samedi 20 juillet 2013

Leçon de suspense

C'est devenu une blague habituelle avec mes amis: facile, le jeu consiste à citer un classique que je n'ai pas déjà vu et à se moquer gentiment de cette grossière lacune. Je souris d'autant plus volontiers que je suis heureux d'avoir de larges pans de cinéma à découvrir. Maintenant, ce qui est difficile, c'est de donner un avis intéressant sur un film dont d'autres ont déjà parlé auparavant. J'essaye aujourd'hui avec Frenzy, l'avant-dernier Hitchcock, que j'ai de fait vu pour la première fois dans le cadre d'un cycle Arte, il y a tout juste quelques semaines. C'était une bonne raison de se coucher tard...

Ma - toute relative - connaissance des films du maître du suspense me laisse pour l'heure une impression mitigée. Je dirais humblement que, sur moi, Frenzy est un long-métrage qui "fonctionne". J'y vois une leçon de suspense, justement, après avoir lu une définition exacte de ce mot si souvent accolé à Hitch. Un bon suspense ferait naître le frisson non pas de la peur de l'inconnu, mais au contraire d'une parfaite connaissance de l'enjeu du film et de l'empathie développée pour le personnage principal, victime potentielle incapable de voir venir ce qui risque de lui arriver. L'illustration est parfaite dans le cas présent. Le scénario tourne d'abord autour d'un assassin de femmes, identifié assez rapidement - et ce au cours d'une scène d'une violence d'allure presque pornographique, libération des moeurs oblige. L'intrigue concerne alors un autre homme, que la société verrait bien en coupable idéal, mais qui n'est au fond rien d'autre qu'un pauvre type, vierge de tout acte répréhensible. La force du film tient aussi au fait que ce bouc émissaire n'est pas des plus aimables.

En un mot comme en cent, l'ami Alfred nous balade et n'hésite jamais à parsemer de cadavres la tortueuse route qu'il nous fait emprunter. La sortie n'est pas une promenade d'agrément, loin de là. Impossible alors de ne pas saluer la justesse du choix du lieu de tournage: revenu de son périple aux States, Hitch livre ici l'ultime opus de son cinéma londonien - et le cadre de la mégapole britannique cadre parfaitement au sujet développé, crédibilisant l'idée que chacun de nous dissimule peut-être d'inavouables secrets. Comme son titre l'illustre également parfaitement, Frenzy est un grand film paranoïaque, qu'un artiste fou ne renierait pas forcément. Fait notable: c'est également un film dépourvu de toute star, Michael Caine ayant dit non à un rôle prévu pour lui. C'est très bien ainsi: parce que, même s'ils jouent tous parfaitement bien, les acteurs n'ont guère de charme, on s'identifie d'autant plus et on prend un plaisir vaguement coupable à contempler ces images malsaines. Et pour finir, on en vient à savourer, cerise amère sur le gâteau empoisonné, une so British dose d'humour noir.

Frenzy
Film britannique d'Alfred Hitchcock (1972)

On dirait qu'après avoir pris un malin plaisir à malmener ses actrices dans ses classiques plus anciens, le maître anglais s'amuse à achever l'ensemble de sa distribution sous le fiel d'une misanthropie galopante. À conseiller à un public averti, comme on le dit parfois ! Les âmes sensibles se tourneront plutôt vers d'autres options. Faites donc un tour dans mon index des réalisateurs pour mieux choisir...

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