mercredi 8 février 2017

Amours interdites

C'est la première fois que cela m'arrive, je crois: j'ai vu dernièrement un film japonais, dont toute l'action se déroule... en Chine ! Présenté comme un classique, L'impératrice Yang Kwei Fei vous ramènera plus d'une soixantaine d'années en arrière dans l'histoire du cinéma. Tant qu'à faire, je l'affirme tout de suite: le jeu en vaut la chandelle.

Le scénario s'inspire de faits historiques, qu'il transforme allégrement pour en faire un intense mélodrame à la cour d'un empereur chinois du 9ème siècle, une ère de relative prospérité. Ledit souverain demeure inconsolable après le décès de son épouse et la juge irremplaçable, tandis que ses courtisans espèrent voir une autre tête couronnée le rejoindre sur le trône. Lassé de ces hommes d'influence qui négligent son deuil, le monarque finit par être sensible à l'humilité absolue d'une jolie jeune femme, réduite jusqu'alors à travailler dur comme cuisinière. Oui, il y a un petit quelque chose de Cendrillon dans L'impératrice Yang Kwei Fei. Et ma comparaison s'arrêtera là...

Sur le plan formel, le film, visiblement tourné en studio, a vieilli. Logique ! Reste que la recherche d'une esthétique forte est constante et que les tableaux, pour l'époque, paraissent somptueux, au moins en termes de costumes. Les cadrages, eux aussi, ont été travaillés dans le sens de l'émotion, avec notamment un beau hors-champ final pour évoquer le destin de l'héroïne. Il est à noter que ce long-métrage marque aussi une vraie rupture dans le travail de son auteur. Pourquoi ? Parce que c'est la première fois qu'il utilisait la couleur ! Aujourd'hui, cela peut sembler banal, mais c'était sûrement un défi pour un artiste d'ainsi renouveler sa palette. Personne ne dit toutefois qu'il y ait été contraint... et j'ajoute qu'il n'est pas certain non plus que les copies de L'impératrice Yang Kwei Fei encore en circulation permettent de prendre la pleine mesure de cette démarche artistique. Ce sera à vous de le découvrir sans préjugé, pour l'aimer peut-être...

L'impératrice Yang Kwei Fei
Film sino-japonais de Kenji Mizoguchi (1955)

Si on ose placer Les sept samouraïs en vis-à-vis, il est bien évident que le film d'aujourd'hui est plus calme et, au fond, (presque) apaisé. Attention cependant aux apparences... trompeuses ! Le sens premier du récit l'amène à faire le portrait de deux êtres pris dans une société qui leur conteste le droit de s'aimer. Propos intemporel, finalement. Les maîtres du vieux cinéma japonais me séduisent de plus en plus...

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Pour finir, un point sur le Movie Challenge...
Je valide le défi n°37: "Un film qui se déroule avant le 20ème siècle".

Et si jamais vous vouliez compléter mon propos...
Vous pouvez aussi lire "L'oeil sur l'écran" ou retrouver l'ami Eeguab.

6 commentaires:

  1. Immense réalisateur que Mizoguchi (mon réalisateur japonais préféré après Kurosawa) et ce film-là ne fait même pas partie de ses meilleurs films à mon avis. Les contes de la lune vague après la pluie, les Amants crucifiés, L'Intendant Sancho, Miss Oyu, etc., autant de films sublimes et intemporels que je te conseille vivement et que tu auras j'espère l'occasion de voir un jour.
    Strum

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  2. Merci pour cet article Martin. Une belle entrée en matière pour ce maître. J'allais te signaler mon ancien article, dix ans déjà, quand j'ai vu que tu avais anticipé en signalant le lien. C'est un beau geste qui témoigne de beaucoup de sérieux et d'amitié. Là où j'ai été un peu léger c'est que découvrant en 2006 quatre perles de Mizoguchi je me promettais de fouiller plus avant sa filmo. Encore une promesse non tenue. :D A bientôt.
    P.S Tu sais que je ne suis jamais d'accord avec l'expression "un film qui a vieilli". Bonne soirée.

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  3. @ eeguab : par rapport à ton PS, il est parfois difficile de se débarrasser de certaines expressions. Pour ma part, je parlerais de films devenus "intemporels" pour désigner ces grands classiques du cinéma qui ne vieillissent pas (c'est à cela qu'on reconnait qu'ils sont devenus des classiques).
    Strum

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  4. @Strum 1:

    Je n'ai vu que deux des films de Mizoguchi, mais d'autres viendront, c'est certain.
    Merci pour tous tes conseils. Le prochain devrait être "Les contes de la lune vague après la pluie".

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  5. @Eeguab:

    De rien, merci à toi de ton intérêt, l'ami ! Oui, je suis allé fouiller dans tes archives.
    Sur le vieillissement du film, je parlais de la forme. Mais oui, c'est une expression que je vais tâcher d'éviter désormais.

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  6. @Strum 2:

    "Films intemporels": oui, l'expression est bien trouvée. Je retiens !
    Tu auras compris qu'ici, je faisais référence à la forme. On ne tourne plus guère de tels films aujourd'hui.

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