jeudi 4 juillet 2013

Un autre regard

La question de l'utilité du cinéma a déjà nourri d'innombrables pages d'analyse. Elle peut sûrement se poser à chaque nouveau film. Il n'est donc pas question pour moi de proposer une synthèse de mon opinion sur le sujet. J'aime autant vous entraîner vers d'autres découvertes personnelles et dès lors poursuivre mon approche du cinéma algérien en vous parlant d'un autre film de Merzak Allouache, Harragas. Il y a encore quelques semaines, je ne connaissais pas ce mot ! Il désigne les migrants d'Afrique du Nord, de Mauritanie et du Sénégal qui, clandestinement, voguent en Méditerranée vers l'Eldorado européen.

À nous Français qui pensons la connaître, le film de Merzak Allouache présente donc cette immigration depuis l'autre côté de la barrière douanière - d'où le titre de ma chronique. La sensibilité qu'il déploie n'est en rien accusatrice. De la génération des pères, le cinéaste algérien s'interroge visiblement sur l'avenir de la jeunesse de la rive sud de la Méditerranée, mais il n'accable pas les populations du Nord. Détail révélateur: le seul policier du film est lui aussi un migrant clandestin... et le personnage le plus négatif du scénario ! Ce que j'ai lu par ailleurs sur le long-métrage me fait dire qu'il peut d'ailleurs détourner votre regard de l'essentiel. J'insiste donc un peu: Harragas ne m'est pas apparu comme un film propagandiste. Sans en faire pourtant une vérité absolue, sans s'ériger en directeur de conscience, Allouache pose une situation, montre à quel point elle peut être pathétique... et dangereuse, mais ne conclut jamais sur la question du bien et du mal. C'est bien pour moi tout l'intérêt du long-métrage.

Il est vrai aussi qu'avant le générique final, des cartons de texte donnent quelques chiffres sur les victimes de ces migrations. Difficile de ne pas en être choqué: le nombre de morts dues à ces départs s'avère tellement haut ! Ce cinéma du réel frappe juste: il s'appuie évidemment sur des personnages fictifs, mais il rappelle également que la réalité est bien là, ce qui a pu me rappeler une vieille pièce d'Ariane Mnouchkine, vue il y a de celà quelques années. La force d'Harragas tient aussi à ce que c'est également... une vraie oeuvre de cinéma. Les images captées à terre sont souvent d'une beauté naturelle incomparable. Mieux encore, aussitôt que les migrants embarquent, la façon dont leur périple est filmé nous fait partager avec eux l'inquiétude que tout ça finira mal. Je choisis délibérément de ne pas évoquer le destin des divers personnages pour vous laisser le percevoir par vous-mêmes, avant peut-être de le juger. La voix off qui scande le film ne me fait pas oublier la complexité de ces réalités.

Harragas
Film franco-algérien de Merzak Allouache (2010)

En deux long-métrages, celui-là et Le repenti, le réalisateur réussit pour moi sur deux tableaux: me faire comprendre que son intelligence va bien plus loin que les blagues de Chouchou et me donner matière à regarder de plus près l'histoire de son pays. J'espère avoir l'occasion de voir d'autres de ses longs-métrages, passés ou futurs. D'ici là, j'ai prévu samedi de vous proposer un troisième regard sur l'Algérie. N'hésitez donc pas à me faire part de ceux que vous pourriez avoir !

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