samedi 4 avril 2020

Trois temps d'une vie

"Pendant 25-30 ans, Spike Lee a dû tout faire. Il a quasiment porté sur ses épaules toutes les facettes de l'expérience noire américaine". J'ouvre ma chronique par une citation de Barry Jenkins, qui dit aussi que les choses ont pu évoluer (dans un sens plus favorable). Le sujet mériterait une chronique, mais, aujourd'hui, je reste sur Moonlight...

Oscarisé en 2017, ce long-métrage - oeuvre de Barry Jenkins, donc - s'était particulièrement fait remarquer cette année-là, un cafouillage dans les enveloppes ayant conduit les remettants à appeler sur scène l'équipe d'un autre film - oui... La La Land, pour ne pas le nommer. Maintenant que j'ai vu le "vrai" lauréat, je peux vous dire d'emblée que j'ai plutôt apprécié cette histoire. Inspirée d'une pièce de théâtre et découpée en trois temps, elle a pour héros un jeune Américain noir, Chiron, parfois surnommé Little ou Black. C'est un personnage en souffrance: lorsque le film démarre, enfant de 10-11 ans, il subit les brimades d'autres gosses et est élevé par une mère toxicomane. Un certain espoir apparaît lorsqu'un homme d'une petite quarantaine d'années le prend sous son aile, mais il s'agit en réalité d'un dealer. Plus tard, et sans difficulté pour suivre, on verra Chiron adolescent et, dans l'ultime segment du film, jeune adulte. Bravo pour la forme !

Sur le fond, Moonlight est un film intelligent, mais plutôt consensuel. J'ai à vrai dire apprécié qu'il ne soit pas tapageur: son engagement pour diverses causes est indubitable, mais il s'exprime mezza-voce. La tonalité poétique et mélancolique du récit passe avant son aspect politique, même si les importantes ellipses du scénario prouvent aussi qu'il est fait appel au cerveau du spectateur, autant qu'à son coeur. Parmi les choses que j'ai appréciées, je relève - après coup - le fait que trois acteurs se partagent le rôle principal, avec le même talent. Même constat pour le second rôle masculin (j'en tairai la teneur ici). Les femmes ne sont pas oubliées et, en quelque sorte, le personnage maternel - confié, dans son intégralité, à la sublime Naomie Harris - sert de point d'ancrage. Certains critiques ont estimé que le film retournait les clichés raciaux: je n'en suis pas certain, mais je trouve que sa finesse joue pour lui. On a dit à Barry Jenkins qu'aucun Blanc n'apparaissait à l'écran: "C'est simplement en harmonie avec le monde du personnage", a-t-il répondu. Encore une petite phrase à méditer...

Moonlight
Film américain de Barry Jenkins (2016)
Une oeuvre sensible plutôt qu'un film coup-de-poing: une démarche artistique plus que militante, que j'apprécie à sa très juste valeur. Spike Lee adopte bien un ton très différent dans BlackKklansman ! C'est peut-être juste parce que Barry Jenkins, lui, défend autre chose que la condition noire. Si ce sujet vous attire, vous aurez l'embarras du choix: Les figures de l'ombre, Loving, Ali, La couleur pourpre...

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J'ai remarqué que le film suscitait des réactions diverses...
Vous le constaterez à votre tour grâce à Pascale, Dasola et Sentinelle.

4 commentaires:

  1. Le second rôle masculin a aimanté mon regard. Et ce personnage magnifique est impressionnant. Il tire le film vers le haut cet acteur, oscarisé pour un autre rôle aux antipodes. Je suis FAN.

    C'est vrai que les 3 acteurs qui jouent Chiron sont formidables et que l'histoire est TRÈS touchante. Mais on est d'accord, ça aurait pu être plus percutant.

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  2. Je suppose que tu parles de Mahershala Ali ? Il est effectivement très bon. Magnétique.
    Moi, je pensais plutôt à celui qui joue son copain d'enfance devenu... autre chose. No spoiler here.

    Difficile de dire exactement ce qui manque à ce film pour être une merveille.
    En l'état, c'est en tout cas un long-métrage sur lequel je suis content de m'être arrêté.

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  3. OK, c'est noté.
    Nous ne parlions donc pas du même, mais nous sommes d'accord.

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