Nous n'avons pas tout à fait eu le choix: pour clôturer le festival annuel de mon association, notre engagement à participer également à des soirées prévues par Amnesty International a imposé L'image manquante comme film de clôture de notre semaine liée aux exils. Aucun regret: ce rude documentaire mérite bien qu'on s'y intéresse...
Si le nom des Khmers rouges ne vous dit rien, je vous recommande vivement de chercher sur Internet ou, mieux, dans un livre d'histoire qui étaient ces hommes et leur leader, Pol Pot, pour mesurer aussitôt les horreurs qu'ils ont commises au Cambodge, en adeptes forcenés d'un communisme radical. Entre 1975 et 1979, on estime aujourd'hui le bilan de ces sombres années à 1,7 millions d'hommes et de femmes tués - soit l'équivalent de 20% de la population du pays, à l'époque. Rithy Panh, le réalisateur de L'image manquante, a lui-même perdu ses parents et une partie de sa famille. Il a été déporté à 11 ans ! Finalement, il a été accueilli en France quand il était adolescent. D'abord, il a refusé de témoigner sur ce qu'il avait traversé, au point même de renoncer à l'usage de sa langue maternelle. C'est en 1988 qu'il a changé d'avis et a décidé, à travers le cinéma, d'entretenir aussi la mémoire de son peuple. Et dans ce film, à défaut d'archives audiovisuelles, il a conçu des figurines pour "incarner" les disparus...
J'aime autant vous dire que c'est poignant ! Outre qu'il renforce l'aspect graphique du film, le procédé a un autre avantage: il produit une sorte de distance entre les spectateurs et le sujet abordé. Franchement, ce n'est pas une mauvaise chose: on peut s'intéresser ouvertement à cette histoire, mais ne pas affronter de documents trop horrifiques permet de s'y plonger sans éprouver de dégoût. L'image manquante est plein d'empathie, mais jamais voyeuriste. Didactique, parfois à la limite de l'ironie, une voix off discrète alterne données explicatives et considérations plus intimes de l'auteur. Pudique, ce dernier dit ne plus pouvoir voir certaines des choses héritées de cette partie de sa vie. Au-delà des faits, quelques-unes des illustrations qu'il a retenues pour appuyer son propos font froid dans le dos, à l'exemple de ces enfants condamnés aux travaux forcés ou de ces immenses foules faussement enthousiasmées par l'ordre nouveau. Cela paraît aussi démentiel qu'Auschwitz ou Nuremberg. C'était pourtant - ne l'oublions pas - il y a tout au plus quarante ans...
L'image manquante
Documentaire franco-cambodgien de Rithy Panh (2015)
Est-ce du cinéma ? Oui, je dirais qu'il s'agit d'un cinéma du réel. Aucun autre témoin rescapé n'illustre le propos - le vrai Rithy Panh restant très largement absent du cadre de sa caméra. J'ai appris beaucoup de choses et j'ai vu une belle oeuvre, digne et forte. Difficile d'enchaîner après ça, mais je l'ai fait deux jours plus tard. Ici, tout de même, j'ai prévu un "sas de décompression" mercredi...
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Si vous voulez un autre avis (et d'autres infos)...
Je vous recommande de lire aussi la chronique publiée chez Eeguab. J'ajoute (euh... tardivement !) un lien vers celle de Princécranoir. D'autres parmi vous ont-ils vu le film... ou en ont-ils entendu parler ?
Si le nom des Khmers rouges ne vous dit rien, je vous recommande vivement de chercher sur Internet ou, mieux, dans un livre d'histoire qui étaient ces hommes et leur leader, Pol Pot, pour mesurer aussitôt les horreurs qu'ils ont commises au Cambodge, en adeptes forcenés d'un communisme radical. Entre 1975 et 1979, on estime aujourd'hui le bilan de ces sombres années à 1,7 millions d'hommes et de femmes tués - soit l'équivalent de 20% de la population du pays, à l'époque. Rithy Panh, le réalisateur de L'image manquante, a lui-même perdu ses parents et une partie de sa famille. Il a été déporté à 11 ans ! Finalement, il a été accueilli en France quand il était adolescent. D'abord, il a refusé de témoigner sur ce qu'il avait traversé, au point même de renoncer à l'usage de sa langue maternelle. C'est en 1988 qu'il a changé d'avis et a décidé, à travers le cinéma, d'entretenir aussi la mémoire de son peuple. Et dans ce film, à défaut d'archives audiovisuelles, il a conçu des figurines pour "incarner" les disparus...
J'aime autant vous dire que c'est poignant ! Outre qu'il renforce l'aspect graphique du film, le procédé a un autre avantage: il produit une sorte de distance entre les spectateurs et le sujet abordé. Franchement, ce n'est pas une mauvaise chose: on peut s'intéresser ouvertement à cette histoire, mais ne pas affronter de documents trop horrifiques permet de s'y plonger sans éprouver de dégoût. L'image manquante est plein d'empathie, mais jamais voyeuriste. Didactique, parfois à la limite de l'ironie, une voix off discrète alterne données explicatives et considérations plus intimes de l'auteur. Pudique, ce dernier dit ne plus pouvoir voir certaines des choses héritées de cette partie de sa vie. Au-delà des faits, quelques-unes des illustrations qu'il a retenues pour appuyer son propos font froid dans le dos, à l'exemple de ces enfants condamnés aux travaux forcés ou de ces immenses foules faussement enthousiasmées par l'ordre nouveau. Cela paraît aussi démentiel qu'Auschwitz ou Nuremberg. C'était pourtant - ne l'oublions pas - il y a tout au plus quarante ans...
L'image manquante
Documentaire franco-cambodgien de Rithy Panh (2015)
Est-ce du cinéma ? Oui, je dirais qu'il s'agit d'un cinéma du réel. Aucun autre témoin rescapé n'illustre le propos - le vrai Rithy Panh restant très largement absent du cadre de sa caméra. J'ai appris beaucoup de choses et j'ai vu une belle oeuvre, digne et forte. Difficile d'enchaîner après ça, mais je l'ai fait deux jours plus tard. Ici, tout de même, j'ai prévu un "sas de décompression" mercredi...
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Si vous voulez un autre avis (et d'autres infos)...
Je vous recommande de lire aussi la chronique publiée chez Eeguab. J'ajoute (euh... tardivement !) un lien vers celle de Princécranoir. D'autres parmi vous ont-ils vu le film... ou en ont-ils entendu parler ?
Bonjour Martin. Bien sûr que c'est du cinéma. C'est même l'honneur du cinéma. Je suis heureux que le film t'ait plu et merci du lien. A bientôt.
RépondreSupprimerBonsoir Eeguab. Et pas de quoi pour le lien !
RépondreSupprimerJe suis d'accord avec toi pour dire que c'est à mettre au crédit des producteurs de cinéma de soutenir des démarches comme celle de Rithy Panh. Si je me suis demandé si le film relevait bien du septième art, ce n'est que pour une question de forme. Je ne suis pas sûr que ces images auraient été très différentes dans d'autres médias. Cela dit, on ne le saura jamais et qu'importe: ce qui compte vraiment, c'est qu'elles puissent circuler librement et être vues.
Il s'agit pour moi d'un véritable chef d'oeuvre du documentaire (je l'avais chroniqué lors de sa diffusion : http://princecranoir.mabulle.com/index.php/2013/12/18/206842-l-image-manquante) ou pour ainsi dire, "du cinéma du réel". Tu mentionnes Auschwitz comme point de repère, mais on pourrait tout aussi bien parler de la situation actuelle en Corée du Nord, sous le joug d'un régime aussi dur que celui des khmers. Voilà qui met le film de Panh au rang des oeuvres essentielles de notre temps.
RépondreSupprimerOups ! Mes excuses pour ne pas avoir fait un lien vers ta chronique ! L'oubli est réparé.
RépondreSupprimerLa comparaison que tu proposes avec le régime nord-coréen me semble tout à fait tenir la route. Je note cependant que nous n'avons (encore) que bien peu d'images sur la réalité de ce pays et, à ma connaissance en tout cas, presque pas de témoignages directs des victimes de cette autre dictature. Et pour cause...
Ta chronique très enthousiaste s'ajoutant au souvenir de celle de notre bon Princecranoir, je jetterais désormais un oeil très avisé à ce documentaire qui semble original dans sa forme et passionnant sur le fond.
RépondreSupprimerJe serais vraiment curieux d'avoir ton avis ce genre de films. C'est gentil en tout cas de nous faire confiance. J'espère désormais que tu auras une occasion de le voir.
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