vendredi 20 octobre 2017

Complices

Le film d'aujourd'hui démarre comme un Woody Allen: le générique s'inscrit en caractères blancs sur fond noir, accompagné d'un standard du jazz que les initiés identifieront peut-être (It's only a paper moon). Sous son titre français, La barbe à papa cache une sucrerie cinéma que j'ai découverte il y a peu grâce à Arte... et avec un grand plaisir !

Dans un village de l'Amérique dite profonde, la petite Addie Loggins vient de perdre sa maman. Un type inconnu de passage dans le coin rend un drôle de dernier hommage à la défunte et emmène la gamine avec lui pour la conduire chez sa tante, un ou deux États plus loin. Rapidement, le scénario révèlera sa vraie nature: celle d'un arnaqueur à la petite semaine, dont la protégée deviendra alors... la complice ! Malgré la (relative) immoralité de cet argument, La barbe à papa avance comme l'un de ces road movies tendres et jubilatoires qui font le sel du cinéma américain. S'il est venu trop tard pour être l'étendard de l'âge d'or hollywoodien, le long-métrage recèle aussi d'un soupçon de cette mélancolie à laquelle je suis si sensible. Il s'inscrit d'ailleurs dans le cadre historique de la Grande Dépression, avec une empathie pour les petites gens qui peut rappeler les romans de John Steinbeck. L'intrigue ne serait pas vraiment transposable dans la vieille Europe...

Je crois aussi que le film ne serait pas le même avec d'autres acteurs que le formidable duo Ryan / Tatum O'Neal. Je serais prêt à parier que le père et la fille se sont bien amusés à se donner la réplique. Incontestablement, le lien filial qui les unit de fait dans la "vraie vie" apporte un supplément d'âme au film, qui suggère bien sûr qu'il existe également entre les deux protagonistes, mais ne le confirme jamais. Moses Pray pourrait n'être qu'un papa de substitution: la dynamique du tandem serait, elle, strictement identique. Elle s'avère si efficace que la jeune actrice fut nommée à l'Oscar du meilleur second rôle féminin et... en devint la plus jeune lauréate, à dix ans seulement. J'ajoute que, pour mon plus grand bonheur, les quelques personnages secondaires sortent du lot et ajoutent à l'émotion. La barbe à papa est enfin une grande réussite formelle, portée par un noir et blanc d'une incroyable beauté. Grands et petits l'apprécieront pareillement !

La barbe à papa
Film américain de Peter Bogdanovich (1973)

Dans ce qu'il dit de la relation entre un homme et une môme, le film annonce presque les somptueux Paris, Texas et Un monde parfait. Le fait qu'il se déroule sur les routes y est pour beaucoup, of course. Oui, cette improbable escapade est un vrai cadeau, qui m'a laissé souriant et un peu nostalgique aussi. La toute fin, c'est du bonheur. Du même réalisateur, je recommande vivement La dernière séance !

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Vous aimeriez rouler encore un peu ?

Bonne nouvelle: c'est possible, grâce notamment à "L'oeil sur l'écran". 

12 commentaires:

  1. Ah je sais qu'il est passé récemment sur Arte et j'ai donné ma préférence à un autre film. Je l'ai vu à sa sortie et n en garde que quelques images. Dommage. Il faut dire que le titre français n'incite pas à se précipiter... j'aurais du faire confiance à Arte qui diffuse rarement des niaiseries.

    J'admire ta capacité à faire des liens entre les films.
    Un monde parfait est mon préféré de Clint (la route de madison étant hors compet').

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  2. Le titre original est Paper moon qui incite plus à la découverte.
    Maudite traduction.

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  3. @Pascale 1:

    C'est dommage, oui. Dois-je en déduire que tu n'as rien pour enregistrer les films ?
    Le titre français trouve une explication (visuelle) dans l'une des belles scènes du film.

    "Un monde parfait" est un grand film. Il faut que je me décide à en parler !

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  4. @Pascale 2:

    "Paper moon" est un joli titre, c'est vrai.
    Il correspond joliment à l'affiche du film et à la chanson du générique.

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  5. En effet je n'enregistre jamais.

    Un monde parfait n'est pas loin du film parfait.

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  6. Ah, évidement, dans ces conditions, tout était réuni pour que tu loupes le film.

    Nous sommes d'accord sur "Un monde parfait".
    Ce n'est pas mon Clint préféré, mais... nous en reparlerons un jour.

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  7. Je crois que ça se joue entre "Impitoyable" et "Sur la route de Madison".
    On peut d'ailleurs continuer à en parler sous leur propre chronique, si tu veux.

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  8. Ca fait un moment que je voulais le voir, flûte, j'ai beau scruter le programme télé, je l'ai loupé.

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  9. Quel dommage ! C'est un film qui ne passe pas souvent à la télé, me semble-t-il.
    J'espère toutefois que tu auras l'occasion de le voir un jour. Sa tendresse devrait te faire fondre.

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  10. Je l'avais découvert sur une chaîne ciné et je suis d'accord avec toi, ce film vaut le coup d'être vu même s'il est en N&B (voir ta réflexion sur le N&B qui est très pertinente)

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  11. N'est-ce pas ? C'est l'un de mes gros coups de coeur récents.
    Un grand merci pour ce que tu dis de la pertinence de ma chronique suivante !

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