mercredi 29 juin 2011

Vivre à Téhéran

Une chronique de Martin

Il explique que l'idée du scénario lui est d'abord venue en discutant avec son frère de la maladie d'Alzheimer frappant son grand-père. Comme déjà les deux précédents, Asghar Farhadi est parvenu à faire parvenir jusqu'à nous son nouveau film, Une séparation. Interviewé par Le Figaro, le cinéaste iranien n'a pas voulu s'exprimer précisément sur la manière dont il a parfois su contourner la censure de son pays. Dans Libération, il était fait mention des difficultés subies lors du tournage, non pas à cause de son projet lui-même, mais parce qu'il avait osé prendre la défense de ses confrères exilés lors d'une cérémonie officielle. Découvrir ce cinéma, s'en faire l'écho ensuite, c'est aussi pour moi une manière de le soutenir un peu.

Une séparation porte-t-il bien son titre ? L'illustration que j'ai choisie est (volontairement) trompeuse. La toute première image nous met en présence de Simin et Nader, un couple aisé de Téhéran, décidé à divorcer. Décidé est en fait un grand mot: la jeune femme est parvenue à obtenir un visa et, alors que la date d'expiration approche, souhaite partir, tandis que son époux, lui, ne veut pas quitter le pays au risque de laisser seul son père atteint, vous l'avez compris, de la maladie d'Alzheimer. Je vous passe les détails: bien qu'ils aient ensemble une jeune fille, Termeh, le couple se sépare. L'homme recrute alors une aide-ménagère, Razieh, qu'il chassera bientôt sans ménagement. Une autre séparation, peut-être, en plus de celle qui délimite les classes sociales. Arrivera alors quelque chose, un drame absurde, qui va opposer les uns aux autres...

Plus qu'un brûlot politique, c'est un état des lieux de la société iranienne qui est proposé ici. Et, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'est guère encourageant: si les familles favorisées parviennent plus ou moins à s'en sortir, c'est assurément dans la négation absolue des premières libertés fondamentales. Les couches populaires, elles, ont à peine voix au chapitre, à l'image de cette pauvre servante fatiguée par la grossesse, et qui se sent obligée de téléphoner d'abord à un directeur de conscience avant de venir porter assistance au vieux monsieur dont elle a la garde. Une séparation peut couper le souffle, non pas par la beauté de ses images, mais bien davantage par la violence de son propos. Le plus étonnant est qu'en dépit même de très vives discussions et de situations tendues à l'extrême, il n'y a jamais de vrais cris. Tout au plus quelques larmes silencieuses. Comme le symbole ultime de vies sur le fil, toujours bridées.

Une séparation
Film iranien d'Asghar Farhadi (2011)
C'est avec À propos d'Elly, sorti fin 2009, que j'ai d'abord entendu parler de ce cinéaste, âge d'à peine 39 ans aujourd'hui. J'aimerais pouvoir découvrir cette autre production. Celle dont je vous ai parlé aujourd'hui restera dans l'histoire du cinéma mondial. Elle est repartie du dernier Festival de Berlin avec l'Ours d'or du meilleur film, un Ours d'argent pour toute la distribution masculine et un Ours d'argent encore pour chaque interprète féminine. Une décision dictée par une démarche politique, peut-être, mais qui ne doit pas faire oublier les grandes qualités du long-métrage sur le plan artistique. Dans le genre et de la même nationalité, je vous recommande également de (re)voir Les chats persans, de Bahman Ghobadi.

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