lundi 5 juin 2023

Au bord du gouffre

Un jeune procureur prend ses fonctions dans un petit village turc. D'emblée, il rappelle à deux notables qu'il n'est ni légal, ni concevable de chasser le sanglier jusque dans les étroites rues de la bourgade. Mais comment imposer le respect d'un code pénal à une population engoncée dans ses traditions ? C'est la question de mon film du lundi !

Enfin... pas tout à fait: si Emre le juriste se heurte immédiatement aux moeurs de ses nouveaux concitoyens, c'est visiblement aussi parce qu'il a soudain mis les pieds dans un monde très corrompu. D'autres sont comme lui venus à Yalnikar et en sont repartis ensuite sans avoir su mettre fin aux dérives de ce territoire en vase clos. Sous un soleil accablant, Burning days illustre le possible égarement d'un homme dont, en quelque sorte, le combat est perdu d'avance. Venu de Turquie et soutenu toutefois par des producteurs d'horizons divers, le long-métrage a bien sûr eu maille à partir avec la censure. Dans son pays, c'est pour sa prétendue apologie de l'homosexualité que les autorités ont réclamé le remboursement des financements accordés. Histoire, sans doute, de décrédibiliser le véritable propos...

C'est incontestable: deux hommes émergent au coeur de l'intrigue. Dont acte. Mais il est clair aussi que le miroir ainsi tendu à la Turquie d'Erdogan renvoie un reflet bien peu flatteur ! Je lisais récemment dans Courrier international que le film a été tourné dans la région centrale de Konya, réputée à la fois conservatrice et nationaliste. Burning days exploite à merveille ce décor aride, parcouru de dolines impressionnantes - le manque d'eau est un enjeu majeur du scénario. Que vous dire alors ? À l'image du personnage principal, j'ai suffoqué d'un bout à l'autre du métrage... soit deux bonnes heures en apnée. Aucun regret, au contraire: les quelques petites longueurs ressenties lors des premières scènes m'ont finalement laissé avec le sentiment d'être moi-même englué dans des sables mouvants, sans vrai espoir d'en ressortir indemne. La fin, elle, paraît ouvrir une (petite) porte. Elle m'a étonné. Le mieux est de vous laisser juger de son réalisme...

Burning days
Film turc d'Emin Alper (2023)

Mon quatrième opus de cette nationalité et mon second du cinéaste ! Le dépaysement n'est pas total, mais la plongée dans le quasi-inconnu aussi intéressante qu'éprouvante, au gré d'une situation (complexe) qui semble devoir toujours s'aggraver pour le premier protagoniste. C'était aussi le cas dans El reino, avec un héros moins sympathique. L'Iran sous tension se visite avec Le client et/ou Un homme intègre.

----------
D'autres avis sur le film du jour ?

Oui ! Vous pourrez le retrouver chez Pascale, Dasola et Princécranoir.

4 commentaires:

  1. Bonjour Martin K, merci pour le lien sur un film qui continue son bonhomme de chemin. Il est toujours à l'affiche et c'est tant mieux. Il le mérite. Bonne journée.

    RépondreSupprimer
  2. L'apologie de l'homosexualité ! ça ferait presque rire si ce n'était si tragique.
    Mais les urnes ont de nouveau parlé...
    Le film est extraordinaire, très tendu et très beau.
    L'acteur principal est EXTRA.

    RépondreSupprimer
  3. @Dasola:

    Salut et pas de quoi pour le lien. Je suis comme toi content que le film puisse encore être vu (en France).

    RépondreSupprimer
  4. @Pascale:

    Notre ami Erdogan fait feu de tout bois pour justifier son autoritarisme, je suppose...
    Les urnes turques ont parlé, oui, et il n'y a pas eu de surprise. Cela dit, il n'y a pas eu d'égalité de traitement médiatique entre Erdogan et son rival non plus.

    Dans ce que tu dis, je retiens comme toi que le film est très beau. Vu le sujet, cela méritait en effet d'être souligné. Merci de l'avoir fait.

    RépondreSupprimer