mercredi 17 avril 2019

Obtenir justice

Nombreux sont les cinéphiles à avoir relevé que La belle et la meute donne à voir neuf plans-séquences de durées variables. Cet aspect technique ne m'a pas frappé sur l'instant: le mentionner dès le début de cette chronique me permet de rattraper cette petite "négligence". Je peux maintenant me pencher sur le fond et c'est plus intéressant...

Tiré d'une histoire vraie déjà racontée à l'écrit, La belle et la meute s'apparente presque à un témoignage direct: celui d'une jeune femme tunisienne, violée par deux policiers à la sortie d'une fête étudiante. Dans la réalité, la victime a dû attendre pendant de très longs mois avant que ses agresseurs soient condamnés à une lourde peine d'emprisonnement. Le film, lui, ne montre pas le procès, mais résume cette tragédie à une nuit au cours de laquelle, parmi les autorités officielles, forces de l'ordre et médecins, personne ne prend l'affaire au sérieux. C'est évidemment glaçant ! Certains critiques l'analysent comme le portrait d'un pays à la dérive, après une révolution inutile...

Je trouve pour ma part tout à fait significatif que le film soit tunisien et qu'il ait été réalisé par une femme. Pour autant, je juge préférable de ne pas le réduire à sa possible dimension de pamphlet politique. Marchant toujours dans les pas de son personnage principal, La belle et la meute expose une situation, mais n'adopte jamais le ton exalté des oeuvres d'inspiration militante. Du coup, c'est encore plus fort ! Mention spéciale à Mariam Al Ferjani, qui livre ici une interprétation incroyable, son corps tremblant comme si elle avait elle-même subi cette innommable violence. D'une façon générale, c'est tout le casting que j'ai envie de saluer pour son courage: les quelques autres actrices livrent une prestation d'une juste sobriété, tandis que les comédiens assument parfaitement de ne pas avoir le beau rôle. Le scénario évitant le piège du manichéisme, le long-métrage est une réussite. Chose importante: aucune image du crime ne nous est imposée. Ouf !

La belle et la meute
Film tunisien de Kaouther Ben Hania (2017)
Disons-le: à mes yeux, ce cinéma mérite d'être respecté et soutenu. Bon... je n'ai pas mis quatre étoiles pleines, car il me semble finalement que le film vaut davantage pour sa qualité de témoignage que pour sa mise en scène formelle. Je crois me souvenir également que le précédent opus de la réalisatrice - Le Challat de Tunis / 2014 - faisait preuve d'une plus grande audace. On peut dire que je chipote !

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Si le bouquin vous intéresse, du coup...

Coupable d'avoir été violée a été publié en France chez Michel Lafon en avril 2013. Ses auteures: Meriem Ben Mohamed et Ava Djamshidi.

Et si vous hésitez encore à voir le film...
Vous aurez peut-être envie de lire aussi les avis de Pascale et Dasola.

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