Une information, d'abord: je le déplore, mais je manquerai de temps cette année pour suivre le Festival de Cannes (il ouvre aujourd'hui). J'ai souhaité tout de même évoquer un film très particulier, couronné de la Palme d'or il y a maintenant trente ans: Sous le soleil de Satan. Notez-le: c'est - encore - une adaptation d'un roman que je n'ai pas lu.
L'abbé Donissan, un jeune prêtre, doute tellement de sa vocation profonde qu'il frappe son corps avec vigueur et constance. Il confie parfois ses doutes à un père expérimenté, directeur de conscience austère, certes, mais discret et respectueux. Dans la même localité du Nord de la France, une très jeune femme, Mouchette, s'entretient avec l'homme qui l'a mise enceinte, un nobliau désargenté, et le tue accidentellement. Le décor de la tragédie de ces deux âmes perdues appelées à se rencontrer est posé: il l'est d'autant plus finalement qu'une nuit où il bat la campagne, Donissan se confronte au Diable incarné. Sous le soleil de Satan ne vient pas réchauffer les coeurs. Comme, j'imagine, le texte de Georges Bernanos, c'est une oeuvre d'une froideur rare, à vrai dire aussi désespérée que ses personnages.
Mais ce qui est sombre peut également s'avérer fascinant, bien sûr. Je crois vraisemblable que vous ayez déjà entendu l'anecdote fameuse qui, depuis donc trente ans, tourne toujours autour du film. Son titre s'est en fait inscrit au palmarès de Cannes comme celui d'une Palme remise à l'unanimité, mais copieusement huée lors de la cérémonie finale. Avant qu'Yves Montand, président du jury, s'en fasse l'avocat en termes choisis, Maurice Pialat, réalisateur, était monté sur scène le bras levé, proclamant: "Je suis surtout content ce soir pour les cris et les sifflets que vous m'adressez. Si vous ne m'aimez pas, je peux vous dire que je ne vous aime pas non plus". Le temps est passé. Montand est mort en novembre 1991, Pialat ensuite, en janvier 2003. Sous le soleil de Satan reste et c'est, je trouve, un film marquant. Tête d'affiche, Gérard Depardieu est très bon, comme à son habitude. Sandrine Bonnaire, elle, n'aurait en rien à rougir de la comparaison. Très éphémère à l'écran, leur duo s'impose avec force. Aussi dépourvu de lumière soit-il, ce "pas de deux" est un pan du patrimoine français.
Sous le soleil de Satan
Film français de Maurice Pialat (1987)
Bon... Michael Haneke n'a pas l'apanage des Palmes d'or austères ! Cela dit, l'Autrichien en a réalisé aussi (Le ruban blanc et Amour). Certains d'entre vous se diront peut-être que la pratique religieuse évoquée dans le film n'incite pas au rire: OK, mais un long-métrage comme Des hommes et des dieux propose un traitement différent. Le doute, lui, est également au centre du très beau Habemus papam.
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Une nouvelle étape sur le chemin du Movie Challenge...
Je m'acquitte aujourd'hui de l'objectif n°10: "Une Palme d'or".
Et, en prime, deux petits liens pour poursuivre le débat...
Je vous laisse aller lire la chronique de Strum et l'avis de Pascale.
L'abbé Donissan, un jeune prêtre, doute tellement de sa vocation profonde qu'il frappe son corps avec vigueur et constance. Il confie parfois ses doutes à un père expérimenté, directeur de conscience austère, certes, mais discret et respectueux. Dans la même localité du Nord de la France, une très jeune femme, Mouchette, s'entretient avec l'homme qui l'a mise enceinte, un nobliau désargenté, et le tue accidentellement. Le décor de la tragédie de ces deux âmes perdues appelées à se rencontrer est posé: il l'est d'autant plus finalement qu'une nuit où il bat la campagne, Donissan se confronte au Diable incarné. Sous le soleil de Satan ne vient pas réchauffer les coeurs. Comme, j'imagine, le texte de Georges Bernanos, c'est une oeuvre d'une froideur rare, à vrai dire aussi désespérée que ses personnages.
Mais ce qui est sombre peut également s'avérer fascinant, bien sûr. Je crois vraisemblable que vous ayez déjà entendu l'anecdote fameuse qui, depuis donc trente ans, tourne toujours autour du film. Son titre s'est en fait inscrit au palmarès de Cannes comme celui d'une Palme remise à l'unanimité, mais copieusement huée lors de la cérémonie finale. Avant qu'Yves Montand, président du jury, s'en fasse l'avocat en termes choisis, Maurice Pialat, réalisateur, était monté sur scène le bras levé, proclamant: "Je suis surtout content ce soir pour les cris et les sifflets que vous m'adressez. Si vous ne m'aimez pas, je peux vous dire que je ne vous aime pas non plus". Le temps est passé. Montand est mort en novembre 1991, Pialat ensuite, en janvier 2003. Sous le soleil de Satan reste et c'est, je trouve, un film marquant. Tête d'affiche, Gérard Depardieu est très bon, comme à son habitude. Sandrine Bonnaire, elle, n'aurait en rien à rougir de la comparaison. Très éphémère à l'écran, leur duo s'impose avec force. Aussi dépourvu de lumière soit-il, ce "pas de deux" est un pan du patrimoine français.
Sous le soleil de Satan
Film français de Maurice Pialat (1987)
Bon... Michael Haneke n'a pas l'apanage des Palmes d'or austères ! Cela dit, l'Autrichien en a réalisé aussi (Le ruban blanc et Amour). Certains d'entre vous se diront peut-être que la pratique religieuse évoquée dans le film n'incite pas au rire: OK, mais un long-métrage comme Des hommes et des dieux propose un traitement différent. Le doute, lui, est également au centre du très beau Habemus papam.
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Une nouvelle étape sur le chemin du Movie Challenge...
Je m'acquitte aujourd'hui de l'objectif n°10: "Une Palme d'or".
Et, en prime, deux petits liens pour poursuivre le débat...
Je vous laisse aller lire la chronique de Strum et l'avis de Pascale.
J'aime beaucoup ce film, mais je préfère encore le livre de Bernanos, qui est moins austère et plus fiévreux, le style lyrique de Bernanos oblige (et merci pour le lien Martin !)
RépondreSupprimerStrum
J'ai eu du mal avec le roman de Bernanos même si je lui reconnais des tas de qualité. On va dire que j'ai un peu plus apprécié le film.
RépondreSupprimer30 ans ??? J'en reviens pas.
RépondreSupprimerJ'avais aimé.
Depardieu le plus grand et Pialat...Pas moins.
Ah la la toutes ces palmes d'or que j'aurais attribuées !!!
@Strum:
RépondreSupprimerSi Georges Bernanos exalte encore les sentiments des personnages, ça m'intéresse.
La fièvre existe aussi dans le film, mais c'est vrai que c'est le côté sombre qui m'a semblé dominer.
Et pas d'quoi pour le lien !
@Tina:
RépondreSupprimerMerci pour cet avis.
En fait, je lirais bien le livre pour voir si je retrouve les visages de Sandrine Bonnaire et Gérard Depardieu.
Après, très concrètement, il me faut bien reconnaître que ce n'est pas ma priorité de lecture actuellement...
@Pascale:
RépondreSupprimerOui, ça fait trois décennies pleines, déjà.
J'ai trouvé aussi de la grandeur dans Sandrine Bonnaire, dont j'avais imaginé que c'était le premier rôle.
Le fait qu'elle ait déjà un peu d'expérience cinéma avant ce personnage n'enlève rien à sa performance.
Pas aimé du tout du tout... prétentieux et incompréhensible au niveau des comportements (pour moi en tous cas ;) )
RépondreSupprimerPrétentieux ? Je ne crois pas. Maurice Pialat l'était peut-être, en revanche.
RépondreSupprimerDifficile d'accès, ça, je le conçois tout à fait. Il faut dire que le thème ne prête pas à la gaudriole.