samedi 6 décembre 2014

Le violoniste

Je me pose une question: l'ambition formelle peut-elle faire obstacle au vrai cinéma de divertissement ? Je ne vois aucune raison objective pour penser que les artistes du septième art feraient mieux de brider leurs élans créatifs pour mieux toucher le plus large public. Je note pourtant que quelques critiques ont reproché à Poulet aux prunes d'être trop prolifique côté style. Reprenons les choses à leur début...

Poulet aux prunes, c'est en premier lieu le titre d'une bande dessinée, couronnée du Prix du meilleur album au Festival d'Angoulême 2005 - excusez du peu ! Son auteur est une femme française: Marjane Satrapi, née en Iran en 1969, remarquée déjà pour son tout premier opus, Persepolis, publié, lui, en quatre tomes entre 2000 et 2003. Vous suivez ? Poulet aux prunes devient un film en 2011. Sur une heure et demie d'images, il garde quelques minutes seulement pour une scène d'animation, mais fait pour l'essentiel appel à des acteurs en chair et en os. Vous avez reconnu Mathieu Amalric ? Parfait ! De dos, c'est Maria de Medeiros. Et il y a aussi d'autres têtes assez connues: Édouard Baer, Isabella Rossellini, Jamel Debbouze, Chiara Mastroianni, Golshifteh Farahani... et j'en oublie, assurément.

Ce que ça raconte ? L'histoire (fictive) de Nasser Ali Khan, un Iranien des années 50, prodige du violon. On le découvre dans un moment terrible: quelqu'un a détruit son instrument ! Le pauvre soliste cherche vainement un remplaçant à son "compagnon", mais constate alors qu'il n'éprouve plus aucun plaisir à jouer. Après avoir écarté quelques projets de suicide, il décide donc de... se laisser mourir. Sans trahir de grand secret, car c'est annoncé après un quart d'heure environ, notre mélancolique ami va au bout de ses idées noires. Poulet aux prunes égraine alors les huit derniers jours d'une vie d'artiste. L'occasion d'un bilan, entre règlements de comptes tardifs et flashbacks sur un passé franchement révolu. Je vais ajouter quelque chose qui pourrait vous surprendre: parfois, c'est très drôle !

Poulet aux prunes est en fait un patchwork filmique. Il m'a fait passer par plusieurs émotions, plus ou moins intenses. J'en reviens maintenant à mon interrogation initiale. Il est vrai que le film mise allégrement sur des moments burlesques et de grands élans mélodramatiques, en passant par une parodie de sitcom américaine. Ajoutez-y, entre autres, un mini-dessin animé: ça fait beaucoup. Maintenant, j'ai envie de dire: oui, et alors ? Les salles obscures diffusent suffisamment de productions ordinaires et stéréotypées ! Pourquoi bouder ce qui est "copieux" ? La critique professionnelle salue souvent l'inventivité d'un Wes Anderson ou, à un degré moindre certes, d'un Jean-Pierre Jeunet ou d'un Michel Gondry. L'imagination de Marjane Satrapi me réjouit tout autant. Même en "carton-pâte"...

Côté scénario, c'est un autre débat: mon enthousiasme pour le film est sincère, mais il ne me conduira pas à affirmer que l'histoire elle-même est ébouriffante d'originalité. Il est ici question d'amours contrariées, pour l'art bien sûr, mais aussi pour les gens - un thème ultra-classique du cinéma et de l'expression artistique au sens large depuis, je crois, ses débuts. Si Poulet aux prunes a su m'embarquer dans son récit, c'est aussi sans doute via son petit côté "exotique". J'ai craint quelques minutes que le décor iranien freine mon empathie pour les personnages, faute de mieux connaître l'histoire de ce pays. Heureusement, ç'a n'a finalement pas été le cas: nul besoin finalement d'être très érudit. Rassurés ? Je vous laisse donc découvrir la suite et le pourquoi de ce très joli titre qu'est Poulet aux prunes...

Poulet aux prunes
Film français de Marjane Satrapi et Vincent Parronaud (2011)

Quatre ans avant cette petite merveille, le même duo avait cosigné l'adaptation cinéma de Persepolis - 100% en animation, cette fois. Marjane Satrapi a des talents multiples, puisqu'elle est aussi peintre et musicienne. Ses oeuvres graphiques ont clairement un côté politique, ce qui fait d'elle une vraie ambassadrice de son pays d'origine. Il y a aussi un peu d'Iran sur ma page "Cinéma du monde".

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Avis aux amateurs ou aux nouveaux convertis...

Le film va être rediffusé sur Arte, mardi prochain, à 13h30.

Peu d'avis chez mes p'tits camarades, mais...
"L'oeil sur l'écran" en parle en bien. "Sur la route du cinéma" aussi.

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