jeudi 1 mai 2014

Errance

Je vais finir un jour par écrire une thèse sur les traductions des titres des films anglo-saxons. Je ne vois pas bien pourquoi Meek's cutoff est devenu La dernière piste et pas Le raccourci de Meek. J'accepte toutefois l'idée que ce n'est pas le plus important: cette version française n'a pas gâché mon plaisir de découvrir cet étonnant western contemporain. Beaucoup d'encre a coulé sur les relectures modernes de ces films caractéristiques d'un certain cinéma américain. Oeuvre d'une femme, cette proposition a satisfait mes espoirs de renouveau.

Trois familles de pionniers traversent une rivière, non sans difficulté. Observée de loin, c'est la première scène de La dernière piste. Apparemment, ces personnages ont quitté un convoi plus important. Trois femmes, trois hommes, un enfant... ils ont décidé de faire confiance à un trappeur, le fameux Meek, qui leur a dit qu'il suffirait bientôt qu'ils se baissent pour ramasser tout l'or de la Terre. Le fait est qu'au milieu de nulle part, le voyage ne se passe pas exactement comme prévu. Égarés, les colons commencent sérieusement à douter des compétences de leur guide. La situation est d'autant plus tendue que les vivres se raréfient, ainsi que leurs réserves en eau potable. L'arrivée d'un Indien au coeur du petit groupe va encore faire monter les tensions d'un cran. Je vous laisse découvrir la suite. Il est clair qu'entre de bonnes mains, dix comédiens peuvent tout à fait suffire pour faire un bon film. Malgré son aridité formelle, celui-là le prouve.

D'entendre des coups de feu dans un western ne surprendra personne. Les deux seuls tirs dans La dernière piste sont en fait des signaux d'alarme. Même la musique se fait rare, tout au long du métrage. L'unique son récurrent est celui des roues des charriots sur la terre sèche de l'Orégon, désespérant de répétitivité. Les nuits succèdent aux jours, les jours succèdent aux nuits: l'errance des pionniers paraît devoir durer toujours. La très bonne idée de réalisation aura consisté à écarter l'usage du Cinémascope des productions hollywoodiennes "traditionnelles": le format d'image retenu, presque carré, renforce délibérément la sensation d'oppression qui pèse sur les personnages. Ils n'ont ni certitude, ni vrai horizon pour espérer que leurs efforts seront récompensés. Le film pose du coup la question de la confiance apportée à l'individu au sein d'un groupe en crise, sans y apporter d'ailleurs de réponse définitive. À chacun de se forger une opinion...

La dernière piste
Film américain de Kelly Reichardt (2010)

Je n'ai pas dit un mot des acteurs, mais j'ai apprécié de revoir ici ceux que je connaissais déjà avant de voir le film: Michelle Williams, Zoe Kazan et Paul Dano. À l'image de l'Indien Rod Rondeaux, le reste de la distribution est bonne. Cela dit, c'est plus l'ambiance que le jeu particulier des uns ou des autres qui est admirable ici. Je crois pouvoir comparer avec Dead man - même si ce Jim Jarsmuch m'emballe peu. J'ai aussi songé à un western plus récent: Gold. Amateur du genre, je reste très preneur de vos possibles... pistes.

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Bien qu'assez pointu, le film semble avoir fait recette...

David ("L'impossible blog ciné") en parlait avant même sa sortie. D'autres en ont écrit la chronique après l'avoir vu: des avis divergents qui vous feront choisir - ou pas - entre "L'oeil sur l'écran", "Ma bulle", "La cinémathèque de Phil Siné" et "Sur la route du cinéma". À vous !

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