Elle s'est mariée pour se couper de l'emprise d'une mère tyrannique. Lui craint que son possible divorce ait des conséquences désastreuses sur son image... auprès de son patron. Genia et Boris ont-ils connu d'autres sentiments que la haine réciproque ? L'idée paraît douteuse. Faute d'amour: un titre tel un avertissement. Vous serez prévenus...
Au coeur de cet éprouvant long-métrage, il y a Aliocha, un garçon d'une douzaine d'années que ses parents ignorent avec une constance glaçante. Quand ils se déchirent et s'insultent sans jamais se soucier de sa présence, le gamin reste silencieux et prostré derrière la porte de sa chambre, dans le noir, à pleurer toutes les larmes de son corps. Jusqu'au jour où, sans préavis, il laisse son téléphone portable sonner dans le vide et ne revient pas de l'école. On peut bien sûr s'interroger sur les raisons - intimes ou non - qui poussent un cinéaste à aborder un tel sujet et, qui plus est, à le faire avec une si grande froideur. Lauréat du Prix du jury à Cannes en 2017, Andreï Zviaguintsev parle d'un cas extrême, d'une hyperbole, mais assure qu'il faut écarter l'idée d'une dimension autobiographique (et ce bien qu'il ait aussi un fils). De la même manière, même si l'action de Faute d'amour se situe clairement à Moscou, il faut d'après lui se garder d'interpréter le film comme un "simple" pamphlet contre la situation actuelle de la Russie. Difficile, toutefois, de ne pas tenir compte de ce cadre plus général...
Dès les premières images, l'hiver est là et les couleurs sont ternes. Tout au long du récit, les plans s'accompagnent d'éléments sonores explicites, sur la guerre du Donbass, notamment. On tourne en rond autour d'un constat de complète dislocation du tissu socio-familial traditionnel, ce qui laisse tout de même apparaître les larges failles du régime politique post-soviétique, quoi que l'on puisse en penser. Loin d'être un divertissement, Faute d'amour est bien une oeuvre marquante: un tableau, au sens pictural du mot. Il est incontestable qu'un soin tout particulier a été apporté à la photo, qu'il s'agisse d'enfermer quelques images de la nature ou de fouiller un immeuble délabré à la recherche de l'enfant disparu. C'est d'ailleurs justement parce qu'il témoigne aussi qu'il existe encore des personnes solidaires dans ce monde décadent que le film laisse passer un peu de lumière. Par ailleurs, on est vite happé par l'impression d'une implacable boucle temporelle: le mal se reproduit sans cesse et cloue l'homme au pilori. Âmes sensibles, s'abstenir. À moins que le côté sombre vous attire...
Faute d'amour
Film russe d'Andreï Zviaguintsev (2017)
Ce dernier opus en date du réalisateur de Léviathan laisse pantelant. Sans possibilité de s'échapper, le spectateur endure (presque) le pire sous la forme d'une violence psychologique manifeste et exacerbée. Serait-ce pour se construire une sorte de virginité ? La censure russe épargne parfois ce type de films coup-de-poing. J'ai déjà évoqué ceux de Yuri Bykov: The major, L'idiot ! et Factory. Et d'autres suivront...
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Après Cannes, le film a largement fait parler de lui...
Vous pourrez lire d'autres avis chez Pascale, Dasola, Strum et Eeguab.
Au coeur de cet éprouvant long-métrage, il y a Aliocha, un garçon d'une douzaine d'années que ses parents ignorent avec une constance glaçante. Quand ils se déchirent et s'insultent sans jamais se soucier de sa présence, le gamin reste silencieux et prostré derrière la porte de sa chambre, dans le noir, à pleurer toutes les larmes de son corps. Jusqu'au jour où, sans préavis, il laisse son téléphone portable sonner dans le vide et ne revient pas de l'école. On peut bien sûr s'interroger sur les raisons - intimes ou non - qui poussent un cinéaste à aborder un tel sujet et, qui plus est, à le faire avec une si grande froideur. Lauréat du Prix du jury à Cannes en 2017, Andreï Zviaguintsev parle d'un cas extrême, d'une hyperbole, mais assure qu'il faut écarter l'idée d'une dimension autobiographique (et ce bien qu'il ait aussi un fils). De la même manière, même si l'action de Faute d'amour se situe clairement à Moscou, il faut d'après lui se garder d'interpréter le film comme un "simple" pamphlet contre la situation actuelle de la Russie. Difficile, toutefois, de ne pas tenir compte de ce cadre plus général...
Dès les premières images, l'hiver est là et les couleurs sont ternes. Tout au long du récit, les plans s'accompagnent d'éléments sonores explicites, sur la guerre du Donbass, notamment. On tourne en rond autour d'un constat de complète dislocation du tissu socio-familial traditionnel, ce qui laisse tout de même apparaître les larges failles du régime politique post-soviétique, quoi que l'on puisse en penser. Loin d'être un divertissement, Faute d'amour est bien une oeuvre marquante: un tableau, au sens pictural du mot. Il est incontestable qu'un soin tout particulier a été apporté à la photo, qu'il s'agisse d'enfermer quelques images de la nature ou de fouiller un immeuble délabré à la recherche de l'enfant disparu. C'est d'ailleurs justement parce qu'il témoigne aussi qu'il existe encore des personnes solidaires dans ce monde décadent que le film laisse passer un peu de lumière. Par ailleurs, on est vite happé par l'impression d'une implacable boucle temporelle: le mal se reproduit sans cesse et cloue l'homme au pilori. Âmes sensibles, s'abstenir. À moins que le côté sombre vous attire...
Faute d'amour
Film russe d'Andreï Zviaguintsev (2017)
Ce dernier opus en date du réalisateur de Léviathan laisse pantelant. Sans possibilité de s'échapper, le spectateur endure (presque) le pire sous la forme d'une violence psychologique manifeste et exacerbée. Serait-ce pour se construire une sorte de virginité ? La censure russe épargne parfois ce type de films coup-de-poing. J'ai déjà évoqué ceux de Yuri Bykov: The major, L'idiot ! et Factory. Et d'autres suivront...
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Après Cannes, le film a largement fait parler de lui...
Vous pourrez lire d'autres avis chez Pascale, Dasola, Strum et Eeguab.
Hello Martin. Faute d'amour est un film effectivement très marquant. Les films de Zviaguintsev sont glaçants, terrifiants, d'une violence qui leur est propre. Et je suis tout à fait de ton avis. Ce cinéma n'est pas aimable mais indispensable. A bientôt.
RépondreSupprimerSalut Eeguab. C'est curieux, tout de même: je n'avais pas ressenti la même violence dans "Léviathan". C'est un autre film très dur, mais j'ai l'impression que celui-là l'est tout particulièrement. Peut-être que parce qu'il est d'abord question d'un enfant...
RépondreSupprimerCe cinéma "pas aimable, mais indispensable" (comme tu l'écris si bien), je l'aborde avec beaucoup d'intérêt, mais à petites doses. Il faut que je sois en quelque sorte prêt à l'affronter. C'est dire que je comprends aussi très bien celles et ceux qui préfèrent s'en détourner. On est loin du divertissement pop corn dont on peut aussi avoir besoin, les uns et les autres.
Je ne sais si c'est un cinéma indispensable mais je suis ravie davoir vu ce film déchirant, accablant. Un petit chaperon rouge face à des ogres sans coeur. Ça m'a bouleversée.
RépondreSupprimerLes enfants et moi... J'aurais voulu traverser l'écran pour consoler Aliocha, le prendre dans mes bras.
Il est passé récemment dans le poste mais justement mes petits dormaient chez moi, je n'ai pas pu le revoir.
Ce n'est peut-être pas plus mal car je n'avais pas envie de souffrir à nouveau.
Lors de l'épilogue glaçant, désespérant j'hésitais entre "bien fait" et "tout ça en vain"... pauvres types (dans le sens de nature humaine).
Quant à la radiographie de la Russie, c'est pas folichon mais il y a cette belle association de bénévoles comme une petite lueur dans la nuit grise.
dans cet monde
Le retour est aussi un film terrible. Comme Pascale je n'ai pas souhaité revoir Faute d'amour. Quelquefois le quotidien ne nous donne pas envie de replonger. A bientôt. J'ai vu aussi Elena, un peu moins sombre, mais pas vraiment burlesque, c'est le moins qu'on puisse dire.
RépondreSupprimer@Pascale:
RépondreSupprimerAu-delà d'Aliocha, je me demande toujours comment on arrive à faire jouer quelque chose d'aussi dur à un gosse sans que ça le tourmente. La scène de ma photo est à mes yeux la plus éprouvante... et j'imagine que le petit (Matveï Novikov) a quand même dû morfler un peu en la jouant.
Oui, il y a un peu de lueur avec l'association. Le film est réaliste, sur ce point: ce type de structures existe bel et bien, dans la Russie actuelle. Heureusement !
Revoir le film ? Euh... aussi beau soit-il, je n'en ai pas spécialement envie. Un jour, peut-être...
@Eeguab:
RépondreSupprimerOui, "Le retour" est très dur aussi. Quel personnage de père, encore une fois !
Je suis bien d'accord avec toi pour dire que l'on n'a pas forcément envie d'y replonger aussitôt...
J'ai entendu parler de "Elena" comme d'un film un peu moins obscur, en effet.
En revanche, j'ai cru comprendre que "Le bannissement" était aussi très dur. La fin de ma rétro attendra.
Je pense que ces enfants sont très entourés.
RépondreSupprimerMa Poupée, très actrice :-) est capable de jouer le désespoir alors que c'est une petite fille très joyeuse.
Je n'en doute pas, mais face à une caméra et avec toute une équipe de tournage, ça doit faire drôle...
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