Paul Vecchiali, suite et "fin". Pour clôturer (déjà) cette semaine blog consacrée au cinéaste, il est temps de vous expliquer que l'occasion de voir consécutivement deux de ses films est venue d'une initiative de mon association. Mieux qu'une mini-rétrospective, nous avons pu accueillir le réalisateur et, pendant trois soirées, échanger avec lui sur son travail. Un vrai privilège quand on se souvient qu'il a 85 ans...
Paul Vecchiali a tourné quatre (!) films l'année dernière et nous a dit que deux d'entre eux devraient être visibles avant 2017. Il a débuté comme réalisateur à l'aube des sixties, soit six ans après être sorti diplômé... de l'école Polytechnique. À l'instar de François Truffaut notamment, il a été critique aux Cahiers du cinéma - entre autres. Cinéphile avisé, il est aussi connu comme auteur d'un ouvrage-phare sur les cinéastes français (et inspirés par la France) des années 30. Publiée fin 2010, cette Encinéclopédie est le fruit d'une dizaine d'années de travail collectif, en deux tomes de 738 et 880 pages. L'idée même d'être autre chose qu'exhaustif lui paraissait incongrue ! Derrière la caméra, Paul Vecchiali n'a pas été moins gourmand: il a tourné une trentaine de longs-métrages pour le cinéma, une vingtaine pour la télé et un bon paquet de courts. Sans oublier qu'il est auteur de romans et metteur en scène de théâtre, si l'occasion se présente...
Pour ne pas faire trop long, et parler surtout de ce que j'ai entendu lors de la rencontre avec mon association, je vais rester sur les films que j'ai découverts. À propos de L'étrangleur, Paul Vecchiali explique d'abord qu'il a écrit son scénario en mode automatique, en revenant de longues promenades dans la nuit parisienne. Il s'amuse d'ailleurs d'une anecdote: "Bien des années plus tard, quand il est enfin passé sur Canal+, j'ai appris que j'avais fait le premier film de serial killer français, ainsi que le premier film gore". Un qualificatif discutable...
Paul Vecchiali souligne avoir écrit le rôle principal de L'étrangleur pour Jacques Perrin. Il l'avait découvert dans un plus vieux film italien, signé Valerio Zurlini. Après de longs mois, c'est Éva Simonet qui aurait convaincu son frère. Laurent Terzieff et Claude Rich avaient été envisagés, ainsi que Terence Stamp, une proposition émise par Paul-Loup Sulitzer, éphémère producteur du projet de film.
De l'aveu du réalisateur, L'étrangleur est "fait de faux raccords". C'est tout sauf une erreur: Paul Vecchiali souhaitait "mettre un doute constant dans cette aventure. Ce n'est pas mon cas, mais on peut aller jusqu'à se demander si l'enfant du début n'a pas tout rêvé". Subtil, le réalisateur installe une dialectique entre le vrai et le faux. "Le film est maîtrisé, photogramme par photogramme", assure-t-il.
À ce stade de mes explications, je n'ai pas encore parlé du Chacal. Personnage secondaire de L'étrangleur, il détrousse les femmes assassinées et suscite la colère du tueur. Au cours du débat qui a suivi la projection, un spectateur a dit y voir une métaphore de ceux qui, sans se mouiller, dans l'ombre, profitent du travail des autres. Paul Vecchiali souhaitait en tout cas opposer deux visions de la nuit.
Le cinéaste avait une anecdote amusante à propos d'une des actrices qu'il apprécie tout particulièrement: Nicole Courcel. Très heureux visiblement d'avoir pu tourner L'étrangleur avec elle, il raconte tout de ses inquiétudes quand la comédienne lui a dit ne pas pouvoir jouer une scène, faute de pouvoir d'abord partir du pied droit. Une boutade plus loin, elle aura finalement et complètement répondu aux attentes.
Sous les faux airs de films d'auteur, Paul Vecchiali se dit persuadé qu'il réalise du cinéma populaire. L'étrangleur n'aurait fonctionné qu'après avoir quitté les salles d'art et d'essai. La manière dont il fut exploité initialement était mauvaise: "En une journée, il faisait 8, 7 ou 12 entrées. Quand on m'a dit 95, c'était en francs... la recette quotidienne". Son retour en grâce tardif surprend encore le cinéaste.
J'en viens maintenant à ses diverses explications sur Corps à coeur. Avant la projection, c'est d'abord de ses comédiens, Hélène Surgère et Nicolas Silberg, que Paul Vecchiali a parlé. "Je n'aurais pas pu faire le film sans eux". Le tournage a eu lieu par petits bouts, au rythme de l'argent disponible et pendant neuf mois en tout. "C'est une oeuvre capitale dans ma vie et, peut-être plus encore, dans ma carrière. J'aurais sans doute arrêté si je n'avais pas pu la réaliser". Il a fallu quelques instants au cinéaste pour nous en reparler après la séance...
Même si leurs relations se sont réchauffées ensuite, Paul Vecchiali assure qu'Hélène Surgère et Nicolas Silberg n'avaient pas sympathisé lors du tournage. Corps à coeur, deux rôles de pure composition ! Sachant cela, on ne peut qu'admirer un peu plus l'engagement total des comédiens dans la peau de leurs personnages. L'un et l'autre osent se mettre à nu... à tous les sens du mot. Solides performances.
L'homme derrière la caméra insiste: "L'opposition des comédiens allait encore plus loin que celle de leurs personnages". Il décrit alors des comportements inverses sur le plateau, Nicolas Silberg courant partout et capable d'improviser des dialogues, Hélène Surgère adossée aux murs, presque endormie. À l'image, l'un se vide soudain de ses émotions, quand l'autre les accepte enfin. Bref, ça fonctionne.
Paul Vecchiali travaille avec une famille artistique, des techniciens fidèles et des comédiens qui ne le sont pas moins. Il nous a parlé longuement de Corps à coeur, mais n'a pas pu le revoir avec nous, noué qu'il était par l'émotion devant tant d'amis disparus. "Il n'y a pratiquement que Nicolas Silberg qui soit encore vivant". Le cinéaste aurait tourné huit fois avec l'acteur. Et avec Hélène Surgère, treize...
Au départ, Corps à coeur est conçu comme la rencontre d'une "femme qui entend bien préserver son territoire sexuel et d'un homme qui sait ce qu'il veut". L'auteur rejette le terme de mélodrame, qu'il réserve aux films dont les personnages subissent l'action. Il y a effectivement une détermination en Jeanne-Michèle et Pierre, la tragédie naissant du fait qu'elle n'est pas toujours partagée. Une idée de l'amour fou...
Paul Vecchiali n'impose aucune réponse claire. Pour expliquer les choix comportementaux de son personnage féminin, il évoque la différence d'âge avec l'homme qu'elle aime, une peur de ne pas être à la hauteur et la maladie comme justifications possibles à ses renoncements. Volontairement flou sur ce point, le cinéaste a souhaité caractériser ses personnages secondaires - le "choeur antique" de Corps à coeur.
Parce que nous devions libérer la salle pour la projection programmée d'un autre film, il nous a fallu terminer le débat avec Paul Vecchiali. Le cinéaste est toutefois resté bavarder avec quelques personnes dans l'entrée du cinéma, puis au restaurant - j'étais alors reparti. Avant de nous quitter, il a spontanément exposé sa vision du public. "On ne fait pas un film pour soi, mais pour les spectateurs. On peut aussi faire un film pour quelqu'un, comme un cadeau, un bouquin qu'on offre. Le public... c'est un terme inventé par les distributeurs. Ça n'existe pas ! Y penser conduit à se crasher... à s'émasculer ! Chacun de vous existe, en revanche, et j'essaye de vous respecter". Serez-vous surpris si j'indique que ces propos ont été très applaudis ? Ils s'inscrivent comme un temps fort de mon début d'année cinéphile.
Paul Vecchiali a tourné quatre (!) films l'année dernière et nous a dit que deux d'entre eux devraient être visibles avant 2017. Il a débuté comme réalisateur à l'aube des sixties, soit six ans après être sorti diplômé... de l'école Polytechnique. À l'instar de François Truffaut notamment, il a été critique aux Cahiers du cinéma - entre autres. Cinéphile avisé, il est aussi connu comme auteur d'un ouvrage-phare sur les cinéastes français (et inspirés par la France) des années 30. Publiée fin 2010, cette Encinéclopédie est le fruit d'une dizaine d'années de travail collectif, en deux tomes de 738 et 880 pages. L'idée même d'être autre chose qu'exhaustif lui paraissait incongrue ! Derrière la caméra, Paul Vecchiali n'a pas été moins gourmand: il a tourné une trentaine de longs-métrages pour le cinéma, une vingtaine pour la télé et un bon paquet de courts. Sans oublier qu'il est auteur de romans et metteur en scène de théâtre, si l'occasion se présente...
Pour ne pas faire trop long, et parler surtout de ce que j'ai entendu lors de la rencontre avec mon association, je vais rester sur les films que j'ai découverts. À propos de L'étrangleur, Paul Vecchiali explique d'abord qu'il a écrit son scénario en mode automatique, en revenant de longues promenades dans la nuit parisienne. Il s'amuse d'ailleurs d'une anecdote: "Bien des années plus tard, quand il est enfin passé sur Canal+, j'ai appris que j'avais fait le premier film de serial killer français, ainsi que le premier film gore". Un qualificatif discutable...
Paul Vecchiali souligne avoir écrit le rôle principal de L'étrangleur pour Jacques Perrin. Il l'avait découvert dans un plus vieux film italien, signé Valerio Zurlini. Après de longs mois, c'est Éva Simonet qui aurait convaincu son frère. Laurent Terzieff et Claude Rich avaient été envisagés, ainsi que Terence Stamp, une proposition émise par Paul-Loup Sulitzer, éphémère producteur du projet de film.
De l'aveu du réalisateur, L'étrangleur est "fait de faux raccords". C'est tout sauf une erreur: Paul Vecchiali souhaitait "mettre un doute constant dans cette aventure. Ce n'est pas mon cas, mais on peut aller jusqu'à se demander si l'enfant du début n'a pas tout rêvé". Subtil, le réalisateur installe une dialectique entre le vrai et le faux. "Le film est maîtrisé, photogramme par photogramme", assure-t-il.
À ce stade de mes explications, je n'ai pas encore parlé du Chacal. Personnage secondaire de L'étrangleur, il détrousse les femmes assassinées et suscite la colère du tueur. Au cours du débat qui a suivi la projection, un spectateur a dit y voir une métaphore de ceux qui, sans se mouiller, dans l'ombre, profitent du travail des autres. Paul Vecchiali souhaitait en tout cas opposer deux visions de la nuit.
Le cinéaste avait une anecdote amusante à propos d'une des actrices qu'il apprécie tout particulièrement: Nicole Courcel. Très heureux visiblement d'avoir pu tourner L'étrangleur avec elle, il raconte tout de ses inquiétudes quand la comédienne lui a dit ne pas pouvoir jouer une scène, faute de pouvoir d'abord partir du pied droit. Une boutade plus loin, elle aura finalement et complètement répondu aux attentes.
Sous les faux airs de films d'auteur, Paul Vecchiali se dit persuadé qu'il réalise du cinéma populaire. L'étrangleur n'aurait fonctionné qu'après avoir quitté les salles d'art et d'essai. La manière dont il fut exploité initialement était mauvaise: "En une journée, il faisait 8, 7 ou 12 entrées. Quand on m'a dit 95, c'était en francs... la recette quotidienne". Son retour en grâce tardif surprend encore le cinéaste.
J'en viens maintenant à ses diverses explications sur Corps à coeur. Avant la projection, c'est d'abord de ses comédiens, Hélène Surgère et Nicolas Silberg, que Paul Vecchiali a parlé. "Je n'aurais pas pu faire le film sans eux". Le tournage a eu lieu par petits bouts, au rythme de l'argent disponible et pendant neuf mois en tout. "C'est une oeuvre capitale dans ma vie et, peut-être plus encore, dans ma carrière. J'aurais sans doute arrêté si je n'avais pas pu la réaliser". Il a fallu quelques instants au cinéaste pour nous en reparler après la séance...
Même si leurs relations se sont réchauffées ensuite, Paul Vecchiali assure qu'Hélène Surgère et Nicolas Silberg n'avaient pas sympathisé lors du tournage. Corps à coeur, deux rôles de pure composition ! Sachant cela, on ne peut qu'admirer un peu plus l'engagement total des comédiens dans la peau de leurs personnages. L'un et l'autre osent se mettre à nu... à tous les sens du mot. Solides performances.
L'homme derrière la caméra insiste: "L'opposition des comédiens allait encore plus loin que celle de leurs personnages". Il décrit alors des comportements inverses sur le plateau, Nicolas Silberg courant partout et capable d'improviser des dialogues, Hélène Surgère adossée aux murs, presque endormie. À l'image, l'un se vide soudain de ses émotions, quand l'autre les accepte enfin. Bref, ça fonctionne.
Paul Vecchiali travaille avec une famille artistique, des techniciens fidèles et des comédiens qui ne le sont pas moins. Il nous a parlé longuement de Corps à coeur, mais n'a pas pu le revoir avec nous, noué qu'il était par l'émotion devant tant d'amis disparus. "Il n'y a pratiquement que Nicolas Silberg qui soit encore vivant". Le cinéaste aurait tourné huit fois avec l'acteur. Et avec Hélène Surgère, treize...
Au départ, Corps à coeur est conçu comme la rencontre d'une "femme qui entend bien préserver son territoire sexuel et d'un homme qui sait ce qu'il veut". L'auteur rejette le terme de mélodrame, qu'il réserve aux films dont les personnages subissent l'action. Il y a effectivement une détermination en Jeanne-Michèle et Pierre, la tragédie naissant du fait qu'elle n'est pas toujours partagée. Une idée de l'amour fou...
Paul Vecchiali n'impose aucune réponse claire. Pour expliquer les choix comportementaux de son personnage féminin, il évoque la différence d'âge avec l'homme qu'elle aime, une peur de ne pas être à la hauteur et la maladie comme justifications possibles à ses renoncements. Volontairement flou sur ce point, le cinéaste a souhaité caractériser ses personnages secondaires - le "choeur antique" de Corps à coeur.
Parce que nous devions libérer la salle pour la projection programmée d'un autre film, il nous a fallu terminer le débat avec Paul Vecchiali. Le cinéaste est toutefois resté bavarder avec quelques personnes dans l'entrée du cinéma, puis au restaurant - j'étais alors reparti. Avant de nous quitter, il a spontanément exposé sa vision du public. "On ne fait pas un film pour soi, mais pour les spectateurs. On peut aussi faire un film pour quelqu'un, comme un cadeau, un bouquin qu'on offre. Le public... c'est un terme inventé par les distributeurs. Ça n'existe pas ! Y penser conduit à se crasher... à s'émasculer ! Chacun de vous existe, en revanche, et j'essaye de vous respecter". Serez-vous surpris si j'indique que ces propos ont été très applaudis ? Ils s'inscrivent comme un temps fort de mon début d'année cinéphile.
Coucou Martin,
RépondreSupprimerUn grand merci pour la présentation du réalisateur Paul Vecchiali, le temps de trois billets qui ont suscité mon intérêt. J'avoue n'avoir jamais entendu parlé de ce réalisateur auparavant, bref une lacune en moins, enfin en théorie. Car maintenant il faut encore voir ses films, et je ne suis pas certaine qu'ils soient facilement accessibles. A suivre donc ;-)
J'avoue n'avoir jamais entendu parlER... une petite correction s'imposait ;-)
RépondreSupprimerMerci pour ces beaux billets consacrés à un cinéaste méconnu... ce fut une belle rencontre, par le biais de ton blog, Martin.
RépondreSupprimer@Sentinelle 1:
RépondreSupprimerMerci à toi de ton intérêt pour cette présentation, loin d'être exhaustive. Il est vrai que tu risques d'avoir quelques difficultés à découvrir les films de ce réalisateur. Cela dit, il vient d'en sortir quelques-uns en coffret DVD. Une piste à suivre ?
@Sentinelle 2:
RépondreSupprimerTa rigueur grammaticale est tout à fait admirable, chère amie !
@Laurent:
RépondreSupprimerMerci à toi d'être venu les lire, surtout. Comme je l'ai souligné, il est clair que la rencontre avec ce vieux monsieur s'inscrit déjà comme l'un des temps forts de mon année au cinéma. J'ai raté - à regret - l'un des films qu'il est venu présenter, mais je me sens privilégié d'avoir pu l'écouter sur ses innombrables longs-métrages.
Je crois être sûre... de n'en avoir vu aucun.
RépondreSupprimerMais tu donnes envie...
Mais...
il y a tant de choses à voir !
Pourtant, il en a réalisé... beaucoup. C'est le paradoxe de Paul Vecchiali. Je suis ravi d'avoir su titiller ta curiosité cinéphile, en tout cas. En espérant que tu auras l'occasion de l'assouvir.
RépondreSupprimer