dimanche 18 avril 2010

De retour à Wonderland

Parier sur l'idée du plaisir à quitte ou double: c'est un peu ce que j'ai le sentiment de faire à chaque fois que je découvre un film, ancien ou nouveau, de Tim Burton. Avec le recul, je dirais que le cinéaste américain m'a sans doute au moins autant enthousiasmé que déçu. Sans avoir vu tous ses films, je crois savoir et pouvoir dire qu'il en a réalisé de superbes, mais aussi qu'il a commis deux ou trois erreurs de parcours, à la limite d'ailleurs de la faute de goût. C'est d'autant plus surprenant que le futur président du Festival de Cannes a clairement une inspiration très marquée, un univers à lui qu'il sera d'ailleurs peut-être intéressant de chercher sur la Croisette prochainement. En attendant, il me semble évident qu'avant même de sortir, sa version d'Alice aux pays des merveilles était, buzz oblige, promise au succès. En termes cinématographiques, j'ose supposer que le monde "burtonien" est vraiment raccord avec celui de Lewis Carroll. N'ayant pas encore découvert les romans, j'ai retrouvé dans cette version un certain nombre d'éléments aperçus chez Disney. Des souvenirs de l'âge tendre qui remontent ainsi doucement à la surface: ce n'est pas, je crois, un véritable handicap pour savourer une production moderne, bien au contraire. Encore faut-il retrouver son âme d'enfant et/ou revivre des émotions analogues, sans être identiques, à ce qu'elles étaient alors. Je dois admettre cette fois y être parvenu, mais seulement partiellement.

Vous connaissez l'histoire ? Je crois qu'une petite mise à jour s'impose. Pour Tim Burton, Alice n'est plus une petite fille, mais bien une adolescente de bonne famille... à quelques jours de ses noces. Dans l'Angleterre victorienne, la jolie demoiselle n'a évidemment guère voix au chapitre. Le film débute quand, devant une kyrielle d'invités prestigieux, son fiancé forcé lui fait sa - piètre - demande en mariage. Comment sortir de ce pétrin ? Mais en suivant un lapin habillé en complet veston, montre gousset à la ceinture, aussi blanc que pressé ! Quelques bonds et le rongeur conduit Alice à l'écart: loin des yeux de la collectivité, la jeune femme finit (inévitablement !) par tomber dans un trou et se retrouve dans un autre monde, différent bien sûr et en fait le plus étrange qui soit. Alice au pays des merveilles développe alors l'essentiel de son argument. Une fois que l'héroïne a su établir son identité, elle attire la confiance aveugle de ses nouveaux compagnons et, mieux que ça, suscite leurs espoirs. Si je n'avais pas peur d'être jugé pour hérésie, je la présenterais volontiers comme... une Jeanne d'Arc anglaise ! L'environnement qu'elle découvre, Wonderland, subit en effet la tyrannie de la Reine rouge, despote hystérique et joueuse de croquet. Coupez-lui la tête ! Sa réplique favorite illustre parfaitement le caractère épouvantable de la monarque, par ailleurs usurpatrice du trône. La couronne, c'est sa soeur, une Reine blanche un peu nunuche et non-violente, qui devrait légitimement la détenir. Vous aurez certainement compris qu'Alice, bon gré mal gré, va devoir mettre de l'ordre dans tout ça...

Je ne développerai pas plus avant la manière dont elle y parviendra (ou pas). Ce qu'il faut dire sans plus attendre, c'est qu'Alice aux pays des merveilles est une grande réussite visuelle. Notons également tout de suite, pour évacuer la question, que bien que visible en 3D dans les salles équipées, le film n'y gagne pas grand-chose, n'ayant visiblement pas été d'emblée conçu dans cet esprit. Bref. Sur l'aspect purement graphique de la chose, on peut toutefois dire sans hésiter que Tim Burton ne déçoit pas. Il est même franchement très agréable de découvrir sa vision des personnages de Lewis Carroll: Chapelier fou, Lièvre de Mars, Tweedledum et Tweedledee, ils sont tous là ! D'autres encore complètent un casting qui, dans sa partie humaine, assure bien le coup. Pour les yeux et l'ambiance, le long métrage est un véritable régal ! Malheureusement, c'est sur l'aspect scénaristique qu'il est moins bon qu'espéré: désormais sous la coupe du studio Disney, et même si visiblement consentant, notre ami réalisateur semble désormais se contenter de mettre en images, sans apporter ses propres codes et références. Résultat: de la couleur, du sucre aussi bien sûr, de la belle ouvrage, en somme... mais assez peu d'émotions. N'allons pas clouer l'ensemble au pilori: il y a objectivement de très belles choses dans ce film. Je ne regrette pas de l'avoir vu, a fortiori parce que c'était sur un écran de cinéma. Maintenant, de là à en faire un classique, même de son auteur, il y a un pas. Un constat, tout de même: depuis la séance, j'ai envie de lire les bouquins et de revoir le dessin animé. C'est bon signe, j'imagine.

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