jeudi 28 avril 2011

Juste un père

Une chronique de Martin

Les écrivains font-ils de bons cinéastes ? La question a pu être posée à de nombreuses reprises devant les passerelles entre la littérature et le septième art. Je vous propose d'en arpenter une aujourd'hui.

Bien qu'il porte le nom d'un roman de Bertrand Visage sorti en 1984, Tous les soleils n'en est pas l'adaptation. Il repose sur le travail créatif d'un autre romancier, Philippe Claudel, passé pour l'occasion (et la seconde fois) derrière les caméras. C'est bien lui qui a écrit tout le scénario de ce film sensible et intelligent. L'histoire ? Celle d'Alessandro, professeur italien de musique baroque, qui élève seul sa fille, Irina, dans la belle ville de Strasbourg. La maman ? Elle est décédée peu après la naissance de l'enfant, il y a 15 ans, 15 années que son ex-époux a laissé filer, dans un deuil permanent qui ne dit pas son nom. Dans cette vie, on découvre encore un frère et tonton, lui aussi italien, squattant chez le couple père/fille. Luigi, anar robe de chambre, a fui l'Italie, un pays à la botte de Silvio Berlusconi. Personnage secondaire tout à fait truculent.

Une chose qu'il faut comprendre: bien qu'il parle de la perte de l'être aimé, Tous les soleils n'est pas un drame. Aux matheux, je dirais volontiers qu'il avance sur une sinusoïde, drôle et touchant, les deux en permanente alternance, pour livrer au final un long-métrage franchement réussi. Les acteurs n'y sont pas pour rien. Le père éploré, en peine d'élever convenablement son adolescente de fille, repose sur les épaules de Stefano Accorsi, connu à la ville pour être Monsieur Laëtitia Casta: il est exactement dans le bon ton, sa langue originelle et son accent chantant en français faisant des merveilles pour la musicalité des dialogues. Le constat vaut bien évidemment aussi pour ses deux partenaires principaux, la jeune Lisa Cipriani d'abord, et l'énorme Neri Marcorè. Trois belles révélations, éléments forts d'une distribution encore renforcée par les participations remarquées de Clotilde Courau et, surtout, d'Anouk Aimée.

Alors, bien sûr, les esprits chagrins noteront ce qu'il y a de guimauve dans ce scénario. Malgré un point de départ pas franchement propre à susciter les rires, l'intention première du réalisateur semble pourtant bien de nous amuser et, dans d'autres moments, de susciter assez d'empathie avec les personnages pour qu'on puisse espérer avec eux cette vie meilleure qui finira évidemment par arriver. Comme son nom l'indique plutôt bien, Tous les soleils reste un film lumineux, pas extraordinaire en soi, non dépourvu d'outrances infimes et passagères, mais dont l'idée serait de délivrer un message positif, encourageant. Honnêtement, comme je l'ai déjà eu l'occasion de le dire à d'autres occasions pour d'autres projets sur un concept similaire, ça fait parfois du bien de sortir du cinéma avec le sourire aux lèvres. Je n'en demandais pas plus, l'autre jour, quand je suis entré dans la (petite) salle de projection. Et j'ai vécu ce bon moment porté par une oeuvre intelligente. Il faudrait que je m'offre maintenant un livre de Philippe Claudel pour apprécier ce qu'il écrit.

Tous les soleils
Film français de Philippe Claudel (2011)
Juché sur sa mobylette, l'Alessandro souriant du début du film fait penser à Nanni Moretti et à sa Vespa: je pense que c'est volontaire. Le réalisateur italien a parlé du deuil dans La chambre du fils, Palme d'or à Cannes en 2001. Dix ans plus tard, son confrère français préfère, lui, user de douceur pour faire valoir ses intentions. Le fait qu'il le fasse avec des personnages italiens ajoute au plaisir naïf d'une histoire simple et de ses bons sentiments. Au cinéma, il est évidemment des choses plus profondes, mais aussi d'autres plus sirupeuses encore. Le plan serré-visage de la dernière image m'a fait penser à celui d'Amorosa Soledad. Mais, si vous voulez pousser jusqu'à la comédie romantique, je vous recommande Le come-back.

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