Mon rythme de l'an dernier est presque préservé: en 2017, ma pause estivale était survenue après 139 chroniques. Je n'en fais pas mystère: battre des records m'intéresse moins que découvrir régulièrement de nouveaux aspects du cinéma et partager alors mes impressions, bonnes ou mauvaises. Je renouerai avec mes petites habitudes fin août / début septembre. Avant cela, je tiens à vous souhaiter à toutes et tous un très bel été !

vendredi 3 août 2018

Épris au piège

Cela peut surprendre: c'est avec l'aide d'une société de production allemande et de techniciens recrutés outre-Rhin que Jean Grémillon parvint à réaliser Gueule d'amour, film sorti en 1937. Les historiens du cinéma assurent que Jean Gabin a initié ce projet d'adaptation d'un roman signé André Beucler. Et ajoutent qu'il le regretta ensuite...

D'après ce que j'ai lu sur le site DVD Classik, l'acteur aurait été gêné d'exprimer une vulnérabilité pourtant proche de sa personnalité réelle. Désolé pour lui: dans ce registre inhabituel, je l'ai trouvé excellent ! Le titre du film est aussi le surnom donné à son personnage. Soldat de l'armée coloniale, le très charismatique Lucien Bourrache possède une telle aura auprès des dames qu'il paraît blasé de ses conquêtes féminines. Pourtant, un soir de permission, c'est lui qui entame le jeu de la séduction auprès d'une dénommée Madeleine Courtois. La belle accepte de passer la soirée avec lui... et c'est presque trop facile. Illusion trompeuse, en effet: le pseudo-conte de fées tourne court quand, raccompagnée chez elle, l'improbable Cendrillon claque la porte au nez du Prince charmant. Lequel s'accroche néanmoins et refuse d'abandonner son doux rêve d'une vie à deux, une fois démobilisé. Inutile que je dise ce qui se passe alors: vous pourriez m'en vouloir...

Une chose est sûre: le duo Jean Gabin / Mireille Balin est impeccable. Pour être honnête, je dois vous dire que je découvre cette actrice d'avant-guerre, qui eut la mauvaise idée d'entretenir une liaison amoureuse avec un Autrichien dans les années 40 et dont la carrière fut brisée à la Libération (il n'est pas exclu que j'en reparle un jour). Bien... je ne veux pas résumer Gueule d'amour à l'indéniable talent de ses deux interprètes principaux: ce serait particulièrement injuste pour le reste de la distribution et notamment pour René Lefèvre. Parfait dans le second rôle masculin, il emmène le récit sur sa pente tragique, avec juste ce qu'il faut d'ambiguïté pour garder une part d'ombre. D'un point de vue formel, tout cela m'a paru encore magnifié par quelques plans obliques très bien construits et la splendide photo noir et blanc du maître allemand Günther Rittau. Un émerveillement ! C'est bien simple: je ne vois rien pour tempérer mon enthousiasme. Tout cela devrait me motiver à me tourner toujours plus ouvertement vers le cinéma de cette époque lointaine. J'ai tellement à découvrir...

Gueule d'amour
Film français de Jean Grémillon (1937)
J'ai découvert ce cinéaste en début d'année et j'en suis donc ravi ! L'index des réalisateurs vous orientera vers deux autres de ses films. Passée cette "mini-rétrospective", vous serez peut-être intéressés par une petite comparaison avec d'autres longs-métrages: je pense notamment à Le jour se lève (avec Jean Gabin toujours). Le cinéma des années 30 est encore trop peu présent sur ce blog. Ça changera...

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D'ici là, vous voulez en savoir plus ?
Deux options (au moins) s'offrent à vous: aller lire la chronique de Lui ou plutôt retenir celle de Strum. Le mieux serait... de faire les deux !

jeudi 2 août 2018

Petite fille afghane

Je ne sais plus vraiment pourquoi, mais j'avais renoncé à mon envie d'aller voir Parvana - Une enfance en Afghanistan. C'est ma maman qui l'a réveillée quand, au cours d'une visite chez moi, elle a proposé de retenir ce choix pour nous offrir une séance de cinéma dominicale. Je lui en sais gré: ce très beau film d'animation valait bien le détour !

Adapté d'un roman de l'auteure canadienne Deborah Ellis, ce dessin animé s'articule autour d'une petite fille de Kaboul, en 2001. La ville est alors sous la coupe des Talibans, ces islamistes si extrémistes qu'ils imposent à tous un régime basé sur l'arbitraire le plus aveugle et dénient aux femmes la quasi-totalité des droits fondamentaux. Parce que son père, pourtant handicapé, a été arrêté par une milice et jeté en prison, la gamine se retrouve presque condamnée à mort. Comme sa mère et sa soeur, elle n'a même pas l'autorisation de sortir de sa maison pour simplement acheter de quoi nourrir les siens ! Cette destinée est sans doute encore celle de milliers de femmes afghanes aujourd'hui... et je ne vous parle même pas de la condition féminine dans d'autres régions du monde. Il est en fait "confortable" de prendre une leçon d'histoire et réfléchir à ce sujet face à un écran de cinéma. N'empêche: Parvana... n'a rien d'un produit édulcoré. C'est même, tout au contraire, un film puissant sur une situation dramatique. Et un récit qui préserve la dignité de ses protagonistes...

Je tiens à ne pas trahir de secret, mais je veux quand même signaler qu'en fait, le long-métrage est presque composé de deux oeuvres distinctes. En plus de suivre les pas de l'enfant, nous allons découvrir avec elle la tradition orale de son pays: un conte est en effet imbriqué dans le fil narratif principal et, à l'image, présenté sous une forme quelque peu différente. À première vue parallèles, les deux trames paraissent vite pouvoir se rapprocher ou même se rejoindre. Conséquence logique de cet état de fait: l'émotion est démultipliée. Désolé si je me répète: Parvana... est vraiment un très beau film. Faut-il le montrer aux enfants ? Je ne sais pas vraiment répondre. D'après ce que j'ai lu, les premiers mômes qui ont pu le découvrir n'étaient pas tristes après la projection, ayant en fait accueilli le récit en toute innocence - contrairement aux adultes, finalement "plombés" par leur connaissance du sujet ainsi exposé. Que ces considérations ne vous privent surtout pas de l'opportunité d'une sortie en famille ! Après coup, il sera toujours temps de repenser à la réalité des faits...

Parvana - Une enfance en Afghanistan
Film irlandais de Nora Twomey (2017)

Ma maman, mon papa venu aussi, moi... nous avons tous apprécié. Je donne au film la nationalité de sa réalisatrice, mais il a également des producteurs canadiens et luxembourgeois. Vous dire maintenant que son scénario est très proche de celui d'Osama, le seul film afghan évoqué sur ce blog. Dans la même veine, je vous conseille Mustang ou, plus optimiste, Wadjda. Vos suggestions sont ici les bienvenues !

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Un petit mot sur l'auteure du livre...
Deborah Ellis a en fait déjà écrit quatre romans autour de Parvana ! Elle fait partie des soutiens de Women for women, une association qui contribue notamment à l'éducation des femmes et jeunes filles afghanes réfugiées au Pakistan. Son site: www.womenforwomen.org.

Maintenant, si vous cherchez à lire d'autres avis...

Je suis sûr que ceux de Pascale et Dasola pourraient vous intéresser.

mercredi 1 août 2018

Une vie de femme

Bigre ! Après dix ans de cinéma "seulement", l'admirable Meryl Streep avait déjà reçu deux Oscars et deux Golden Globes quand on la choisit pour interpréter Susan Traherne dans Plenty. C'est elle qui m'a attiré vers ce film dont je ne savais rien. Son jeu y est très convaincant. Cela pourrait même être ce que ce long-métrage a de mieux à offrir !

L'histoire commence en France, lors de la seconde guerre mondiale. Anglaise, la femme que le scénario va nous proposer d’accompagner travaille pour la Résistance. Une nuit, en plus des munitions reçues par colis parachutés, elle récupère un compatriote en mission secrète. Le duo est à deux doigts d'être arrêté par une petite troupe de soldats allemands, mais il parvient finalement à s'échapper. Une scène tendre plus loin, les événements se précipitent et les amants éphémères doivent donc se séparer, sans avoir eu le temps de se dire au revoir. La suite ? Elle se passe dans un port de Belgique, une fois la paix revenue. Ce n'est en fait que la première étape d'un parcours de vie étonnant, dont le bon suivi vous demandera une attention soutenue. Plenty est audacieusement mis en scène, à grand renfort d'ellipses temporelles. Seul l'écho de quelques événements historiques réels pourra vous tenir lieu de calendrier: aucune date n'apparaît à l'écran. Autant vous signaler qu'au début, j'ai eu un peu de mal à m'y faire. Ensuite, une fois habitué, je me suis en quelque sorte "pris au jeu"...

Puisque la caméra ne lâche pas Meryl Streep, le mieux est de la suivre et de se laisser guider, sans état d'âme. À dire vrai, j'ai été étonné par la tonalité générale du film: ainsi que mes photos d'aujourd'hui peuvent vous l'avoir suggéré, Susan Traherne voit son existence traversée par plusieurs hommes (et pas toujours pour le meilleur). Finalement, même si les échanges affectifs ont du bon, les relations humaines lui imposent un carcan dont elle veut surtout s'affranchir. Le souci étant que, dans les années 50-60, être une femme libérée n'est pas si facile - ou en tout cas beaucoup moins qu'à notre époque. C'est vrai aussi qu'avec ce que nous savons des idées de son actrice principale, Plenty ne surprend pas tout à fait dans cette position d'avant-garde: il n'en constitue pas moins un portrait intéressant, nuancé et de fait assez dur, le fort désir d'émancipation de l'héroïne la conduisant régulièrement à ne tenir compte de personne. Notez qu'entre Charles Dance, Sam Neill, Ian McKellen et Sting, les rôles masculins échoient toutefois à d'excellents comédiens. Plaisir doublé !

Plenty
Film américano-britannique de Fred Schepisi (1985)

Pas d'erreur: je suis content d'avoir vu ce film rare et je l'ai apprécié. Dieu sait ce que cela aurait donné sans Meryl Streep, mais j'insiste pour dire que la star est vraiment à son aise dans ce rôle complexe. Pour voir une autre femme batailler, je vous recommanderai Respiro ou Portrait de femme (dans un genre à chaque fois très différent). Ensuite, pour être complet, je resterai à l'écoute de vos suggestions !