Mon premier Spike Lee ? C'était je crois Jungle fever, sorti au début des années 90, quand j'étais encore au lycée ! Je ne me souviens aujourd'hui que d'une réplique à propos d'une télé partie en fumée. Depuis lors, je n'ai pas pu vérifier qu'elle était bien issue de ce film ! J'étais curieux de voir le dernier opus du réalisateur afro-américain...
Je vous rappelle que BlackKklansman a obtenu le Grand Prix du jury lors du dernier Festival de Cannes. Nous ramenant en 1978, il raconte l'histoire vraie du premier flic noir de Colorado Springs, une ville encore modeste (autour de 200.000 habitants) sur le versant oriental des Rocheuses. Ce Ron Stallworth eut un jour l'idée un peu folle d'infiltrer le Ku Klux Klan, organisation clandestine des suprémacistes blancs. Au téléphone, il s'est dès lors fait passer pour un sympathisant et, admis comme membre, a envoyé l'un des collègues le remplacer lors des réunions du groupement, ni vu, ni connu. Plusieurs mois durant, le subterfuge a fonctionné: je vous laisse découvrir la suite...
Si elle n'avait pas été racontée dans un bouquin par Ron Stallworth lui-même, cette histoire aurait pu être une preuve éclatante du talent de Spike Lee. Je vous avoue que je craignais que le cinéaste tombe dans une certaine outrance avec ce film évidemment militant. Heureusement, il évite ce piège et traite son sujet sur un ton étonnant: celui de la comédie. Oui, BlackKklansman fait (sou)rire ! Confidence pour confidence, il m'a semblé qu'il "chargeait la mule" quand il s'agissait d'enfoncer les membres du Klan, avant de me dire qu'au fond, certains d'entre eux étaient peut-être bien aussi crétins dans la réalité. Une chose est manifeste: le film ne les épargne pas...
Après tout, pourquoi le ferait-il, n'est-ce pas ? Ce qui est intéressant dans cette reconstitution, c'est aussi qu'au départ, le héros-flic joue sur plusieurs tableaux, forcé qu'il est par sa hiérarchie d'espionner d'abord les activistes (potentiellement violents) de la cause noire. Spike Lee a évidemment choisi son camp, un peu plus vite d'ailleurs que son personnage principal, et appuie son propos sur les discours saisissants de leaders charismatiques. J'ai constaté avec grand plaisir qu'il travaillait dans la nuance, en octroyant une importance décisive à plusieurs protagonistes blancs. BlackKklansman trouve un équilibre intelligent, à peine fragilisé par 2-3 longueurs. Rien d'insupportable...
Sans vouloir tout dévoiler, je veux vous dire que c'est en fait à la fin de ces deux grosses heures de cinéma que j'ai pris une double claque. Je l'ai d'abord ressentie grâce à un très impressionnant montage parallèle qui vient, d'un côté, relater le lynchage de Jesse Washington en 1916 et, de l'autre, reconstituer une cérémonie rituelle du Klan. Dans la foulée, c'est sans nul doute par sa façon de revenir aux temps présents que BlackKklansman m'a paru le plus pertinent. J'imagine que, malheureusement, il ne saura guère prêcher que les convaincus. Toutefois, avoir une nouvelle confirmation que le cinéma américain peut encore produire de tels films est réconfortant. Merci, Spike Lee !
BlackKklansman
Film américain de Spike Lee (2018)
Tout n'est pas parfait, mais je veux insister: cela reste un grand film. Une oeuvre importante, également, pour nous confronter à l'Amérique d'hier et à celle d'aujourd'hui, toute ressemblance n'étant pas fortuite. Libres à vous maintenant de préférer le traitement de cette question proposé par d'autres cinéastes... blancs: Spielberg dans Lincoln, Tarantino avec Django unchained ou Parker via Mississippi burning.
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Je n'ai pas parlé des acteurs...
John David Washington (fils de Denzel), Adam Driver, Laura Harrier, Topher Grace et autres... noirs et blancs, ils sont tous remarquables. Respect - et big up - à Harry Belafonte, 91 ans, pour son monologue !
Et chez les autres, ça donne quoi ?
Le film est apprécié. À vérifier chez Pascale, Dasola et Princécranoir.
Je vous rappelle que BlackKklansman a obtenu le Grand Prix du jury lors du dernier Festival de Cannes. Nous ramenant en 1978, il raconte l'histoire vraie du premier flic noir de Colorado Springs, une ville encore modeste (autour de 200.000 habitants) sur le versant oriental des Rocheuses. Ce Ron Stallworth eut un jour l'idée un peu folle d'infiltrer le Ku Klux Klan, organisation clandestine des suprémacistes blancs. Au téléphone, il s'est dès lors fait passer pour un sympathisant et, admis comme membre, a envoyé l'un des collègues le remplacer lors des réunions du groupement, ni vu, ni connu. Plusieurs mois durant, le subterfuge a fonctionné: je vous laisse découvrir la suite...
Si elle n'avait pas été racontée dans un bouquin par Ron Stallworth lui-même, cette histoire aurait pu être une preuve éclatante du talent de Spike Lee. Je vous avoue que je craignais que le cinéaste tombe dans une certaine outrance avec ce film évidemment militant. Heureusement, il évite ce piège et traite son sujet sur un ton étonnant: celui de la comédie. Oui, BlackKklansman fait (sou)rire ! Confidence pour confidence, il m'a semblé qu'il "chargeait la mule" quand il s'agissait d'enfoncer les membres du Klan, avant de me dire qu'au fond, certains d'entre eux étaient peut-être bien aussi crétins dans la réalité. Une chose est manifeste: le film ne les épargne pas...
Après tout, pourquoi le ferait-il, n'est-ce pas ? Ce qui est intéressant dans cette reconstitution, c'est aussi qu'au départ, le héros-flic joue sur plusieurs tableaux, forcé qu'il est par sa hiérarchie d'espionner d'abord les activistes (potentiellement violents) de la cause noire. Spike Lee a évidemment choisi son camp, un peu plus vite d'ailleurs que son personnage principal, et appuie son propos sur les discours saisissants de leaders charismatiques. J'ai constaté avec grand plaisir qu'il travaillait dans la nuance, en octroyant une importance décisive à plusieurs protagonistes blancs. BlackKklansman trouve un équilibre intelligent, à peine fragilisé par 2-3 longueurs. Rien d'insupportable...
Sans vouloir tout dévoiler, je veux vous dire que c'est en fait à la fin de ces deux grosses heures de cinéma que j'ai pris une double claque. Je l'ai d'abord ressentie grâce à un très impressionnant montage parallèle qui vient, d'un côté, relater le lynchage de Jesse Washington en 1916 et, de l'autre, reconstituer une cérémonie rituelle du Klan. Dans la foulée, c'est sans nul doute par sa façon de revenir aux temps présents que BlackKklansman m'a paru le plus pertinent. J'imagine que, malheureusement, il ne saura guère prêcher que les convaincus. Toutefois, avoir une nouvelle confirmation que le cinéma américain peut encore produire de tels films est réconfortant. Merci, Spike Lee !
BlackKklansman
Film américain de Spike Lee (2018)
Tout n'est pas parfait, mais je veux insister: cela reste un grand film. Une oeuvre importante, également, pour nous confronter à l'Amérique d'hier et à celle d'aujourd'hui, toute ressemblance n'étant pas fortuite. Libres à vous maintenant de préférer le traitement de cette question proposé par d'autres cinéastes... blancs: Spielberg dans Lincoln, Tarantino avec Django unchained ou Parker via Mississippi burning.
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Je n'ai pas parlé des acteurs...
John David Washington (fils de Denzel), Adam Driver, Laura Harrier, Topher Grace et autres... noirs et blancs, ils sont tous remarquables. Respect - et big up - à Harry Belafonte, 91 ans, pour son monologue !
Et chez les autres, ça donne quoi ?
Le film est apprécié. À vérifier chez Pascale, Dasola et Princécranoir.
Oui un grand film. Le racisme ordinaire n'est pas que l'apanage de l'Amérique d'en bas très bas de plafond (le couple du gringalet et de l'obèse est croquignolet à ce titre... on a envie d'en prendre un pour taper sur l'autre (comme disait ma maman) et le racisme semble être la base de leur bel amour) mais il n'y a pas de raison de se priver de montrer ces abrutis et de s'en moquer.
RépondreSupprimerPas parfait sans doute mais enthousiasmant et cette looooooooooongue scène d'anthologie qui cloue sur place.
Et la musique...
Ouais. Pas parfait, non, mais on s'en fiche, en fait. Il y a assez de bonnes choses.
RépondreSupprimerJe pense que le film a toutes les chances de bien figurer parmi mes préférences 2018.
Bonjour Martin, merci pour le lien. Ce qui est bien, c'est que le film rencontre un certain succès public. J'ai eu du plaisir de revoir Harry Belafonte dans une scène inoubliable. Bonne journée.
RépondreSupprimerHello Dasola. Oui, le charisme de Harry Belafonte rend cette scène particulièrement marquante !
RépondreSupprimerJe n'en dirai pas plus: je préfère laisser la surprise à celles et ceux qui n'ont pas encore vu le film.
Totalement d'accord avec toi ! Un film qui a le mérite d'être plus nuancé qu'il en a l'air (je m'attendais à un film bien plus manichéen), agréable, drôle mais avec un coup de poing final qui montre que le combat est toujours d'actualité et qu'il faut qu'on soit tous ensemble pour lutter.
RépondreSupprimerJe ne suis pas complètement d’accord sur la nuance apportée par Spike Lee. Si tous les racistes étaient aussi abrutis que dans le film, on n’aurait pas grand chose à craindre. Hélas, certains sont bien plus perfides.
RépondreSupprimerLa partie documentaire est percutante, c’est certain.
Chouette article en tous cas. Et merci pour le lien.
@Tina:
RépondreSupprimerRavi de nous savoir à l'unisson sur ce film, très chère !
L'absence de manichéisme autorise pleinement les images finales, je trouve.
@Princécranoir:
RépondreSupprimerD'accord avec toi. Mais il ne me semble pas que tous les racistes du film soient crétins.
Et puis, les crétins peuvent être dangereux, aussi, et ça, le film le montre plutôt bien. Non?
En tout cas, merci pour ta gentille remarque... et pas d'quoi pour le lien.