mardi 15 mai 2018

Vivre vite

Pas de changement pour les (bonnes) habitudes ! Nous sommes aujourd'hui le 15 du mois: je laisse donc la place à mon amie Joss pour une carte blanche. Et nous partons donc ensemble vers l'Italie...

Toujours dans la veine des sports mécaniques pour un semestre de chroniques, j'entrecoupe la série sur le thème de la moto par un joli film puisé dans la 33ème édition des Journées du cinéma italien, qui s'est tenue du 17 au 31 mars 2018 à l’Espace Magnan à Nice. Il est cette fois dédié au sport automobile. Non seulement Veloce come il vento a remporté le Premier Prix du public, mais il s'agit surtout d'une histoire vraie extrêmement bien menée et restituée.

On la doit au jeune réalisateur italien Matteo Rovere, auteur de nombreux courts-métrages dont Homo homini lupus, vainqueur d'un Nastri d’Argento en 2007, et de son premier long-métrage un an plus tard - Un gioco da ragazze - présenté en avant-première au Festival international du film de Rome et défrayant la chronique, puisqu'il se retrouva interdit en salles aux mineurs. Suivra Gli sfiorati, adapté du roman de Sandro Veronesi et présenté en avant-première au British Film Institute en 2011. Réalisateur remarqué, mais aussi producteur, avec le film-culte Smetto quando voglio (ce premier volet de Sydney Sibilia obtint douze nominations aux Donatello), ainsi que cette année, Moglie e marito, de Simone Godano.

Ce dernier opus a d'ailleurs donné le coup d’envoi des Journées du cinéma italien 2018, une valeur sûre sur le plan commercial, certes, mais sans comparaison possible avec le film qui nous occupe ici, carrément sublime et hors du commun. Avec précision et réalisme, dans la grande veine du cinéma de genre italien, Veloce come il vento sait parler de talent comme de dégradation, de compétition comme d'amour toxique. Quant aux scènes de vitesse, toutes réalisées sans effets spéciaux, elles n'ont pas grand-chose à envier à celles des grandes productions internationales.

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Distribution:
- Matilda de Angeli (Giulia de Martino)
- Stefano Accorsi (Loris de Marino)
- Giuseppe Galani (Mario de Martino)
- Lorenzo Gioielli (Ettore Minotti)
- Paolo Graziosi (Tonino)
- Roberta Mattei (Annarella)
- Tatiana Luter (Eva)

Palmarès:
Neuf Prix dont Meilleur acteur pour Stefano Accorsi, Meilleur directeur de la photographie, Meilleur monteur aux Donatello 2017.

Grand Prix du jury et Prix du jeune jury au Festival du cinéma italien de Bastia 2017.

Plus de 80 sélections en festivals 2016-2017: Chambéry, Nice, Toulouse, Villerupt…

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Synopsis:
À seulement 17 ans, Giulia de Martino, dirigée par son père, à la fois manager et mécanicien de compétition, participe au Championnat GT (voitures Grand Tourisme) en tant que pilote. La mort brutale du patriarche la contraint à gérer les menaces d'expulsion, les risques d'endettement et la prise en charge de son petit frère (celui qui ne rit jamais). Pour s'en sortir, elle n'a d'autre choix que de viser la victoire et, pour cela, de faire équipe avec Loris, son frère aîné quarantenaire, ancien brillant pilote devenu toxicomane, qui n'a d'autre ambition que de profiter de l'héritage paternel.

Une vieille gloire tombée en disgrâce et une jeune championne unis par les liens du sang vont se livrer combat ! Et simultanément, mener leur propre lutte intérieure. Dans une ambiance d'adrénaline, aux senteurs d'huile de ricin et de pneumatiques surchauffés (on les a dans le nez !), ces deux êtres se retrouvent et se confrontent à un moment crucial de leur propre existence. Giulia, aussi mâture que ne l'est pas son frère aîné Loris, gère aussi intensément son challenge sportif que l'intendance de la maison familiale, immense bâtisse de campagne avec dépendances, dont le fameux garage. Dans cette arène quotidienne, Loris est un obstacle, déterminé à vendre le patrimoine pour vite profiter de sa part dans l'achat de stupéfiants. Sollicité par sa sœur pour des conseils de pilotage, il s'installe dans la maison familiale avec sa compagne, également toxicomane.

S'ensuit une cohabitation très difficile qui va tourner court: le couple part, le petit frère est placé en maison d'accueil, mais le film continue. Et bientôt, Loris se prend au jeu de son ancienne passion. Après le temps des rancoeurs (Loris a sûrement souffert du manque d'attention de son père et promène la culpabilité de ne pas avoir assisté aux obsèques de leur mère), voici venu celui de la fraternité. Tout doucement, sur la pointe des pieds. Jamais sans humour, le réalisateur réussit à lier deux univers qui constituent les deux piliers de la fratrie: celui de la famille, bien sûr, et celui de la course automobile. D'un côté, l’amour et la haine; de l’autre, l'action, le suspense et le risque. Giulia et Loris sont animés par les deux sources d'énergie. À chacun de leurs pas, une marche vers la victoire est engagée. Sur eux-mêmes et sur leur relation, sur la mécanique et sur la stratégie de course.

Face à la personnalité sacrément trempée de la jeune fille qui se bat pour des idéaux qui inspirent le respect, Loris oppose la sienne, dilettante, réductrice, mais très vite, le spectateur se prend à croire en sa rédemption, clé du salut qui épargnera la famille toute entière: l’avenir du petit frère, la propriété de la maison, les deux héros eux-mêmes… Nous permettant même d’imaginer le pardon du père – de là où il se trouve – et sa conrtribution active dans le devenir de sa progéniture, à travers le championnat, les retrouvailles, et toute la difficulté d’être une famille à part entière. J'ai particulièrement apprécié l'ascension des révélations qui parviendront à modifier tout doucement l'état de vie de Loris, comme, par exemple, l'émotion contenue qu'il laisse entrevoir en découvrant dans le garage familial la vieille Peugeot de compétition que son père n'a jamais mis au rebus, et qui fut sienne ! Sorte de déclics amenés avec élégance qui nous installent dans la montée d'une belle humanité.

C'est ainsi que Loris se retrouve dans l'éprouvé de ses propres compétences, avec ce sens inné des trajectoires et des entrailles du moteur. Un mot enfin sur l'exceptionnel Stefano Accors. Diplômé de l'école de théâtre de Bologne, il a fait ses armes d'acteur sous la direction de Putpi Avati et Carlo Mazzacurati. Il rentre dans ce rôle à nous en faire totalement oublier à quel point le jeune homme est joli à regarder à la ville. Dans Veloce come il vento, on le retrouve le cheveu long et crasseux, le visage émacié, l'air hagard, les dents jaunes. Un toxicomane en perdition, la pipe de crack à la main. Et tandis qu'un premier accident à bord du bolide de sa jeunesse nous a projetés dans un dénouement sombre, la survie prend le pas, portée par la passion, l'orgueil et, surtout, ces indéfectibles liens du sang. Une performance formidable que Stefano Accorsi commente ainsi: "Je suis un désespéré, et il reste peu de vrais désespérés !". Le Bolognais aura apporté à ce magnifique long-métrage une présence capitale.

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Joss a visiblement apprécié ce film, jamais sorti dans les salles françaises. J'en profite pour vous signaler qu'il a été diffusé en VOD sous le titre Italian race. Et qu'on retrouvera Joss le mois prochain !

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