jeudi 30 juillet 2009

Drame américain à huis clos

On connaît généralement Elia Kazan pour Un tramway nommé désir ou peut-être A l'est d'Eden. Le tout premier film que j'ai découvert du réalisateur américain, c'était, il y a quelques jours, Les visiteurs. Rien à voir avec ceux de Jean-Marie Poiré. Ceux-là datent de 1972. Ils sont les "héros" d'un huis clos envoûtant. L'intrigue de départ ? Assez banale ici: au coeur de l'hiver, un couple et son bébé mènent une vie ordinaire dans un coin perdu des Etats-Unis. Arrivent alors deux hommes, comme sortis de nulle part. Le spectateur se demande qui ils sont au juste, découvre rapidement qu'ils connaissent le mari, et finalement qu'ils ont - comme lui - combattu dans l'armée américaine lors de la guerre du Vietnam. Reste à savoir ce qu'ils sont venus faire chez leur ancien compagnon d'armes, et pour ça, il faudra se montrer un peu plus patient. Comme il se trouve que c'est aussi l'argument premier du scénario, je n'en dirai pas davantage. D'ailleurs, je suis moi-même parti avec presque aussi peu d'infos...

Ne vous attendez pas à rire ! Les visiteurs version Kazan n'ont rien de la faconde de Godefroy de Montmirail, ni de l'impertinence loufoque de son compère Jacquouille la Fripouille. Plutôt qu'un film comique, c'est une tragédie classique qui se déroule sous nos yeux. Unité de temps: une journée, unité de lieu: la maison du couple, unité d'action: un danger qui plane dans l'air, sans que l'on sache vraiment, au départ, de qui et comment il va venir. Pour donner corps à cette histoire, l'homme derrière la caméra a choisi un style très dépouillé, des investissements techniques fort limités. Choix pertinent, le grain de l'image et l'ambiguïté de certains plans ajoutant beaucoup à l'ambiance tendue née du scénario. Inconnus pour la plupart, à l'exception d'un James Woods débutant, les acteurs sont eux aussi très bons et nous permettent de mordre à l'hameçon.

En un mot comme en cent, j'ai vraiment apprécié Les visiteurs. J'ai remarqué après coup que c'était, avec Les parapluies de Cherbourg et Le crabe-tambour, le troisième des films que j'ai vus récemment qui parle de la guerre sans vraiment la montrer. Il me faut signaler ici qu'encore une fois, aspect intéressant, le cinéma apporte ainsi des impressions et sentiments autrement que par l'image. Relativement oppressant, ce huis clos très maîtrisé est sans doute plus expressif que ne le serait un déchaînement d'effets visuels modernes. Elia Kazan nous fait entrer dans son histoire par touches successives et parvient, avec seulement cinq personnages, à faire réfléchir et frémir, en somme à faire réagir. Il est aussi intéressant de (re)voir ce film maintenant, presque quarante ans après qu'il a été tourné. C'est l'avant-dernier de son auteur ! Par ailleurs, c'est aussi le tout premier long métrage américain à évoquer ce qui s'est passé au Vietnam, sur un ton qui n'a absolument rien de patriotique. Aujourd'hui, le septième art est beaucoup plus explicite. Une preuve supplémentaire qu'il n'y gagne vraiment pas à tous les coups...

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