dimanche 23 mai 2021

Les mots de Nadia

Une autre chronique matinale pour reparler de Nadia Vadori-Gauthier. Il se trouve que je l'ai rencontrée et que j'ai même pu échanger quelques minutes avec elle. Je vous propose un (petit) compte-rendu de cette discussion, menée il y a déjà un peu plus de trois mois. D'accord, nous sommes un peu loin du cinéma, mais j'y reviens vite...

C'est donc bien après les attentats de janvier 2015 à Paris que Nadia s'est lancée dans sa fameuse Minute de danse par jour. Elle appuie son projet sur une sentence de Nietzsche ("Et que l'on estime perdue toute journée où l'on n'aura pas dansé au moins une fois") et un adage chinois ("Goutte à goutte, l'eau finit par transpercer la pierre"). "Comme le Petit Poucet, je sème des cailloux pour que chaque jour vaille la peine. En dansant chaque jour, c'est comme si on arrachait au temps un cristal pour dire que ce jour-là n'est pas perdu". Sourire !

"Comment, par la danse, faire circuler la vie ? Rester ensemble ? Vivants ?". Ce sont les questions que la chorégraphe pose et se pose. Elle dit: "Pour le monde et l'avenir, ce que je fais est infinitésimal". Quand elle a démarré, elle ne soupçonnait pas que ce projet atypique l'occupe toutes les journées de sa vie pendant déjà plus de six ans ! "Pour moi, la goutte d'eau est de l'ordre de l'océan. Cela constitue une oeuvre qui devient presque une archive d'une certaine époque, vue à travers un prisme singulier, qui se tisse à la fois d'éléments d'actualité ou d'autres, personnels". Plus aucun moyen d'y échapper ! Nadia pense toutefois que sa démarche trouve des échos. Elle pense au principe du battement d'ailes du papillon et dit garder la mémoire de tout instant dansé ! Avide aussi d'entendre les souvenirs d'autrui...

"La minute de danse est un acte gratuit". Nadia s'attache à garder une forme de spontanéité et explique qu'elle consacre quatre heures par jour au tournage, au montage et à la mise en ligne des vidéos. Résultat: elle n'a plus trop de temps pour faire "des repérages insensés" des lieux qu'elle choisit pour danser. Elle indique toutefois que "plein de partenariats se sont construits au fil du temps" et cite "des institutions, des lieux ouverts ou fermés au public, des écoles, des hôpitaux, entre autres". Sa démarche lui a permis de rencontrer "des publics très variés, que je n'aurais jamais rencontrés autrement". Exemples: "Des ouvriers de travaux publics, des gens placés en maison de retraite, des enfants, des personnes en hôpital psychiatrique, des soignants, des élus... et des danseurs, bien sûr ! Des artistes. Beaucoup de gens de toutes les strates de la société". Son idée est bien d'aller à la rencontre de l'autre et de sa différence pour, ensuite, "voir ce qui se passe". Nadia se sent parfois privilégiée d'ainsi pénétrer en certains lieux. "C'est aussi ce qu'il faut montrer"...

La chorégraphe ne va pas jusqu'à dire qu'elle a redécouvert la danse. "Cela dit, je m'en suis servi non pas comme d'une simple destination esthétique, mais plutôt comme d'un médium pour un rapport sensible au monde". L'artiste parle aussi d'une certaine dimension éthique. D'engager la danse et de la dépasser pour donner libre cours à l'utopie d'un monde meilleur. Elle dit: "Si quelque chose s'ouvre entre nous quelques secondes avant de se refermer, c'est déjà ça de gagné". Pendant le premier confinement, elle raconte avoir lancé un appel pour que tout le monde danse et alors reçu plus de 5.000 vidéos, venues de France et de l'étranger, "tournées dans les salons, cuisines et salles de bain". Son conclusion: "Même enfermés, nous avons tous quelque chose à porter et à essaimer, par la danse et dans le partage des sensibilités". Elle-même assure ne présager de rien pour la suite et parle des "incroyables mutations" de notre monde. D'un "moment particulier de notre histoire", avec "forcément un avant et un après". Nadia ne peut s'arrêter de danser, "ne serait-ce que pour témoigner" !

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Un petit mot de conclusion...

Je vous encourage à (re)découvrir le travail de Nadia Vadori-Gauthier sur son site, Une minute de danse par jour, enrichi quotidiennement depuis le 14 janvier 2015 ! L'entreprise étonne et séduit justement par cet aspect démesuré, ainsi bien entendu que par sa spontanéité. Vous aurez ainsi l'opportunité d'en apprendre plus sur la chorégraphe et son idée (je cite) "d’investir un corps qui n’a pas d’image a priori".

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