lundi 24 février 2025

De longues nuits

C'est vrai que je connais encore très mal l'histoire du Brésil. L'image que j'ai aujourd'hui du pays repose toujours largement sur des clichés. Résultat: c'est souvent le cinéma qui me donne envie d'aller plus loin. Fin janvier, je me suis ainsi précipité pour voir Je suis toujours là. Ce film, que je croyais être une fiction, est en fait tiré de faits réels !

Il nous ramène en janvier 1971, alors que le pays subit une dictature militaire (NB: installée en 1964, elle se maintiendra jusqu'en 1985). La caméra nous présente la famille Paiva - le couple, ses quatre filles et son garçon. L'âge des enfants ? D'environ 10 à 18 ans. Une vie harmonieuse dans une grande maison de Rio. Accès direct à la plage de Copacabana, fêtes fréquentes avec les voisins et amis de passage. Un jour, Rubens, le père, est arrêté pour une "déposition de routine". L'effroyable État policier a l'intention d'abattre celui dont les crimes supposés ne sont jamais que les actes d'un homme généreux et épris de justice sociale. Mais tel n'est pas le sujet de Je suis toujours là. Comme la photo ci-dessus le suggère, le scénario se concentre surtout sur la mère et sur sa réaction à la disparition soudaine de son mari. Elle-même brièvement interpellée, elle comprend vite que la menace pèse sur tout le monde et qu'elle devra donc vivre avec un fardeau constant. Eunice Paiva aurait pu s'effondrer. Non: elle va faire face. Fragilisée bien sûr, mais battante. Un visage de la dignité humaine...

Ses faits et gestes gardent, je trouve, une dimension universelle. C'est l'une des grandes (et belles) forces du récit cinématographique qui nous permet de découvrir cette femme: il s'appuie sur un destin individuel et témoigne aussi de l'importance d'une vision collective. L'occasion d'apprendre que la véritable Eunice Paiva, décédée en 2018 à São Paulo, a aussi lutté pour les autres une grande partie de sa vie. Et le cinéma, dans tout cela ? Soyez-en sûrs: il est tout sauf oublié. Les images de Je suis toujours là sont superbes, en partie tournées en Super 8 - ce qui confère à l'ensemble une puissance émotionnelle rare. Côté son, même réussite, le bruit des camions et des hélicos suffisant nettement à créer un climat de tension, parfois compensé par des musiques des plus entraînantes et quelques tubes imparables. C'est finalement presque à regret que j'ai quitté la salle de cinéma après la projection, bien qu'elle ait duré un peu plus de deux heures. Très franchement, je n'ai guère vu le temps passer: le film est dense. Son héroïne vaudrait le détour à elle seule. Si vous le pouvez, foncez !

Je suis toujours là
Film brésilien de Walter Salles (2024)

Le réalisateur n'avait plus sorti de long-métrage depuis douze ans. Possible que j'y revienne un jour prochain (si je trouve le temps). Précision: il adapte ici un livre de Marcelo Paiva, le fils d'Eunice, né en 1959. La dignité de sa mère m'a rappelé celle d'une autre femme brésilienne, pour le coup purement imaginaire: Clara, dans Aquarius. Pour un parallèle, je tiens aussi à suggérer Nostalgie de la lumière...

 
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Et pour compléter encore mon propos...

Je vous conseille à présent de lire les avis de Pascale et Princécranoir. Auxquels vous pourrez choisir d'ajouter celui de Dasola, bien entendu.

6 commentaires:

  1. Grand film de ce début d'année. Je ne savais rien de cette dictature (ou j'ava

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    1. Oui, c'est assurément l'un des meilleurs de ces deux premiers mois !

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  2. Clic brutal(iste).
    (ou j'avais oublié). C'est toujours terrifiant.
    Grande actrice également. Si tout ne semblait déjà jouer pour Demi, je l'aurais bien vu empoigner une statuette.

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    1. Moi aussi, j'avais complétement zappé la dictature brésilienne. C'est plutôt la norme, là-bas.
      Tu crois que c'est Demi qui va avoir la statuette ? Peut-être, oui, pour le côté "come-back inattendu".

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  3. Joué...

    Emilia est éliminée, les autres me semblent des outsiders. J'adore Demi mais je déteste le film.

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    1. Mikey Madison a sa chance, mais tu as raison : le grand retour de Demi devrait lui permettre de l'emporter.

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