Question: peut-on décemment réinventer la Shoah ? Je le crois, oui. S'emparer des faits historiques et les tordre pour créer de la fiction autour de la barbarie nazie me semble admissible quand cela est fait avec respect à l'égard des millions de martyrs des camps de la mort. C'est bien sûr un sujet sensible, que je veux aborder avec prudence...
Vadim Perelman explique que son film Les leçons persanes s'inspire d'une nouvelle et de plusieurs éléments factuels qu'il a agrégés au sein d'un seul et même récit. France, 1942. Gilles, un jeune Juif, échappe à une exécution sommaire en prétendant qu'il est de nationalité persane (de nos jours, on dit "iranienne"). Ceux qui devaient l'abattre l'épargnent finalement, parce qu'ils savent leur chef à la recherche d'un professeur de farsi, lui qui a l'intention de s'installer à Téhéran après la guerre. Commence alors une incroyable duperie: sous le nom de Reza, Gilles invente tout un vocabulaire et mystifie ainsi l'officier. Je vous laisse découvrir la suite. Honnêtement, j'ai quelques réserves sur ce long-métrage. Illustrer ce qu'a pu être le quotidien du système concentrationnaire ne me choque pas, mais redonner de l'humanité aux bourreaux reste à mes yeux une démarche tout à fait discutable. L'équilibre est fragile, parfois, et le propos de l'auteur un peu dilué. J'aimerais au moins en retenir la litanie finale autour des identités. Car les victimes d'un crime indicible ne sauraient être innommables...
Les leçons persanes
Film russo-allemand de Vadim Perelman (2020)
Je n'ai pas parlé des acteurs. Le duo principal, Nahuel Pérez Biscayart et Lars Eidinger, nous propose une prestation très correcte. Les rôles secondaires sont eux aussi bien incarnés, non sans un certain courage pour les acteurs allemands - malgré des maladresses scénaristiques. J'ai tout naturellement pensé à La vie est belle pour une comparaison possible. Le pianiste reste également une référence incontournable...
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Le film a-t-il marché en France ?
Non: 64.272 entrées... dont celle de Pascale, qui nous donne son avis.
Vadim Perelman explique que son film Les leçons persanes s'inspire d'une nouvelle et de plusieurs éléments factuels qu'il a agrégés au sein d'un seul et même récit. France, 1942. Gilles, un jeune Juif, échappe à une exécution sommaire en prétendant qu'il est de nationalité persane (de nos jours, on dit "iranienne"). Ceux qui devaient l'abattre l'épargnent finalement, parce qu'ils savent leur chef à la recherche d'un professeur de farsi, lui qui a l'intention de s'installer à Téhéran après la guerre. Commence alors une incroyable duperie: sous le nom de Reza, Gilles invente tout un vocabulaire et mystifie ainsi l'officier. Je vous laisse découvrir la suite. Honnêtement, j'ai quelques réserves sur ce long-métrage. Illustrer ce qu'a pu être le quotidien du système concentrationnaire ne me choque pas, mais redonner de l'humanité aux bourreaux reste à mes yeux une démarche tout à fait discutable. L'équilibre est fragile, parfois, et le propos de l'auteur un peu dilué. J'aimerais au moins en retenir la litanie finale autour des identités. Car les victimes d'un crime indicible ne sauraient être innommables...
Les leçons persanes
Film russo-allemand de Vadim Perelman (2020)
Je n'ai pas parlé des acteurs. Le duo principal, Nahuel Pérez Biscayart et Lars Eidinger, nous propose une prestation très correcte. Les rôles secondaires sont eux aussi bien incarnés, non sans un certain courage pour les acteurs allemands - malgré des maladresses scénaristiques. J'ai tout naturellement pensé à La vie est belle pour une comparaison possible. Le pianiste reste également une référence incontournable...
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Le film a-t-il marché en France ?
Non: 64.272 entrées... dont celle de Pascale, qui nous donne son avis.
Je crois que Nahuel Perez Biscayart pourrait me réciter le bottin dans n'importe quelle langue... (l'expression prend tout son sens ici). Quand je pense que je ne l'avais pas aimé dans son 1er film (faut dire que le film était spécial, avec Isild le Besco, j'ai oublié le titre). Sa fragilité et sa maîtrise de plusieurs langues me sidèrent à chaque film. Je le trouve vraiment incroyable, même quand il est muet chez Dupontel. Ses yeux !!! Même quand il est mal assorti à l'incontournable Melle Merlant récemment.
RépondreSupprimerLes maladresses du film tiennent surtout dans mon souvenir aux acteurs assez déplorables autour du duo principal, aux histoires annexes sans intérêt et à la grande naïveté du nazi. Ça le rend sans doute humain mais j'étais ravie qu'il se fasse berner.
Quant à imaginer que certains aient pu s'en sortir mieux que d'autres par chance, par hasard, par astuces, ça a toujours tendance à me réjouir.
Dès qu'on entre dans ces camps de l'horreur et de l'infamie humaine inexplicable il faut marcher sur des œufs.
Jean-Pierre Ameris m'avait dit un jour : on a pas le droit de mettre des acteurs en pyjama dans un train pour parler de la shoah (il évoquait Les uns et les autres de Lelouch). J'étais gênée du coup "d'apprécier" ce genre de films. Mais je crois que malgré leurs maladresses parfois ils sont nécessaires.
Maintenant, ceux qui s'indignent fièrement parce que l'histoire n'est pas réaliste, parce que le réalisateur affirme qu'il sinspire d'histoires vraies (pourquoi en douter ?) sans citer ses sources, parce que la porte du camp n'est pas la bonne et jettent le film à la poubelle, exagèrent beaucoup.
Je crois qu'aucun film sur ce sujet ne sera jamais inutile (voir La conférence qui évoque la genèse).
Et puis, la prodigieuse, extraordinaire, bouleversante scène finale justifie ce film à elle seule je crois et excuse tout le reste.
Et Nahuel bien sûr :-)
Quel beau commentaire ! Alors, tout d'abord, merci, Pascale !
RépondreSupprimerLe film de Nahuel avec Isild Le Besco s'appelle "Au fond des bois". J'ai une image en tête, mais je ne l'ai pas vu. Je n'ai même pas cherché ce qu'il peut raconter. On va voir si je garde le titre en mémoire pour, peut-être, le découvrir un jour. Il date de 2010 ! Mais je signale que Nahuel apparaît dans bien d'autres films (tous argentins ?) avant celui-là.
Pour en revenir aux "Leçons persanes", je n'ai pas envie d'insister sur les faiblesses du film, car je crois le sujet trop important pour finasser. La fin, comme tu le soulignes, est sublime. Il me semble que j'avais les larmes aux yeux. Cela m'a rappelé une autre litanie de noms dans un roman traitant de la Première guerre mondiale.
Je ne sais pas s'ils sont nombreux, ceux qui ont échappé à la Shoah par chance, hasard ou astuce. Simone Veil disait que ce qu'il avait sauvé, elle, c'est d'avoir été dure. Je me dis qu'il n'y avait pas de règle logique face à la monstruosité. Et je me demande toujours comment on peut se reconstruire après avoir été témoin (et/ou victime) de telles abominations.
Merci pour la citation de Jean-Pierre Améris. Je me range, comme toi, du côté de la nécessité de produire ce genre de films, sur différentes tonalités du reste, pour que la mémoire demeure et puisse toucher toutes les générations actuelles et à venir. Il s'agit moins de se mortifier, à mon sens, que de ne pas laisser ces horreurs advenir de nouveau.
Sans renoncer, bien sûr, à mon goût pour les histoires et fictions plus "légères"...
Oh ben de rien. Ce n'est pas un film qu'on peut défendre bec et ongles mais il mérite mieux que ce qui en a été dit.
RépondreSupprimerOui Au fond des bois c'est ça, avant il n'avait sans doute tourné qu'en Argentine. C'est l'histoire d'une fille qui est attirée par un gars crado et méchant qui vit dans les bois mais qui la dégoûte aussi. C'est (dans mon souvenir) une relation sado/maso sans intérêt.
Je crois que Benoît Jacquot et moi on est irréconciliables. Il me semble que je vais voir pratiquement tous ses films parce qu'à chaque fois la critique s'emballe mais moi ce cinéma m'ennuie. J'avais aimé Les ailes de la colombe il me semble mais bon, j'avais... 22 ans.*
Et pour les survivants, il y avait sans doute aussi c'est évident, les plus résistants (au sens premier du terme) et en bonne santé. Mais comment ensuite, re-vivre, survivre avec ces souvenirs sans parler de la culpabilité d'être encore en vie.
Les histoires sombres ne m'ont jamais rebutées ou faire peur (au cinéma).
*je parie que tu as compté.
Présenté ainsi, "Au fond des bois" ne fait pas envie. Ils l'ont pris dans le rôle du gars crado et méchant à cause de son physique un peu étonnant, tu crois ? Cela me semble possible. On reparlera peut-être de Nahuel dans ses oeuvres si j'arrive à aller voir "Un an, une nuit". J'ai survolé ta chronique...
RépondreSupprimerBenoît Jacquot ? Je garde un souvenir très médiocre de "Trois coeurs" et un peu meilleur des "Adieux à la reine". Aucun de ces deux films ne m'avait fasciné et je ne pense pas en avoir vu d'autres du réalisateur.
Les rescapés des camps ? C'est un vaste sujet. Je me demande quel bouillonnement intérieur devait animer celles et ceux qui parvenaient de nouveau à s'exprimer de manière posée. Simone Veil suscite mon admiration pour cette capacité de résilience et son combat maintenu contre les fachos de tous poils. Y compris les "nazis aux petits pieds", comme elle disait, je crois.
Les histoires sombres ne me rebutent pas non plus (au cinéma). Pas par principe, en tout cas. Mais trop de noirceur à l'écran peut finir par me révulser. J'ai besoin qu'il y ait une intention autre que choquer derrière.
Et non, je n'ai pas compté ! J'te jure !