vendredi 24 février 2023

Sexe, drogue et cinéma

Damien Chazelle l'admet: Babylon, son dernier film, est ambivalent. C'est tout à la fois une célébration et une condamnation du système hollywoodien, que le jeune cinéaste - 38 ans - admire et réprouve dans le même élan. Revenir aux heures du cinéma muet finissant pour l'expliquer m'a paru prometteur. Et je n'ai pas eu à le regretter...

Babylon
nous propose une fresque XXL: elle dure plus de trois heures. Nous sommes invités à suivre plusieurs personnages emblématiques de l'époque (l'histoire commence en 1926): un "vieil" acteur populaire bientôt rattrapé par la nécessité de se produire dans des films sonores et/ou parlants, une jeune femme qui se voit comme une star avant même d'avoir fait ses débuts, un homme-à-tout-faire d'origine mexicaine propulsé sur la voie du succès, une chanteuse chinoise audacieuse et charismatique, un jazzman noir... et j'en passe, si, si ! Cette plongée dans le passé de la "machine à rêves" hollywoodienne est vertigineuse, d'autant que tout n'est pas rose dans les coulisses...

Le cinéphile que je suis s'est régalé de cette description historique. Retrouver de très bons acteurs, tels que Brad Pitt et Margot Robbie en têtes d'affiche, a évidemment joué pour beaucoup dans ce plaisir. En découvrir quelques autres (Diego Calva, Li Jun Li, Jovan Adepo...) ajoute aussi à la satisfaction ressentie. Je crois qu'il est impossible de s'ennuyer devant Babylon, tant le rythme est échevelé et le cast convaincant. Cela ne veut pas dire qu'observer ce tout petit monde vous enthousiasmera à coup sûr. Ses excès pourraient vous révulser. De fait, le scénario ne recule devant rien pour évoquer le côté obscur de cette effervescence créative. OK, pour la sobriété, on repassera...

Le film n'a pas marché très fort aux États-Unis et, malgré les espoirs placés en lui, il ne sera candidat qu'à trois Oscars le mois prochain. D'aucuns lui ont reproché une forme de révisionnisme: ils indiquent que, malgré certaines dérives bien réelles, le quotidien des studios n'était pas aussi trash que Damien Chazelle le dit (et le montre). Inversement, certains critiques assurent qu'il l'est devenu ensuite ! Selon cette hypothèse, Babylon s'érigerait en réalité contre la façon dont l'Amérique produit du cinéma
aujourd'hui. Hum... j'admettrais que certaines scènes puissent y faire écho, mais sans être convaincu qu'il faille absolument relever un second degré. On peut en débattre...

Fixer l'écran sans - trop - m'interroger sur la vraisemblance (ou non) m'aura suffi pour dire que c'était une belle expérience de cinéma. Malgré un petit flottement narratif à mi-parcours, l'ensemble m'a paru assez solide pour que j'estime justifié le prix de mon ticket d'entrée. C'est une certitude: Babylon sera moins spectaculaire sur petit écran. Cela dit, je comprends la position de ceux qui jugent bien préférable de défendre le cinéma des années 20 plutôt que cet ersatz tapageur. Notez aussi que l'un n'empêche pas l'autre, à mon très humble avis. D'après moi, à l'heure des Marvel dominants, un film de cette ampleur n'a en tout cas pas à rougir de sa démesure. Oui: elle est co-hé-rente.

Babylon
Film américain de Damien Chazelle (2022)

Ne jouez pas les étonnés: le titre dit déjà beaucoup du contenu. Fascinant pour les uns, plutôt monstrueux pour les autres, le film divise et c'est tant mieux. J'ai lu plusieurs chroniques qui en parlent comme d'un hybride entre deux "classiques": Chantons sous la pluie et Once upon a time in... Hollywood. Moi, je vois plutôt un parallèle avec un Moulin Rouge ! - et je préfère Que le spectacle commence !

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Et maintenant, pour vous faire une idée plus précise...

Vous lirez les avis (contrastés) de Pascale, Princécranoir et Benjamin.

6 commentaires:

  1. Bon, du coup tu connais mon point de vue sur ce film qui m'a agacé dès les premières minutes. Je crois que le problème principal est que je ne me suis pas attaché une seule seconde aux personnages de Margot Robbie et Diego Calva. Et la mise en scène a fini par m'irriter aussi. A la rigueur, Brad Pitt en vedette virant dépressif après un éclair de lucidité m'a davantage convaincu. Et le trompettiste mais dont l'arc narratif est sous-exploité (à vouloir poursuivre trop de lièvres, voilà où en arrive Chazelle). Et je crois que ce qui m'a achevé c'est cette séance de ciné à la fin du film, ce grand montage publicitaire sur la magie du cinéma. Quinze du dernier Spielberg sont bien plus poignantes pour nous convaincre du pouvoir des images que cette démonstration scolaire.
    D'habitude j'aime bien Chazelle, mais là...
    Tu le défends bien néanmoins.

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  2. Moi j'ai aimé et même revu. La musique est EXTRAORDINAIRE. Et contrairement à ce que dit le Prince, la partie jazzman est bien présente.
    Margot Robbie est agaçante -son personnage, et on a du mal à s'y attacher, je suis d'accord.
    Mais Brad est parfait et le petit mexicain aussi.
    Mes réserves vont aux seaux de merde et de vomi. Parfaitement dispensables.
    Pour le reste, beau moment de cinéma.

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  3. @Princécranoir :

    Merci d'avoir lu (et su apprécier) ma plaidoirie, Monsieur le procureur.

    Bon, maintenant...

    ...

    ATTENTION AUX SPOILERS, VOUS QUI PASSEZ ICI !

    ...

    ...

    ...

    Il y a certains éléments où je te rejoins. Chazelle en fait quand même BEAUCOUP et cela joue au détriment de certains personnages. Pour ce qui est de Margot, c'est à la fin qu'elle a commencé à me saouler un peu. Quant elle s'impose comme star dans le cinéma muet, ça passe encore. Mais bon... c'est une junkie ! Moi, c'est vraiment Diego qui m'a le moins plu, dans tout ça. L'amoureux transi, ça va bien deux minutes et il lui arrive vraiment trop de choses différentes pour que j'ai une vraie sympathie pour le personnage. Léger mieux à la fin, cela dit, quand plus personne ne le reconnaît à la porte des studios.

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  4. @Pascale:

    Tiens, tu es sur le blog en même temps que moi ! Réponse instantanée, du coup ! Juste pour dire qu'à mon sens aussi, le personnage du jazzman est un peu en retrait. Sa musique ne l'est pas, en revanche, et cela en fait malgré tout un protagoniste important.

    J'parierais presque que tu écoutes la B.O. en boucle !

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  5. Le score de Hurwitz est toujours bien balancé, et même finalement assez malin avec ses citations de sa partition de "Lala Land" (bien plus beau film sur Hollywood).
    Sur Diego on est d'accord. Et sur Margot aussi en fin de compte.

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  6. Nos positions se rapprochent grandement, mon cher Prince. J'ai moins aussi préféré "La La Land" à "Babylon".

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